Ces installations, répandues au Japon ou en Corée du Sud, suscitent un engouement croissant dans le monde mais des réticences du monde agricole qui redoute ses conséquences sur les prix du foncier et pour la productivité des exploitations.
Fervent partisan, Christian Dupraz, 64 ans, chercheur à Montpellier à l'Institut national de recherche pour l'agriculture et l'environnement (INRAE) et ex-élu régional EELV, assure au contraire que cela apporte de "vrais outils agricoles au même titre que les systèmes d'irrigation".
QUESTION : Pourquoi des panneaux solaires dans les champs et pas ailleurs ?
REPONSE : "L'idée nous est venue car on constate, comme agronomes, que les plantes n'utilisent qu'une faible fraction du rayonnement du soleil: elles ne capturent en gros que 30% du rayonnement solaire.
Donc, à condition de laisser la lumière aux plantes au moment où elles en ont besoin, il y a là un gisement très important d'énergie solaire sans pénaliser l'agriculture.
Les simulations montrent qu'avec moins de 2% de la surface agricole utilisée en France (30 millions d'hectares), on pourrait produire autant d'électricité que le parc nucléaire français actuel, ce n'est donc pas anecdotique et à mon avis, ce sera un des composants majeurs du mix énergétique du futur.
J'insiste: aujourd'hui, il y a un million d'hectares consacrés aux agrocarburants et qui sont en compétition avec la production alimentaire. Si on remplace ça par de l'électricité agrivoltaïque, on prendra moins de surface et ce sera plus efficace."
Q : Ces installations font-elles débat ?
R : "Aujourd'hui, il y a des débats techniques sur où on l'autorise, comment on l'autorise et comment on évite que cela crée de la spéculation sur les terres agricoles.
La loi est très intéressante en ce qu'elle interdit les panneaux photovoltaïques au sol sur les terrains agricoles, sauf pour des friches de très longue durée, à savoir des terrains agricoles qui seraient abandonnés depuis très longtemps. C'est très important.
La loi n'autorise que l'agrivoltaïsme qui est défini comme un outil au service de la production agricole pour la protéger contre le changement climatique.
C'est quasiment imperceptible dans le paysage. C'est pour cela qu'il n'y avait pas de raison de restreindre l'implantation des centrales agrivoltaïques à des +zones d'accélération+ définies par les maires comme le fait la loi. C'est la porte ouverte à toutes les embrouilles."
Q : Quel est l'intérêt agricole de ces installations ?
R : "Dans un vrai projet agrivoltaïque, la culture produit autant qu'avant voire mieux.
C'est une activité à la fois commerciale (NDLR : portée par des industriels comme EDF Renouvelables, Engie Green, TSE, Valeco, Valorem, Solar Cloth, Urbasolar, Technique Solaire, etc.) et en faveur des cultures.
Cela permet jusqu'à 30% de réduction d'évapotranspiration sous les panneaux selon leur densité, leur orientation, leur pilotage, et une protection contre le gel en mettant les panneaux horizontaux la nuit. L'été, la baisse de température au sol peut aller jusqu'à 20°C degrés.
On peut faire pousser des arbres fruitiers sous les panneaux, avec du maraîchage, et entourer les projets de haie.
Donc c'est vraiment agricole, au même titre que des filets contre la grêle, des systèmes d'irrigations ou des ombrières.
Il y a plein d'innovations: des panneaux qui bougent, se plient, se déplacent, servent de haies, s'adaptent aux serres ou à la culture en plein champ, ou qui ne laissent passer que la longueur d'onde de la photosynthèse et transforment le reste en électricité.
Il existe déjà une cinquantaine de centrales agrivoltaïques en France en service ou en construction, et qui font en général deux à trois hectares. Ca reste une installation coûteuse, la loi donne un coup de fouet, c'est le tout tout début."