Nouvelle rentrée, nouveau conclave. Et nouvelle performance présidentielle. Mercredi dernier à Saint-Denis, Emmanuel Macron a réuni les chefs de partis. La réunion a duré douze heures et s'est achevée au milieu de la nuit. Infatigable président, comme au temps du "grand débat" qui l'avait remis en selle après la crise des "gilets jaunes".
L'Élysée a vanté "un grand moment politique", inédit sous la Ve République. Mais les oppositions sont sceptiques. Si "la démarche avec les partis politiques n'est pas inintéressante, le problème est ce qu'il va en sortir. J'espère qu'elle n'aura pas le même résultat que le grand débat, la Convention citoyenne pour le climat ou le Conseil national de la refondation. Attention à ce qu'une nouvelle fois, cela ne débouche sur rien", avertit le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher.
C'est une marque de fabrique depuis 2017: si le président n'a jamais utilisé les armes constitutionnelles majeures, le référendum ou la dissolution, il a en revanche multiplié les innovations. "Tous les ressorts de la communication politique et institutionnelle ont été utilisés", ce qui "va avec sa volonté de sortir des codes et rejoint sa manière de gouverner", relève la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.
Manière de contourner le Parlement, selon les détracteurs du président. Obsession de mieux associer les citoyens à la décision publique, plaident ses soutiens. "Toutes ces tentatives" visent à ce que "les gens de la base, qui ont des identités politiques différentes, puissent se reconnaître dans le rapport avec le pouvoir", selon le président du MoDem, François Bayrou.
Première innovation: le "grand débat national" de 2019. Sérieusement ébranlé par les "gilets jaunes", Emmanuel Macron s'était lancé dans une série d'échanges, durant parfois jusqu'à sept heures, avec des assemblées essentiellement composées de maires. L'occasion de démontrer sa pugnacité et sa capacité à répondre sur de nombreux sujets, même locaux.
Mais "les cahiers de doléances dans toutes les mairies, où des centaines de milliers de Français se sont déplacés pour les remplir, ont croupi dans les sous-sols des préfectures sans qu'aucune suite ne soit donnée", dénonce la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier.
"Contrer la fatalité"
Seconde nouveauté: les conventions citoyennes. Des Français tirés au sort, chargés de plancher sur un sujet et d'établir des propositions. Pour la Convention sur le climat, le président s'était engagé à les reprendre "sans filtre". Mais à peine ses conclusions rendues mi-2020, M. Macron avait posé d'emblée "trois jokers", tout en ouvrant la porte à un référendum qui n'a jamais abouti.
La même méthode est aujourd'hui à l’œuvre sur le sujet délicat de la fin de vie. Les "conventionnels" se sont prononcés pour une aide active à mourir. Affaire à suivre.
Réélu en 2022, Emmanuel Macron annonce quelques jours avant les élections législatives la création d'un Conseil national de la refondation. Avec son intitulé évoquant le CNR de la Résistance, l'instance se voulait le cœur de l'élaboration des réformes majeures du second quinquennat. Mais la perte de la majorité absolue à l'Assemblée, puis le boycott de nombreux dirigeants politiques et syndicaux ont vidé le projet de son ambition initiale.
Jeudi, le CNR "plénier" --de nombreux CNR "thématiques" ont été organisés sur l'éducation, le logement, la santé-- pourrait s'orienter "vers une généralisation des démarches territoriales", selon un connaisseur du dossier.
"Le problème est toujours le même, il n'y a pas de majorité, mais impossible de l'avouer sinon c'est la fin de règne". Le président s'efforce donc de "donner une perspective" pour "contrer la fatalité", analyse le politologue Benjamin Morel.
Mais pour Mme Bezzina, ces outils "évitent tout simplement le +oui+ et le +non+. Vous n'avez pas d'autre choix que de suivre le résultat d'un référendum. Alors que toutes ces espèces de novations para-constitutionnelles ne vous engagent pas. Ce n'est pas un processus décisionnel, mais consultatif".