Mardi, dans une agence d'assurances dans le centre, des militants radicaux cagoulés, en marge de la manifestation, ont violemment attaqué la boutique.
"C'est une agression, ils voient deux femmes effrayées à l'intérieur et ça les arrête même pas ! Je me suis fait traiter de capitaliste, je gagne 1.400 euros par mois", a confié une employée, préférant ne pas donner son nom.
"On a des témoignages d'attaques extrêmement violentes et des prises à partie des salariés et des commerces. On comprend la peur qui les tenaille", a déclaré à l'AFP Didier Le Bougeant, maire adjoint en charge du commerce.
Depuis la première journée de mobilisation en janvier contre le projet de loi, le scénario se répète dans la capitale bretonne. Le cortège de l'intersyndicale se déroule sans heurts et vers la fin de manifestation des militants radicaux provoquent les forces de l'ordre qui répliquent avec des gaz lacrymogènes.
S'ensuivent souvent des actions de guérilla urbaines pouvant durer plusieurs heures, avec barricades, vitrines cassées, voitures incendiées, tags multiples et feux de poubelle.
Une scène le 11 mars a particulièrement traumatisé les commerçants rennais : un magasin de vêtements Crazy Republic a été pillé. Une scène qui s'est répétée dans une boutique K Way.
"Les vidéos sont impressionnantes. L'ambiance est oppressante", reconnaît Maxime Somson, président de l'Umih des cafetiers d'Ille-et-Vilaine. "Des commerçants sont flippés, notamment les femmes", poursuit le bistrotier, qui a dû fermer deux jeudi son café.
Dans le centre-ville, un très grand nombre de boutiques sont protégées par des panneaux de bois vissés, qui ont été ensuite recouverts de tags anti-capitalistes ou hostiles à la police: banques et agences immobilières, mais aussi agences de voyages, boutiques de vêtements ou bureau de poste.
"On a tous peur de se faire défoncer nos boutiques. Quand j'ai vu le pillage de Crazy Republic j'en ai pleuré. Il y a un vrai sentiment de ras le bol", explique Raphaëlle, qui travaille dans un magasin de vêtements.
"A la fermeture j'enlève les prix des vêtements, car s'ils voient une veste à 300 euros... Et on devient parano : je scrute sur Instagram les groupuscules d'ultra gauche" pour connaître les actions qu'ils vont mener.
Quatre couverts
Dans un autre magasin de prêt-à-porter, le responsable, demandant à rester anonyme, confie son angoisse de voir "son magasin pillé". Ainsi, mardi, il a préféré fermer boutique.
"Ça ne sert à rien d'ouvrir, les clients ne veulent pas venir en ville", a-t-il dit. "On est un cran au-dessus de l'époque des Gilets jaunes : c'était surtout les banques, là tout le monde peut être visé".
Bijoutière depuis quarante ans, Kristina Monroy fait aussi part de son "angoisse" les jours de manifestation quand le quartier est envahi de gaz lacrymogènes. "Je tire ma vieille grille et j'attends".
Place Sainte-Anne, cœur de la vie étudiante, l'ambiance est morose chez les restaurateurs et les clients se font rares.
"Hier soir, j'ai fait quatre couverts, alors que normalement c'est une soixantaine", soupire Pierre Lansquet, directeur de la crêperie Sainte-Anne.
"On est à 50% de chiffre d'affaires en moins pour mars", ajoute-t-il, disant comprendre le "mécontentement" contre la réforme mais faisant part de son incompréhension "face aux casseurs".
Un peu plus loin, le manège historique est lui fermé chaque jour de mobilisation. "On sait qu'il n'y aura pas d'enfant et pas de famille. Dès qu'il y a une manif, on ferme", assure Régis Masclet, le propriétaire.
"A Rennes, depuis les manifestations contre la loi travail (en 2016, ndlr) le mal est profond", lâche, amer, un autre commerçant qui préfère rester anonyme.