"Je porterai deux lois dans les mois à venir pour réformer la gouvernance de notre système de sureté nucléaire et pour reprendre le contrôle sur les prix de notre électricité, plus largement sur l'énergie et le climat", a indiqué la ministre Agnès Pannier-Runacher à la presse mardi matin.
Son cabinet a précisé que les deux textes avaient vocation à être présentés "avant la fin de l'année".
Dans le premier cas, il s'agit de boucler un chantier –fortement contesté-- engagé par le gouvernement pour fondre l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), expert technique de la sûreté, dans l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui décide du sort des centrales.
Sur fond de relance du programme nucléaire, elle vise pour le gouvernement à "adapter" et "fluidifier" les décisions en créant "l'une des plus grandes autorités de sureté nucléaire du monde", mais ses détracteurs redoutent une perte d'indépendance et de qualité de l'expertise et une moindre transparence à l'égard du public.
Sur la deuxième loi, Mme Pannier-Runacher souhaite mettre en place "un dispositif pérenne qui permette de conserver parmi les prix les plus bas d'Europe tout en empêchant l'envolée des prix qu'on a connue ces derniers mois".
Emmanuel Macron avait indiqué lundi que le gouvernement annoncerait en octobre des tarifs de l'électricité "compatibles" avec les exigences de "compétitivité" et qui donnent "de la visibilité à la fois aux ménages et aux industriels", grâce au parc nucléaire que possède la France.
Ce sujet est au cœur d'âpres discussions à Bruxelles en raison des dissensions entre les pays sur la place à donner au nucléaire français. Il divise aussi l'Etat et la direction d'EDF.
L'Etat, actionnaire à 100% d'EDF, souhaite que les prix de l'électricité soient les plus proches des coûts de production.
De son côté, EDF, lestée d'une dette record, revendique le droit de pouvoir fixer ses prix plus librement grâce à des contrats sur les marchés avec de gros clients.
"Investissements conséquents"
Cette deuxième loi doit aussi prendre en compte les objectifs climatiques de la France, et fixer la programmation de production énergétique secteur par secteur.
La France doit faire sien l'objectif européen d'une baisse de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport à 1990.
Un document devrait être présenté en consultation "dans les prochaines semaines", l'objectif étant que la loi arrive en conseil des ministres "avant la fin de l'année".
Une loi de programmation énergie-climat, sujet éminemment source de débats, était à l'origine prévue pour début 2023, avant d'être promise pour cet automne, sans être jamais inscrite dans le calendrier parlementaire.
"J'espère qu'il s'agit bien d'une loi de programmation car il est fondamental que le parlement par son vote puisse donner le cap" sur le long terme, a déclaré mardi Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables en ouverture de son colloque annuel.
"Nous parlons d'investissements conséquents, d'enjeux qui dépassent largement l'horizon de 2035 et nous avons besoin de visibilité", a-t-il insisté.
Pas d'objectifs surestimés
Pour cette programmation, la ministre "table sur le doublement de la production en matière de photovoltaïque et en matière de biogaz" chaque année, "la stabilisation de la trajectoire d'éoliennes terrestres sur le rythme 2022", "sur l'accélération des éoliennes marines pour pouvoir lancer un appel d'offre majeur fin 2024, début 2025".
Elle souhaite également un "rehaussement des investissements dans les stockages type batteries ou STEP", ces stations d'énergie par pompage hydro-électriques.
"Nous intégrerons la relance du nucléaire avec EDF qui a un objectif managérial de 400 TWh de production", a-t-elle ajouté, en précisant que le gouvernement retiendrait "360TWh par prudence". La production était tombée à 279 Twh en 2022.
Idem pour les renouvelables, le gouvernement souhaite retenir des objectifs de production un peu "plus prudents" que ceux affichés par la filière.
"Je ne veux pas qu'on mette le système en danger par des objectifs surestimés" a-t-elle dit.
Sur l'éolien marin, un "grand débat de six mois" doit s'ouvrir en novembre sur chacune des quatre façades maritimes, afin de définir des zones propices.