La brutalité, l’imprévisibilité mais aussi la versatilité de sa politique (revirement sur les surtaxes douanières au lendemain de leur mise en place) ne seront pas sans conséquence sur l’économie mondiale, y compris américaine, même si les effets en Europe pourraient être moins délétères que dans d’autres continents. En France, la croissance pourrait perdre - 0,3 point selon l‘OFCE, les tensions inflationnistes restant limitées. Mais ce contexte d’incertitude pourrait peser sur l’évolution des taux d’intérêt et la confiance des agents et ralentir ainsi le processus de redressement des marchés immobiliers et de la construction amorcé depuis quelques mois. Côté matériaux, l’activité se ranime doucement même si elle est encore loin de renouer avec une tendance annuelle positive, surtout dans le BPE.
Février se tient
Selon les données encore provisoires pour février, l’activité des matériaux continuerait de «remonter la pente» graduellement. Ainsi, la production de granulats se serait raffermie de +1,3% par rapport à janvier et de +0,5% comparé à février 2024 (données CVS-CJO). Sur les trois derniers mois, l’activité gagne +4,6% par rapport au trimestre précédent et s’inscrit en hausse de +1,7% au regard du même trimestre de l’an passé. En cumul glissant sur douze mois, les volumes sont encore en repli (-2,7%) mais sur les deux premiers mois de l’année 2025, ils affichent une progression de +2,5% en glissement annuel. Ce redressement se constate aussi, dans une moindre mesure, du côté du BPE, la timide embellie du secteur de la construction n’apportant pas le même soutien que les travaux publics dont l’activité progresse depuis plus de deux ans. En février, les livraisons ont légèrement reculé par rapport au mois précédent (-0,8%) et s’inscrivent -7,4% en dessous des niveaux de l’an passé (données CVS-CJO). Cependant, sur les trois mois de décembre à février, la production de BPE se redresse au regard du trimestre précédent (+1,1%) mais reste inférieure de -6,3% à la même période d’il y a un an. Les rythmes de repli se modèrent donc et, en ce début 2025, le cumul des volumes ne reculent plus que de -4,7% sur un an à fin février tandis qu’en cumul sur douze mois glissants, le repli atteint -10%.
En janvier, l'indicateur matériaux de l'UNICEM (82,1) a perdu -3,6% par rapport à décembre mais affiche une hausse de +2,7% sur un an (données CVS-CJO). Il décrit lui aussi un mouvement d’amélioration puisque sur les trois derniers mois (novembre à janvier), l’activité du panier de matériaux tend à se stabiliser au regard du trimestre précédent (-0,4%) mais aussi comparé à la même période d’il y a un an (-0,7%). Après une année 2024 en contraction de -6,8%, l’index se replie de -5,2% en cumul sur douze mois glissants à fin janvier, le redressement concernant tous les matériaux composant notre panier.
Logement neuf : du mieux mais...
Si le climat conjoncturel de l’industrie du bâtiment ne montre pas encore d’amélioration, l’enquête de l’INSEE pour le mois de mars traduisant tout au mieux une stabilisation des tendances dans le gros œuvre, les derniers chiffres du ministère sur l’activité constructive témoignent quant à eux d’un redressement de l’activité. Ainsi, du côté du logement, à fin février sur trois mois, les mises en chantier ont connu un rebond sensible, de +17,2% sur un an et de +14,2% par rapport aux trois mois précédents (données CVSCJO), le sursaut sur le trimestre étant plus marqué dans le segment du collectif (+17,9%) que dans celui de l’individuel (+8,2%). En cumul sur douze mois à fin février, 293.000 logements ont été commencés, soit un niveau comparable à celui des douze mois précédents (-0,3%). Du côté des permis, on note également une poursuite du redressement mais de moindre ampleur.

À fin février, sur les trois derniers mois, le nombre de logements commencés augmentait de +4,5% par rapport au trimestre précédent (données CVS-CJO) mais s’inscrivait encore en repli de -3% sur un an. La hausse trimestrielle concerne aussi bien le segment de l’individuel que celui du collectif (+1,1% et +6,5% respectivement, données CVS-CJO). Ainsi, en cumul sur douze mois à fin février, 331.000 logements étaient autorisés, soit un niveau encore inférieur de -10,7% à celui des douze mois précédents. La remontée des permis, plus graduelle, répond avec délai au mouvement d’amélioration qui se dessine du côté des transactions dans le neuf, à la fois chez les promoteurs et les constructeurs de maisons individuelles. Chez ces derniers, les ventes confirment une bonne orientation en février, d’après le dernier bulletin Markemétron. En effet, elles ont bondi de +14,7% par rapport à février 2024, hissant l’évolution sur les trois derniers mois à +26,5% sur un an. En cumul sur douze mois, 52.300 maisons ont été vendues par les CMistes; c’est certes encore un niveau inférieur de -4,3% à celui des douze mois précédents mais le recul était de -40% il y a un an. Selon Markemétron, compte tenu d’une forte demande de la part des ménages, notamment dans les zones rurales, et de la mise en place des mesures d’accompagnement pour soutenir l’accession à la propriété (PTZ, exonération fiscale des donations), les professionnels du secteur se montrent plutôt confiants pour 2025 et anticipent une progression des ventes d’au moins 15%, permettant de dépasser le niveau de 2023 (58.500 unités) qui reste toutefois encore bien loin de celui de 2021 (139.000) et de la moyenne des ventes observée ces quinze dernières années (environ 120.000)! Du côté de la promotion immobilière, les ventes de logements neufs se sont redressées fin 2024 et la demande perçue par les promoteurs dans l’enquête INSEE continuait de s’améliorer début 2025. Mais l’altération récente du climat économique et géopolitique pourrait peser sur l’élan du redémarrage des ventes. La montée des incertitudes sur la croissance, le pouvoir d’achat, l’inflation et le chômage pourrait freiner les ménages dans leurs décisions d’achat. Pourtant, l’amélioration sensible de leur solvabilité, avec le repli des taux d’intérêt à l’habitat de 100 points de base depuis décembre 2023 conjugué à un léger recul des prix dans le neuf (-3,3% sur un an à fin 2024 pour les maisons), devrait encore les inciter à investir… ce d’autant que ces conditions pourraient être moins favorables dans les mois à venir ! Pour l’heure, l’enquête INSEE menée auprès des ménages fin mars traduit une pause dans leurs intentions d’achat de logements après le redressement observé depuis début 2024.
Dans le secteur du non résidentiel, si les surfaces commencées (19,9 millions de m² en cumul douze mois à fin février) affichent toujours une pente négative (-1,6% sur les trois derniers mois et -10,6% sur douze mois), les surfaces autorisées, quant à elles, continuent de se redresser (+12,4% et +1,7% respectivement). Les segments de l’industrie, l’agriculture, du commerce, mais aussi des services publics dans une moindre mesure, contribuent à alimenter cette augmentation des permis ; une orientation plutôt encourageante pour l’activité à venir de la construction de locaux si toutefois les autorisations se traduisent in fine par des mises en chantier. Sur la période récente en effet, et selon les statistiques du ministère, près de huit permis sur dix ne se concrétiseraient pas, un ratio anormalement élevé comparé au secteur du logement (moins d’un sur cinq, en moyenne sur 15 ans) ! Cette anomalie pourrait être liée à des défauts d’enregistrement ou de remontées déclaratives et conduit sans doute, selon la FFB, à sous-estimer l’activité réelle de construction de locaux.
TP : le meilleur est sans doute passé
Selon la dernière note de conjoncture de la FNTP, l’activité des travaux publics fait preuve de résilience en février et continue de progresser, de +3% par rapport à janvier et de +2,7% sur un an (données CVS-CJO en volume). Les meilleures conditions climatiques de 2025 en comparaison de 2024 ont sans doute participé, selon la FNTP, à la bonne tenue des chantiers. En cumul glissant sur douze mois, les travaux réalisés augmentent ainsi de +2,7% en volume à fin février. En revanche, le freinage des nouvelles commandes (-9% en cumul sur deux mois) et le repli des appels d’offres publics inquiètent la profession et augurent d’une dégradation de la demande dans les prochains mois. À un an des échéances électorales, une accélération des projets aurait dû se produire mais le contexte de consolidation budgétaire incite les collectivités à la prudence, notamment les départements aux trésoreries plus fragilisées.
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