Ville dense ou périurbain ? C’est à dire, centre-ville, où le réseau de transports est très développé et les déplacements réduits, ou ville située en périphérie, où les distances prennent toutes leur importance et la voiture est obligatoire ?
La ville dense est souvent érigée en modèle notamment parce qu'elle limiterait nos déplacements, nos émissions de CO2 et qu'elle favoriserait le lien social. Dans le même temps, les théoriciens de l'effet barbecue* ont montré qu'en prenant en compte les kilomètres parcourus pour les mobilités de loisirs qui sont en augmentation constante, les personnes habitant en dehors des villes avaient une mobilité totale comparable à celles des habitants des villes-centres.
Aujourd’hui, existe-t-il vraiment un modèle de ville plus vertueux qu'un autre ?
Des points de vue contrastés ont été présentés lors de la conférence du FVM et ont apporté des éléments de réponse à ces questions :
Présentation de Jean-Pierre Orfeuil
Ingénieur des mines et docteur en statistiques, professeur d’aménagement à l’École d’urbanisme de Paris (EUP), Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne.
Jean-Pierre Orfueil a présenté l’évolution des recherches sur le lien entre densité et mobilité. Le paradigme de la ville dense « vertueuse » est apparu avec les travaux des Australiens Newman et Kenworthy dans les années 90. Ces derniers ont présenté un lien simple entre plus grande densité des agglomérations et plus faible consommation énergétique des habitants pour leurs déplacements quotidiens. Pour ce faire, ils ont comparé les comportements dans 37 métropoles d’Amérique du Nord, d’Australie, d’Europe et d’Asie. Ces recherches ont eu un impact très fort sur l’imaginaire des urbanistes et sur les politiques menées en faveur de la ville dense.
Jean-Pierre Orfeuil a montré, à travers ses travaux sur les mobilités longues distances (loisir ou travail), que l’on parcourait à peu près le même nombre de kilomètres dans la ville dense que dans son périurbain. On constate ainsi un effet de compensation dans ce dernier cadre de vie où les mobilités longues distances sont moins nombreuses, notamment pour les déplacements de loisirs. C’est ce qu’on a appelé « l’effet barbecue* », considérant que le cadre de vie plus « vert » encourageait à rester davantage chez soi pour les loisirs et les vacances.
Présentation de Vincent Kaufmann appuyée sur la thèse de Sébastien Munafo
Directeur scientifique du Forum Vies Mobiles et directeur du Laboratoire de Sociologie Urbaine (LaSUR) à l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne
L'objectif de la thèse, financée par le Forum Vies Mobiles, de Sébastien Munafo, géographe, était d'identifier l’incidence des environnements urbains de Genève et Zurich (ville centre, suburbain et périurbain) sur les voyages occasionnels de longue distance et notamment la mobilité de loisirs.
Ses analyses ont donné lieu à un certain nombre de résultats :
- En étudiant l’ensemble des mobilités (tous motifs confondus), l'auteur constate un lien décroissant entre la densité du cadre de vie et les kilomètres parcourus au quotidien, et une corrélation positive entre cette densité et les kilomètres parcourus lors de voyages occasionnels. Plus le cadre de vie est dense, plus la mobilité occasionnelle est importante.
- Malgré cela, les déplacements des urbains centraux restent moins émetteurs de CO2 que ceux des habitants du périurbain. Ceci, principalement en raison de la plus faible utilisation de la voiture par les habitants des centres-villes en comparaison avec les résidents de la périphérie.
- Enfin, le fait d’habiter en centre-ville semble être corrélé à davantage de loisirs quotidiens en ville et résider en périphérie à des loisirs plus proches de la nature.
En conclusion : Ville dense ou périphérie ? Un modèle idéal unique, n’existe pas.
Christophe Gay, co-directeur du Forum Vies Mobiles :
« Il ressort de cette conférence qu’essayer de régler la question des émissions de CO2 liées à notre mobilité en privilégiant la ville dense est une erreur. D’une part, parce qu’il existe des aspirations à des modes de vie urbains ou ruraux diversifiés. D’autre part, parce que les résultats montrent qu’il faut avant tout s’intéresser aux différents modes de vie qui se déploient au sein de ces cadres de vie. En particulier, le niveau de revenu constitue un élément beaucoup plus déterminent que ce dernier pour expliquer l’adoption d’une mobilité plus ou moins émettrice de CO2. Les plus riches émettent significativement plus de CO2 que les plus modestes. »
*Effet Barbecue : compensation vis-à-vis d’un cadre de vie qui serait trop dense ou trop intense.
Pour retrouver la conférence en vidéo, rendez-vous sur : http://fr.forumviesmobiles.org/meeting/2017/02/13/mobilite-vertueuse-atouts-ville-dense-remis-en-cause-3481