BNP Paribas Personal Finance, connue sous la marque Cetelem, est rejugée pour pratique commerciale trompeuse et recel, soupçonnée d'avoir dissimulé les risques de prêts baptisés Helvet Immo, au préjudice de quelque 6.300 emprunteurs.
Ce crédit destiné à l'investissement locatif défiscalisé était libellé en francs suisses, mais remboursable en euros - ce qui permettait d'avoir alors "le meilleur taux du marché", selon des documents internes destinés aux intermédiaires qui le commercialisaient.
Il s'est finalement révélé toxique car, dans le sillage de la crise financière, le franc suisse s'est envolé par rapport à l'euro et les montants à rembourser ont flambé pour les emprunteurs.
Patrick Miron de l'Espinay, voix de l'entreprise pour ce procès, est interrogé sur l'offre de prêt alors transmise aux clients, dont les pages ont été projetées sur des écrans installés dans la vaste salle d'audience.
La présidente Michèle Agi relève notamment que, pour évoquer l'hypothèse d'une chute de l'euro et donc d'une augmentation du capital restant dû, il était écrit: "l'amortissement du capital sera moins rapide et l'éventuelle part de capital non-amorti (...) sera inscrite au solde débiteur de votre compte interne en franc suisse".
"Est-ce ça vous paraît clair ?" demande-t-elle.
"Je trouve que c'est tout à fait clair", répond le représentant légal, qui affirme que l'offre avait vocation à détailler les "mécanismes" du prêt dans un "déroulement séquentiel" logique, de paragraphe en paragraphe.
La cour relève à plusieurs reprises que les mots "risque de change" n'apparaissent jamais, pointe les "longs développements" du document et interroge sur la "clarté", pour l'emprunteur, d'une possible augmentation des mensualités.
"Très haut niveau"
Une autre juge questionne: "Tout est écrit dans la même taille de police. A aucun moment en gras, ou en encadré, ne figurent les risques et les dangers de ce prêt, vous êtes d'accord ?"
"Dans l'offre de prêt oui, il y a des titres, une police de caractère... je peux pas vous dire le contraire", lâche le représentant de la BNPPPF, qui fait valoir plus tard qu'il était "indiqué" que, si les clients avaient des "interrogations", il fallait "prendre contact avec la banque".
"Je peux comprendre qu'à la première lecture de ce document, des questions se posent..." dit-il au détour d'une explication.
"Même à la seconde !" l'interrompt alors la présidente.
"D'où l'importance de contacter un interlocuteur tiers si on n'a pas toutes les réponses", insiste M. Miron de l'Espinay.
"Je pense qu'il me faudrait plusieurs jours pour être sûr d'avoir bien compris", lance l'avocat général Yves Micolet. "Est-ce que vous pensez qu'on est face à une information suffisamment claire pour un consommateur moyen ?"
"Pour la cible qui est visée à travers ces opérations-là, pour l'emprunteur moyen Helvet Immo, (...) oui, ceci est adapté et compréhensible", assure le représentant.
"Donc je pense que les clients de la BNP sont de très haut niveau", ironise l'avocat général.
En annexe de l'offre a été ajoutée à partir d'octobre 2008 une simulation de l'impact d'une variation du taux d'intérêt.
Un document qui allait "plus loin que les obligations légales", souligne le représentant de la banque. Mais dont la présidente questionne longuement les bases chiffrées.
Plus tôt, l'actuel directeur général délégué de BNP Paribas et ancien patron de la filiale entre 2008 et 2015, Thierry Laborde, a été cité comme témoin par les parties civiles.
"Je pense qu'il n'y a jamais eu d'intention de tromper qui que ce soit" de la part de la banque, "tant chez ses salariés que ses dirigeants", a-t-il affirmé, assurant qu'une chute aussi "brutale" et "durable" de l'euro était "totalement imprévisible".
Le procès doit s'achever le 7 juin.