Dans le faubourg Saint-Martin, non loin des gares du Nord et de l'Est, le chantier d'un ensemble moderne de six niveaux est bien avancé.
Le contraste est net avec une élégante fabrique de corsets de 1860 qu'il jouxte. Surtout, il a remplacé de petits bâtiments de deux étages, construits entre les XVIIIe et XIXe siècles, au toit en zinc si typiquement parisien...
L'ensemble était pourtant censé être protégé par le PLU à travers la "protection Ville de Paris" (PVP) dont il bénéficiait. Et la Commission du Vieux Paris (CVP), chargée de conseiller la mairie sur la protection du patrimoine, s'est opposée à la démolition d'un bâtiment "caractéristique du petit habitat faubourien".
Mais en 2020, la mairie dirigée par la socialiste Anne Hidalgo a tout de même accordé le permis de construire. Même si la PVP "n'est pas aussi contraignante qu'une protection des Monuments historiques", ce feu vert "n'est pas normal", commente le secrétaire général de la commission Simon Texier.
"Le patrimoine, ce n'est pas que les hôtels particuliers et les immeubles de prestige", proteste Philippe Khayat, le secrétaire général de SOS Paris pour qui "les petits immeubles modestes qui font l'identité et le charme de Paris" sont détruits par "dizaines, si ce n'est centaines".
"Les promoteurs s'attaquent aux faubourgs", abonde Grégory Chaumet, le président de Paris Historique, autre association de sauvegarde du patrimoine. "Tous les mois, on en voit deux ou trois minimum: soit des destructions, soit des surélévations" en majorité.
Cependant, si la Commission "ne peut pas lutter contre toute démolition", notamment parce que les bâtiments "n'ont pas de qualité suffisante pour être préservés", "beaucoup sont préservés" car ses avis sont "globalement suivis", souligne Simon Texier.
Et aussi parce qu'elle renégocie avec les promoteurs, ce qui permet "d'infléchir les projets pour une plus grande préservation de l'existant", ajoute le secrétaire.
"Comment vous croire ?"
Avec une sensibilité au patrimoine grandissante d'un côté, la promesse d'atteindre 40% de logements sociaux ou abordables en 2035 de l'autre, le futur PLU présenté le 5 juin en Conseil de Paris permettra-t-il une meilleure protection des faubourgs ?
L'exécutif mené par Anne Hidalgo annonce "une augmentation de plus de 800 du nombre de bâtiments protégés", portant leur nombre d'environ 5.800 à 6.700, et incluant notamment les "immeubles d'habitation", typologie "jusqu'ici ignorée ou peu présente".
Pour Emile Meunier, négociateur des alliés écologistes toujours critiques dès qu'il s'agit de densifier le tissu urbain, la majorité de gauche "a trouvé le bon équilibre entre rénovation thermique et protection du patrimoine".
"Dans les rues de moins de 12 m de large, les règles de hauteur seront inférieures à celles actuelles, c'est écrit noir sur blanc", indique l'élu EELV pour qui ce PLU "tourne une page sombre de l'urbanisme parisien menée cette dernière décennie".
Si elle ne va pas "interdire la construction à Paris", la mairie entend "mieux réglementer les endroits où c'est possible et souhaitable", affirme l'adjoint à l'urbanisme Emmanuel Grégoire qui entend "créer des zones de dents creuses" pour "avoir les mouvements d'air".
"Comment vous croire ?", demande l'opposition LR, alors que la majorité de gauche "a validé 1.477 surélévations d'immeubles" et que le futur PLU "prévoit même la possibilité d'en surélever au-dessus des hauteurs réglementaires ?"
Pour Grégory Chaumet, "la priorité absolue donnée aux rénovations" thermiques dans le texte "peut être dommageable au patrimoine" en ce que les travaux d'isolation vont amener "à modifier les façades".
Et "si les surélévations sont autorisées, c'est quand même un double langage", ajoute le président de Paris Historique qui reste "méfiant".
Pour Simon Texier, "l'équilibre à trouver" consiste à "laisser la porte ouverte à un petit peu de projets dans la ville. Mais sur les parcelles d'angle, la vigilance est de plus en plus forte."
"Un certain nombre d'évolutions permet d'être optimiste sur une préservation de plus en plus forte du bâti", veut croire le secrétaire général de la Commission.