Commentant un avis du HCFP publié mercredi, l'ancien ministre de l'Economie et commissaire européen a jugé "un peu optimiste" la prévision de déficit public qui selon l'exécutif atteindrait 4,4% du PIB en 2024.
Il juge en revanche "plausible, avec quand même des petits risques de dépassement", la prévision d'inflation à +2,6% en 2024, après 4,9% cette année.
Quant aux dépenses publiques, elles "risquent de s'avérer plus élevées que prévu, notamment s'agissant du coût des dispositifs énergétiques et des dépenses de santé", s'inquiète le président du HCFP, par ailleurs Premier président de la Cour des comptes.
Cet organisme indépendant placé auprès de la Cour des comptes remarque que le consensus des économistes (+0,8%) et des organismes qu'il a consultés est inférieur aux attentes du gouvernement en matière de croissance en 2024. L'OCDE et la Commission européenne prévoient 1,2%, la Banque de France 0,9% et l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) 0,8%, rappelle-t-il.
"0,5 point d'écart entre la prévision du gouvernement et la prévision de la Banque de France, c'est beaucoup. Beaucoup", a remarqué Pierre Moscovici devant la commission des Finances du Sénat.
"Si nous étions sur 0,8% de croissance, ça représenterait 0,3 point de déficit supplémentaire", a-t-il relevé plus tard devant celle de l'Assemblée nationale. "Ce n'est pas sans impact."
Il pointe "les incertitudes importantes qui entourent l'analyse de la situation économique, du fait en particulier des difficultés actuelles à comprendre de nombreux comportements" comme le haut niveau du taux d'épargne ou la faiblesse de la productivité.
"Certaines hypothèses du gouvernement apparaissent de ce fait assez fragiles", a jugé M. Moscovici. "Je n'utilise en rien le mot +insincérité+", a-t-il néanmoins souligné.
La prévision de croissance du gouvernement de 1,4% en 2024 est "responsable et sincère", a répondu le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, pour qui "il faut rester non pas optimiste mais volontariste".
"Concours de circonstances"
Pour Pierre Moscovici, cette prévision est "élevée mais pas inatteignable": "Sous un certain nombre de conditions extrêmement favorables qui se trouveraient réunies par un concours de circonstances, pourquoi pas", a-t-il lancé.
"Si elle n'est pas inatteignable, le fait qu'elle soit éventuellement atteignable ne signifie pas pour autant qu'elle constitue une bonne base pour construire une loi de finance", a-t-il estimé, évoquant un "pari" de l'exécutif.
Le Haut Conseil juge "un peu surestimées" les prévisions de recettes pour 2024, selon lui tirées vers le haut par l'optimisme des projections de croissance et des "hypothèses favorables" sur le rendement de certains impôts tels que la TVA.
Quant aux dépenses, "en dépit de l'extinction des mesures de soutien" à l'économie liées à la pandémie de Covid et aux conséquences de la guerre en Ukraine, il remarque qu'elles progresseront davantage en 2024 que recommandé par l'Union européenne, le gouvernement ayant décidé d'investir dans la transition écologique, l'éducation nationale, la défense ou la justice.
Pierre Moscovici a en outre mis en garde contre de prévisibles "dépassements" dans les dépenses. Le coût annoncé du bouclier tarifaire pour l'électricité "paraît faible au vu des prix observés ces derniers mois", relève-t-il.
Après avoir baissé de 111,8% du PIB en 2022 à 109,7% cette année "grâce à une croissance inhabituellement forte du PIB en valeur", la dette publique devrait rester à ce niveau "élevé" en 2024. La charge d'intérêt, en outre, augmenterait "de près de 10 milliards" d'euros, a remarqué M. Moscovici.
"La soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance", souligne le HCFP, pour qui la France doit revenir "à des niveaux de dette (lui) permettant de disposer de marges de manoeuvre suffisantes" pour affronter "des chocs macroéconomiques ou financiers" et les dépenses liées à la transition écologique.
"Nous ne sommes pas là pour évoquer des scénarios alternatifs", a remarqué M. Moscovici. Il appelle néanmoins à "dépenser mieux".