Effrayant. Le mot n’est pas exagéré pour décrire l’impact du secteur du bâtiment sur notre planète. Dans un récent rapport publié par l’ONU, le monde de la construction serait responsable de 37% des émissions mondiales de CO2. Inutile de commenter ce chiffre tant il parle de lui-même. De fait, l’objectif de neutralité carbone défendu par certains pays, dont le nôtre, semble alors bien lointain et quelque peu utopique…Une situation qui n’est pas près de s’arranger au vu des pénuries de matériaux et de ressources qui s’abattent sur la filière. Le sable est très clairement pointé du doigt pour sa surexploitation et l’annonce prochaine de sa pénurie pourrait déclencher une crise sans précédent au sein du BTP.
Construction éco-responsable : un défi complexe pour les assureurs
Fait avéré depuis plusieurs années maintenant, la production de masse entraîne nécessairement des répercussions sur l’état de notre planète : destruction des écosystèmes, pénurie de ressources…Avec l’augmentation de la demande dans le secteur du BTP, la filière doit s’organiser pour instaurer de nouvelles méthodes durables. Au rang des solutions, le réemploi des matériaux est une technique de plus en plus répandue chez les professionnels pour réduire l’empreinte carbone de chaque projet. Sans être miraculeuse, elle offre une perspective résolument optimiste quant à la démocratisation de la construction éco-responsable au sein du secteur.
Pourtant belles, les intentions ne suffisent pas pour concrétiser ces nouvelles méthodes. Sans remettre en cause leur pertinence, les assureurs éprouvent de réelles difficultés à les assurer.
Prenons le cas du réemploi des matériaux, considéré comme une technique non courante donc pratiquement sans solutions de couvertures ou très restreintes ; il en va de même pour l’utilisation du bois, en raison du manque de maîtrise de son stockage ainsi que des risques d’incendie et de mouille inhérents à sa constitution.
Ces exemples illustrent une réalité implacable : les filières durables peinent à convaincre les assureurs de leur viabilité, ce qui complique donc leur assurabilité.
Certes, les augmentations des prix de l’assurance ont un impact sur les grands comptes du BTP, mais ce sont bien les artisans qui les subissent de plein fouet. Sans assurance, ils ne peuvent exercer, ce qui renforce la pression qui pèse sur leurs épaules. En plus de l’inflation galopante, si les techniques d’avenir sont difficilement accessibles à une majorité de professionnels, il devient alors complexe pour le secteur du bâtiment d’effectuer sa transition. Inutile pour autant de basculer dans un fatalisme peu représentatif des efforts réalisés par le BTP jusqu’ici, lequel a pris le parti de miser des méthodes durables pour garantir son avenir.
Structurer la filière pour mieux l’assurer
La faible assurabilité de la construction éco-responsable ne fait que pointer les défaillances d’un système qui manque de garanties. Les filières alternatives, comme celle du réemploi, ont besoin d’être consolidées pour démontrer aux assureurs la bonne qualité de la mise en œuvre et la durabilité des matériaux réutilisés. Missionner des bureaux de contrôle à cet effet est assurément un gage de fiabilité indispensable. Dans tous les cas, plus la filière sera organisée plus cela permettra l’assurabilité à travers l’identification de responsables. Certaines compagnies ont d’ores et déjà emprunté cette direction en acceptant d’assurer le réemploi sur du menu-ouvrage. Un début prometteur, quoiqu’encore insuffisant.
Si les entreprises du BTP s’efforcent pérenniser de nouvelles méthodes durables, les pouvoirs publics ont eux aussi leur rôle à jouer. A l’échelle européenne, le renforcement prochain des critères ESG via la nouvelle directive CSRD constitue une étape importante vers la reconnaissance de l’entreprise comme étant une entité économique influant sur l’environnement. Son application concrète devra être observée de près mais il faut saluer cette prise de position. Et même si ces changements prennent du temps à s’installer, les techniques durables sont, quant à elles, bien présentes. Mais seront-elles adoptées par tous les pays ?
Tribune de Mariane Chevalier, Directrice du département Construction de Marsh France (Linkedin).