Après sa fermeture en octobre 2016 au public, un défi ambitieux a été engagé en 2017 au coeur du Marais pour ce musée, véritable dédale: un projet de 50 millions, toutes dépenses confondues.
Il a fallu d'abord établir un diagnostic sanitaire complexe pour mettre aux normes. Le chantier tourne désormais à plein: 50 plâtriers, maçons et autres corps de métiers s'affairent dans le fracas des marteaux piqueurs, et plusieurs des façades anciennes sont couvertes d'échafaudages. La poussière de plâtre recouvre boiseries et planchers.
Au dernier étage, dans les salles emblêmatiques consacrées à la Révolution, étroites et sombres, on ouvre des fenêtres murées et on découvre des moulures masquées. Des papiers peints sont enlevés, d'importantes hauteurs sous plafond dégagées. Un peu partout, les cloisons sont abattues, des mezzanines cassées.
Le couloir qui relie les deux anciens hôtels particuliers formant le complexe muséal, l'Hôtel des Ligneris (XVIè siècle) et l'Hôtel Le Peletier (XVIIè) (entre lesquels se trouve le lycée Victor Hugo), est agrandi pour permettre un meilleur flux des visiteurs.
Dans la salle de la Régence, la directrice Valérie Guillaume montre aux journalistes une jolie fresque murale du XIIIème aux motifs d'oiseaux très abîmée, cachée par un placard, qui sera restaurée.
Dans le Salon chinois, des instruments de mesure ont été mis en place pour mesurer la bonne santé du charmant décor oriental.
Ici et là, au-dessus des portes, tableaux et médaillons ont été retirés pour être restaurés. Ou bien ils sont recouverts, avec l'inscription "oeuvre fragile".
Les "caves aux squelettes" du Musée où se trouvaient amassées une partie des immenses réserves, formeront un bel espace voûté où sera aménagée la section allant de la Préhistoire au Moyen Age.
Pas un musée des beaux arts
Rénovation n'implique pas extension, les surfaces d'exposition demeurant les mêmes: soit 3.900 mètres carrés pour les collections permanentes et seulement 360 pour des expositions temporaires.
3.500 oeuvres seront exposées, dont 10% devront être à hauteur d'enfant. Finies les oeuvres pendues de guingois dans les escaliers, au-dessus des portes ou dans d'étroits couloirs!
Il s'agira de rendre le parcours "plus fluide" et d'"apprivoiser" un musée à l'ancienne: en contextualisant mieux les oeuvres, en les rendant le plus possible accessibles aux handicapés, en installant des dispositifs numériques.
Le cheminement restera traditionnellement chronologique: de la Préhistoire aux derniers évènements parisiens, jusqu'à des photos des attentats de 2016. Des "raccourcis" seront cependant aménagés.
La richesse patrimoniale exceptionnelle de Carnavalet, 615.000 oeuvres dans ses réserves, soit plus que le Louvre, exigeait leurs regroupement de 28 auparavant en 3 sites seulement. Un des objectifs du projet est de rendre les archives disponibles au public, avec accès gratuit.
150.000 oeuvres en ligne de Carnavalet sont déjà accessibles en ligne (sur plus de 200.000 pour l'ensemble des musées de la ville). Et 600 m2 ont été gagnés pour aménager un centre d'activités culturelles qui ouvrira en 2020.
"Ce n'est pas un musée des beaux-arts", insiste Mme Guillaume, mais un ensemble unique de collections qui raconte l'histoire politique économomique, sociale, sociétale de Paris, à travers ses peintures, ses caricatures, ses enseignes, sa "culture matérielle" et des trajectoires de Parisiens célèbres "de Proust à Beaumarchais".
Delphine Levy, directrice de Paris-Musées, qui regroupe 14 musées et sites de la Ville de Paris, reconnaît que "rénover était intimidant face à ceux qui voulaient que rien ne bouge jamais. La feuille de route est de retrouver l'esprit d'un musée d'histoire, tout en conservant le charme ancien. Il s'agit d'expliquer mieux des oeuvres qui n'étaient pas expliquées avant. Nous voulons faire un musée de stature internationale du XXIè siècle".
La réouverture est espérée dans les premiers mois de 2020. L'ambition est un doublement des visiteurs, allant jusqu'à 800.000 par an.