L'épidémie de pneumonie virale paralyse l'économie chinoise, avec le confinement de dizaines de millions de personnes, tandis que des dizaines de pays imposent des restrictions aux voyageurs venant de Chine.
Conséquence immédiate pour de multiples projets financés par Pékin en Asie: les livraisons de matériaux ont cessé et, surtout, la main d'oeuvre d'ouvriers chinois fait cruellement défaut.
Ainsi, au Sri Lanka, "les grands chantiers d'infrastructures financés par la Chine emploient principalement des ouvriers chinois, et se trouvent dans l'embarras", déclare à l'AFP le secrétaire de la Chambre nationale des industries de construction, Nissanka Wijeratne.
D'autant que le pays impose une quarantaine de 14 jours aux travailleurs revenant de Chine, cantonnés dans leurs dortoirs.
Le projet gigantesque d'île artificielle de Port City, chantier à 1,4 milliards de dollars près de la capitale Colombo, avance donc au ralenti: un tiers des ouvriers chinois repartis dans leur pays pour les vacances du Nouvel an lunaire ne sont pas revenus.
Leur cantine reste à moitié vide, a constaté l'AFP. Et la défiance règne sur le chantier, compliquant la reprise.
"La plupart de nos collègues chinois veulent revenir mais les employés locaux restent effrayés à l'idée de les côtoyer", soupire un contremaître chinois, M. Xia. "Difficile de savoir quand les choses reviendront à la normale".
Une pharmacie voisine vend ainsi avec succès des "amulettes ayurvédiques" à base de curcuma et de résine, censées "préserver des infections". Elles s'arrachent parmi les ouvriers des "chantiers chinois", se réjouit le pharmacien Anjana Paramesh. Autre chantier affecté: l'ouverture de la plus haute tour de communication d'Asie du Sud, érigée avec des capitaux chinois à Colombo, a été retardée de deux mois.
Pont suspendu
L'administration chinoise supervisant les entreprises d'Etat reconnaît des "difficultés". Certains groupes "isolent leurs employés 14 jours en Chine puis encore 14 jours dans le pays concerné", se désole son secrétaire général Peng Huagang.
Plus radical, le Bangladesh a arrêté de délivrer des visas aux ressortissants chinois.
Or, la centrale électrique de la Bangladesh China Power Company, infrastructure à 2,5 milliards de dollars financée par la Chine à Payra (sud), emploie quelque 3.000 Chinois.
Presque les deux tiers ne sont pas rentrés de leurs vacances en Chine, selon le responsable du projet Abdul Moula.
"Nous projetons de démarrer à pleine capacité le mois prochain mais si au moins 300 ouvriers ne rentrent pas d'ici fin février, la production d'électricité sera retardée", insiste-t-il.
Sur la construction du pont Padma, infrastructure à 3,5 milliards de dollars du groupe étatique China Major Railway Bridge, environ un tiers des 980 ouvriers chinois n'est pas encore rentré, selon le chef du chantier Dewan Abdul Kader.
Mêmes difficultés sur l'île indonésienne de Sumatra, où la construction de la centrale hydroélectrique Batang Toru est suspendue faute de travailleurs après la décision de l'Indonésie d'interrompre ses vols avec la Chine continentale.
Le chantier de la liaison de TGV Jakarta-Bandung (6 milliards de dollars) est également retardé.
'Difficiles à remplacer'
Au Népal, où une dizaine de chantiers d'infrastructures hydroélectriques sont financés par la Chine, l'absence d'ouvriers chinois se fait aussi cruellement sentir.
"Les projets sont retardés ou ralentis. Beaucoup étaient des ouvriers spécialisés, difficiles à remplacer localement", souligne Vishnu Bahadur Singh, de la fédération népalaise de l'industrie hydroélectrique.
Ces contretemps surviennent alors que les nouvelles "routes de la soie", vaste plan d'infrastructures lancé par la Chine à travers le globe, connaissent de nombreuses résistances locales, en particulier au Sri Lanka, en Malaisie et en Indonésie, où des contrats sont en cours de renégociation. Pékin y est notamment accusé d'encourager un endettement massif et ingérable pour ces pays partenaires.
Mais pour le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi, l'épidémie ne devrait pas faire dérailler ces projets en Asie: "Il n'y aura aucun impact négatif", a-t-il tranché.