En France, les émissions du secteur du bâtiment s'élevaient à 62 Mt CO2eq en 2022. Les bâtiments non résidentiels étaient responsables de 37% de ces émissions [1]. En plus selon l'Autorité Internationale de l'Énergie (AIE), l'exploitation des bâtiments représente 30% de la consommation mondiale d'énergie finale et 26% des émissions mondiales liées à l'énergie [2]. L'agence souligne que « ...le secteur a besoin de changements plus rapides pour garder le cap du scénario Zéro Emission Nette (NZE) d’ici à 2050. Cette décennie est cruciale pour mettre en œuvre les mesures qui permettront d’atteindre les objectifs visant à ce que tous les nouveaux bâtiments, et 20% du parc immobilier existant soient prêts pour la neutralité carbone d'ici 2030 » [3].
Les normes obligatoires se développent à l'échelle mondiale
Des progrès ont déjà été réalisés dans la transition vers des bâtiments plus intelligents et plus économes en énergie. L'investissement mondial du secteur du bâtiment dans l'efficacité énergétique a augmenté d'environ 16% par rapport à 2020, pour atteindre un total d'environ 237 milliards de dollars (AIE 2022 [4]).
Néanmoins, une pression gouvernementale encore plus forte est largement considérée comme la clé pour accélérer les progrès. Des normes obligatoires en matière d'efficacité énergétique des bâtiments existent déjà en Europe, au Royaume-Uni et en Chine, avec des règles d'application strictes et des sanctions en cas de non-conformité.
De plus, en avril 2024, la Commission européenne a officiellement adopté une directive obligeant les États membres à réduire les émissions et la consommation d'énergie des bâtiments. Pour les bâtiments non résidentiels, les États membres doivent rénover 16% de leurs bâtiments les moins performants d'ici 2030 et 26% des bâtiments les moins performants d'ici 2033.
En France, des normes sont également mises en place pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments. Le décret tertiaire impose aux propriétaires et exploitants de bâtiments tertiaires de plus de 1000 m² des objectifs ambitieux de réduction de leur consommation énergétique. Ces objectifs, alignés sur la directive européenne, visent à réduire l'empreinte carbone du parc immobilier français. Pour atteindre ces objectifs, le décret BACS rend obligatoire l'installation de systèmes de mesure et d'analyse des consommations énergétiques, afin d'identifier les pistes d'optimisation.
En novembre, le gouvernement a dévoilé sa nouvelle plan « Stratégie bas-carbone ». La rénovation des bâtiments non résidentiels y tient une place importante. Les principaux points de ce plan sont : transition vers le chauffage bas carbone - les surfaces tertiaires ne consommeront plus de fioul à partir de 2030, développement de la filière pompe à chaleur et des réseaux de chaleur, mais aussi réduction des consommations énergétiques du dispositif éco-énergie tertiaire (décret tertiaire)[5].
En dehors de ces obligations légales, les initiatives visant à réduire les émissions de carbone grâce à une moindre consommation d'énergie sont commercialement convaincantes sur deux aspects.
Avantages éthiques et commerciaux de la décarbonation
Premièrement, les entreprises lèvent de plus en plus de fonds sur les marchés de capitaux en émettant des obligations vertes et durables. Pour ce faire, elles doivent présenter des initiatives qui réduisent sensiblement leur empreinte carbone. En parallèle, les professionnels et les particuliers souhaitent acheter auprès d'entreprises plus respectueuses de l'environnement, de sorte que les certificats écologiques deviennent un différenciateur concurrentiel sur les marchés mondiaux.
Deuxièmement, dans un monde qui a récemment connu une crise majeure du carburant, les réductions de la consommation d'énergie permettent d'économiser de l'argent. La diminution de la consommation d'énergie, grâce aux technologies numériques, est devenue un moteur majeur de l'investissement dans les bâtiments « intelligents », tels que les bâtiments commerciaux, les hôpitaux, les campus et les bâtiments publics.
De nombreux éléments du bâtiment intelligent sont également à la base de la réduction de la consommation d'énergie. Les principaux facteurs contribuant à la diminution de la consommation d'énergie et à la décarbonation sont une isolation thermique performante, les systèmes de contrôle des portes, les commandes CVC intelligentes et l'éclairage LED commandé[6] par des systèmes de gestion[7].
Financement flexible comme catalyseur
La décarbonation du secteur des bâtiments non résidentiels nécessite des investissements considérables. Par exemple, la rénovation des bâtiments constitue un défi de taille car moins 40% de la surface au sol des immeubles dans les économies développées ont été construits avant 1980, date d'entrée en vigueur des premières réglementations thermiques.
Le manque de capitaux disponibles, ou les préoccupations liées aux risques associés aux investissements énergétiques peuvent empêcher un nombre important de propriétaires de bâtiments de réduire leurs coûts d'exploitation, de réduire leur émission carbone et de profiter d’une sécurité d'approvisionnement. Cependant, des solutions de financement flexibles permettent de réduire les coûts d'exploitation sans exercer de pression sur les ressources, d'éviter de mettre ce capital en péril et de garantir la réalisation des économies escomptées. Ce type de financement provient généralement de financiers spécialisés, tels que Siemens Financial Services (SFS), qui possèdent une connaissance approfondie de la technologie et de ses applications pratiques. De toute évidence, les initiatives du secteur public doivent être accompagnées d'un soutien du secteur privé, en particulier du financement du secteur privé.
Solutions de financement sur-mesure
Le financement des bâtiments « intelligents » prend diverses formes, en fonction des processus métier qui doivent être mis en œuvre. Au niveau des composants technologiques, des outils de financement sont disponibles pour aider les vendeurs et les distributeurs à ajouter de la valeur grâce à des capacités de trésorerie pour leurs acheteurs. Pour les installations ou les systèmes de plus grande envergure, des modalités de financement peuvent être adaptées et ajustées afin d'aligner les coûts sur le taux de bénéfice tiré de la technologie d'efficacité énergétique.
Au niveau le plus complexe, les accords de financement « as a service » fournissent la solution : les économies attendues d’une meilleure efficacité énergétique étant exploitées et utilisées pour payer l'investissement en capital et plus encore. Souvent, ces dispositions peuvent être rendues neutres sur le plan budgétaire pour le propriétaire du bâtiment, évitant ainsi toute dépense d'investissement. Les arrangements dits « d'efficacité énergétique as a service » ont déjà permis la transition vers l'efficacité énergétique pour de nombreuses organisations, même dans des conditions économiques difficiles.
Évaluer l'opportunité
Pour les directeurs financiers gérant un portefeuille immobilier, il est utile d'évaluer dans quelle mesure la décarbonation des bâtiments existants est sensible aux techniques d'efficacité énergétique « as a service ». Le graphique ci-dessous présente des estimations très prudentes 8 de la réduction annuelle de référence des émissions que les solutions EaaS pourraient permettre d'ici la fin de la décennie – la date cible de la première phase pour la plupart des plans climatiques dans le monde. Notre modèle se base sur les données officielles des émissions et ne calcule que 50% du potentiel de réduction des émissions disponible.
Les solutions de financement pourraient aider le parc existant de bâtiments non résidentiels aux États-Unis, en Europe, en Chine et en Inde à réduire ses émissions de plus de 210 MtCO2e par an, d'ici à 2030.
La décarbonation : Une priorité absolue
40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) proviennent des bâtiments et, si rien n'est fait, elles devraient doubler d'ici 2050 [9] . Cela signifie que l'efficacité énergétique dans l'environnement bâti est essentielle pour atteindre les objectifs climatiques de 2030 et 2050.
Les bâtiments publics et commerciaux sont plus énergivores au m2 que les propriétés résidentielles, ce qui fait des initiatives d'efficacité énergétique pour les bâtiments non résidentiels une priorité élevée pour atteindre les objectifs de décarbonation. Dans une période économique difficile, des solutions de financement flexibles et spécialisées sont des outils essentiels pour aider les investissements dans l'efficacité énergétique à maintenir la dynamique requise.
[1] https://ressources.citepa.org/Comm_Divers/Secten/Citepa_Secten%202024.pdf
[2] https://www.iea.org/energy-system/buildings
[3] https://www.greenbiz.com/article/heres-how-scale-energy-saving-commercial-building-retrofits
[4] https://globalabc.org/sites/default/files/2022-11/ENGLISH_Executive%20Summary_Buildings-GSR_1.pdf
[5] https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/les-grands-enjeux-de-la-snbc-3
[6] https://store.accuristech.com/ashrae/standards/is-your-building-operating-at-net-zero-energy-or-zero-carbon?product_id=2904844
[7] AIE, efficacité énergétique : bâtiments, 2020
[8] Méthodologie : Les données des instituts nationaux et régionaux de statistique, sur la consommation annuelle d'énergie des bâtiments non résidentiels construits avant 2010, ont été utilisées pour modéliser les émissions de CO₂ des bâtiments susceptibles de bénéficier d'une rénovation énergétique en profondeur. Ce chiffre a ensuite été réduit par les niveaux de mise en œuvre les plus élevés probables d'une telle rénovation en profondeur. Les économies d'énergie probables résultant d'une rénovation en profondeur ont été calculées à l'aide de l'extrémité inférieure des fourchettes moyennes officielles. Les chiffres qui en résultent fournissent une estimation annuelle très prudente des économies d'énergie réalisables grâce à des rénovations en profondeur, qui peuvent être financées par des techniques de financement de l'efficacité énergétique as a service.
[9] https://www.theclimategroup.org/built-environment
Tribune de Zakaria Jghab, CEO Siemens Financial Services France (Linkedin).