Un édifice historique à plus d'un titre
Depuis 1635, date de la création par Louis XIII du Jardin royal des Plantes médicinales, le Jardin des Plantes a évolué avec les besoins et les styles d’aménagements de chaque époque. L’un des plus anciens témoins de cette évolution est la Gloriette de Buffon, érigée au sommet de la butte du labyrinthe. Cette butte, qui compte parmi les premiers terrains acquis pour la fondation du Jardin royal, n’a en fait rien de naturel : elle a été constituée au XIVe siècle par l’accumulation de détritus et de gravats calcaires provenant des faubourgs de la capitale !
Avant-gardiste pour l’époque, la Gloriette précède de 60 ans les œuvres de Victor Baltard, et de plus d'un siècle les réalisations de Gustave Eiffel. Le belvédère a en effet été construit en 1786-87 sur l’ordre du Comte de Buffon, d’après les dessins d’Edme Verniquet, architecte de Louis XVI, et réalisé par Claude-Vincent Mille, serrurier du Roi. Elle est classée au titre des Monuments Historiques depuis 1993.
Une structure unique et précaire…
La Gloriette est établie sur un plan de forme circulaire, présentant huit colonnes. Constitué d’une armature en fonte de très haute qualité fabriquée dans les forges de Buffon à Montbard*, le kiosque présente des superstructures et des décorations composées de bronze, cuivre, laiton et or. Cet habillage dissimule en grande partie l’ossature en fer fixée par rivets, la soudure n’existant pas au xviiie siècle. S’élevant sur plus de 9 mètres, la Gloriette est surmontée d’une sphère armillaire en fonte et cuivre, modélisant le mouvement des étoiles, du Soleil et de l'écliptique autour de la Terre. Un gong solaire, qui sonnait chaque jour à midi, dominait l’ensemble. Ce dernier a aujourd’hui disparu.
Malheureusement, l’association des différents métaux transforma la structure en une pile polymétallique, et certains éléments se dégradèrent rapidement par électrolyse. Restauré au début des années 80, l’édifice avait retrouvé son aspect originel. Mais depuis, la forte fréquentation du Jardin des Plantes, la pollution et la stagnation des eaux, entre autres, ont détérioré ses décors mais aussi fragilisé sa structure, le rendant dangereux pour le public et obligeant le Muséum à fermer son accès.
Pour sa rénovation, le Muséum a lancé en 2016 un appel aux dons auprès du grand public, qui a largement répondu. Les entreprises mécènes (Fondation du patrimoine grâce au mécénat de la Fondation Total, Fondation de la Maison de la Chimie, Eiffage, Société des Amis du Muséum) ont également apporté leur soutien à la rénovation.
Une rénovation intégrale de l’édifice
Les travaux lancés début 2018 furent précédés de plusieurs études de l’architecte en chef des Monuments montrant la corrosion des pieds de poteaux.
Le travail en atelier
L’une des premières étapes fut la dépose consistant à démonter une à une chacune des pièces de la Gloriette : habillage, bancs, balustrades, toiture, girouette, sphère armillaire… qui a ensuite été étiquetée, répertoriée, emballée et stockée provisoirement dans un container avant d’être acheminée en atelier de restauration, à la Forge d’Art Loubière.
La restauration en atelier a débuté par le sablage des principales pièces métalliques de la structure. Le but de cette opération est de nettoyer sans abîmer le support et de permettre une bonne adhésion entre le métal et la métallisation. Un traitement spécifique de surface, le micro-sablage, mieux adapté aux supports délicats, a été appliqué sur les pièces ornementales telles que les macarons, les lettres et les palmettes. Les pièces nettoyées ont ensuite été mises en dorure grâce à une technique artisanale, la dorure à l'huile ou mixtion.
Parmi les pièces ornementales restaurées, les plus altérées ont été refaites ou remodelées et ont perdu leur aspect ancien. Pour redonner une apparence vieillie et lustrée, les décors ont été patinés.
L’altération des éléments de la structure n’est pas seulement due au temps et au climat mais aussi aux graffitis. Ceux-ci ont été dissous grâce à un nettoyage par compresses chimiques avec un solvant, choisi pour ne pas abîmer le support.
Au-delà de l’aspect décoratif, des travaux de réfection ont été effectués tels que le refaçonnage d’éléments déformés, le bouchage des aspérités avec apport de matière ou encore la soudure de réparation de certaines parties.
La restauration in-situ au Jardin des Plantes
Une fois les différents éléments de la Gloriette de Buffon restaurés, la structure a été montée à blanc, c’est-à-dire assemblée provisoirement pour vérifier la conformité de l’assemblage et la stabilité de l’ensemble avant conditionnement pour le transport et remontage définitif.
Lors de cette dernière étape au Jardin des Plantes, des analyses ont permis de caractériser les propriétés des métaux et de vérifier leur comportement mécanique face à des charges permanentes. La structure a ainsi été reprise et renforcée, notamment les pieds d’ancrage, qui ayant perdu de la matière, étaient rendus plus sensibles aux vibrations provoquées par le vent et les visiteurs.
Au-delà des pieds de poteaux, la structure portante a été rénovée dans son ensemble : dévégétalisation des sous-bassement et du dallage, réparation ou remplacement des blocs de pierre défectueux ou manquants du socle. Une repose de dallage a été effectuée pour le revêtement du sol après une sélection minutieuse de nouvelles pierres par l’architecte en chef des monuments historiques. Et en guise de touche finale, tous les éléments restaurés en atelier ont été remontés sur la structure.
Dès le 27 juillet, les visiteurs peuvent donc à nouveau se perdre dans les allées et découvrir ce monument embelli, majestueux, témoin silencieux de l’histoire de Jardin des Plantes.
Fiche chantier
- Maître d’ouvrage : Muséum national d’Histoire naturelle
- Maître d’ouvrage délégué : Oppic (Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture), Maître d’œuvre : François Botton, architecte en chef des monuments historiques
- Coût de la restauration : 600.000 € TTC
* Les forges royales
Lorsque le comte de Buffon ordonna l’édification de la Gloriette, il n’en était pas à son premier chantier remarquable.
Deux décennies plus tôt, il s’était déjà illustré par la construction de la Grande forge, à Buffon, près de sa ville natale de Montbard, en Côte-d’Or au coeur de la Bourgogne.
Cet édifice grandiose, qui accueillait 300 ouvriers, fête ses 250 ans cette année.
Visites d'avril à octobre et information sur www.grandeforgedebuffon.fr.