Cette rencontre a été l’occasion de présenter les travaux de l’Atelier, de faire témoigner les acteurs du projet qui ont expérimenté dans un délai de neuf mois « l’état de l’art, dans la vraie vie, du BIM aujourd’hui » :
Ce que l’on sait concrètement et optimalement faire en BIM de niveau 2, pour une opération courante traitée en lots séparés avec des TPE/PME, en suivant les jalons de la loi MOP, lors des phases programmation, conception, réalisation, exploitation, déconstruction et recyclage, au mieux des connaissances, des savoir-faire et des outils des acteurs.
Lancée le 1er juillet 2016 par le PTNB et portée par l’Union Sociale pour l’Habitat (USH), avec pour AMO par Christian Herreria, pilote du projet, l’opération a mobilisé 130 acteurs, dont 44 opérationnels et 30 organisations professionnelles.
Le concept
Un « Atelier BIM Virtuel » est un cadre de travail collaboratif qui permet, sans avoir à réaliser l’ouvrage, de simuler des processus BIM et des process métiers, simuler des scénarios, comparer une approche BIM avec une approche « traditionnelle », produire des synthèses et analyses, mettre en évidence les bénéfices, les difficultés et les freins, proposer des réflexions sur les organisations, processus, modes de travail, …. pour exploiter optimalement le BIM de niveau 2 et faire un retour d’expérience (Rex).
Un « Atelier BIM Virtuel » associé à une rétro-ingénierie (ou rétro-conception) permet à partir d’un cas déjà réalisé traditionnellement de retracer étape par étape comment cela devrait ou pourrait se réaliser autrement en BIM, simplifier des travaux car l’ouvrage est déjà conçu, réalisé et exploité, gagner du temps dans les travaux métiers et produire des études comparatives.
Même s’il existe beaucoup d’écrits sur le BIM, le secteur manquait de vision globale pour une opération courante traitée en BIM en lots séparés, de la conception à la déconstruction. De plus, les nombreuses expérimentations en cours prendront encore un certain temps. D’où l’idée de réaliser un programme virtuellement. Pour gagner du temps, et nous affranchir des longues phases de conception, nous nous sommes appuyés sur un bâtiment existant que nous avons « rebimisé» : un immeuble de 30 logements sociaux de l’OPH de La Rochelle. précise Christian Herreria.
Les ambitions
À partir d’un programme de logement courant de référence déjà réalisé (hors BIM) dans le quartier Saint-Eloi à La Rochelle, dont on connait tous les paramètres : R+3 en RT 2012, 30 logements sociaux, réalisés en lots séparés, les principales ambitions étaient de :
- Réunir tous les acteurs impliqués dans le BIM :
- les organisations professionnelles de l’acte de construire, pour aider, suivre et utiliser les travaux,
- des acteurs TPE/PME opérationnels, motivés, matures et/ou investis dans le BIM,
- des animateurs praticiens du BIM,
- des observateurs /contributeurs sur certaines thématiques particulières.
- Mettre en place un processus collaboratif BIM de niveau 2 :
- une organisation de pilotage et de suivi en mode projet,
- une plateforme collaborative,
- une convention BIM.
- Mener une simulation de l’opération de référence en BIM sur le cycle de vie (Programmation, Conception, Réalisation, Exploitation, Déconstruction).
- Utiliser les outils courants (BIM ou non BIM) des acteurs du projet.
- Exploiter et tester les travaux disponibles du PTNB (Guide méthodologique pour une convention BIM, les avancés sur POBIM…).
- Proposer des pistes de progrès et des contributions (Assurance, recyclage ....).
- Synthétiser, valider et partager.
- Faire un retour d’expérience (Rex) lors de la réunion du 27 avril et communiquer.
Les résultats et livrables attendus
- Tester et montrer au travers le projet ABV, de façon réaliste et pragmatique : « l’état de l’art, dans la vraie vie, du BIM à aujourd’hui » ce que l’on sait concrètement et optimalement faire en BIM de la phase programmation à la phase exploitation (jalons MOP) et déconstruction.
- Simuler des scénarios ou focus à définir (variantes entreprises, rupture d’approvisionnement….) ou des zooms particuliers (CdC BIM, Dépôt PC, dossier DOE …).
- Fournir des contributions thématiques (assureurs, déconstruction/ recyclage...).
- Comparer l’approche BIM et celle courante de référence avec les mêmes données d’entrée,
- Évaluer les processus, process et outils des acteurs mobilisés (non exhaustif).
- Mettre en évidence le jeu des acteurs, les bénéfices et identifier les freins.
- Proposer des pistes de progrès, des réflexions, des contributions.
- Rédiger des synthèses et les partager à chaque étape du projet.
- Fournir des supports de communication.
- Définir une méthode ABV.
L’opération de référence du projet ABV
- OPH CDA de La Rochelle
- 30 logements dans le Quartier Saint-Eloi à La Rochelle
- BBC Effinergie
- Travaux en lots séparés 2,7 M€ HT
- Début d’exploitation fin 2012
Les acteurs et outils du projet
- 130 acteurs du projet ABV, dont 44 opérationnels :
- 30 organisations professionnelles représentatives,
- 5 prestataires, appuis techniques du projet,
- 22 entreprises, acteurs opérationnels du projet,
- 17 industriels, fournisseurs des entreprises de construction,
- 27 acteurs entreprises et industriels,
- 29 observateurs/contributeurs, pour prolonger le projet ABV.
- Un panel de logiciels « BIM » (hors les logiciels métiers et/ou maison)
- Plateforme TRIMBLE Connect, SMC (Solibri Model Checker)
- Architecte : ARCHICAD
- Economiste : ATTIC+
- Bureaux d’études : REVIT, PLANCAL Nova, ALPI,
- Entreprises : ALLPLAN, REVIT, TEKLA.
- Une maturité BIM variable : de 0 à 3D+
- 9 mois de travaux - 8 réunions - 816 jours « hommes » de réunion à ce jour.
Les premiers enseignements de Christian Herreria, AMO de l’USH, pilote du projet
Même si les outils sont encore perfectibles, notamment en termes d’interopérabilité, nous savons aujourd’hui surmonter les quelques problèmes qui se présentent. Les vraies difficultés rencontrées relèvent plutôt des processus et de l’organisation du travail collaboratif autour de la maquette. Il faut préalablement que les objectifs et les règles du jeu BIM soient définis, il est également important de prévoir un « chef d’orchestre », mettre en place les outils collaboratifs, et former les acteurs.
Nous devons donc commencer par définir précisément le cahier des charges de l’opération et les divers protocoles (MOA, MOE, entreprises) adaptés à la maturité BIM des acteurs pour fixer les règles (qui fait quoi, quand, comment et pourquoi ?). Notre première version du protocole de la MOE, qui nous semblait aboutie a largement été révisée, car elle était à la fois trop complexe et pas assez précise. Nous en sommes à la version 7. Il faut ensuite garantir l’application de ce protocole via « le management du BIM ». À ce niveau, nous avons perçu toute la difficulté de faire évoluer les processus et les pratiques. C’est un dossier qui suscite débat et dont les organisations professionnelles doivent se saisir.
Commentaire de Thierry PARINAUD, architecte, sur les enseignements du projet ABV
Le projet ABV va permettre de sensibiliser tous les acteurs de l’acte de construire à s’engager dans une démarche de processus BIM, c’est-à-dire passer d’une ingénierie séquentielle à une ingénierie concourante et collaborative. À l’instar des secteurs de l’aéronautique et de l’automobile ; le BTP doit évoluer et passer à l’ère numérique via l’Open-BIM.
Comme le décrit François Pélegrin, Président d’Honneur de l’UNSFA : le BIM pour Bouleversement Interprofessionnel Majeur est non seulement une évolution de nos méthodologies de travail mais une révolution dans nos pratiques. D’où la nécessité d’une convention BIM (actualisable à chaque phase) ou protocole d’échanges entre les acteurs pour traduire les objectifs du maître d’ouvrage, préciser le degré de maturité BIM (ici niv.2), connaître les différents logiciels utilisés, réglementer le format (ici 2x3), indiquer les niveaux de détails des livrables attendus, fixer l’organisation des données dans les maquettes, faciliter l’interopérabilité, résoudre des conflits, décrire le rôle de chacun et les moyens mis en œuvre. Ainsi, la mission de BIM Manager est assurée dans un premier temps par la maîtrise d’œuvre et notamment par l’architecte. Ainsi l’utilisation d’une plate-forme dématérialisée permet de faciliter la collaboration de tous les acteurs, du maître de l’ouvrage à l’entreprise.
Le format international et normatif IFC permet enfin aux logiciels CAO et métiers de collaborer ensemble. À partir de la maquette numérique de référence de l’architecte, chaque partenaire peut ainsi travailler sur son modèle, l’enrichir d’informations pour consolider le projet. Chacun possède une vision globale et homogène facilitant la compréhension du dossier et les échanges. Plus de ressaisies, plus d’erreurs sur le bon indice de plans, pas d’incohérence de données et de valeurs dans la maquette assemblée (fusion de la maquette architecte et des modèles associés de l’équipe de maîtrise d’œuvre).
L’Open BIM est une réalité objective ; l’échange d’informations entre architecte, BET, économiste est assuré à plus de 80% ; les données graphiques et alphanumériques (caractéristiques, attributs) récupérées sont directement exploitables ; …
Avec le projet ABV, c’est la première fois que tous les acteurs (du MOA aux entreprises) collaborent ensemble y compris avec le bureau de contrôle, le SPS, le certificateur, les assureurs… sur une opération en BIM de niveau 2 traitée en lot séparés par des TPE /PME de la phase programmation à la phase exploitation.
Commentaire de Christophe Boucaux, Directeur de la Maîtrise d’ouvrage et des politiques patrimoniales de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH)
Vers la fin de l’année 2015, les partenaires du PTNB, par nature très tournés vers les approches collaboratives, ont inventé l’Atelier Bim Virtuel. Ils partaient de ce constat : les opérations en BIM commençaient à se déployer dans le territoire mais l’analyse des retours d’expériences en vue d’une généralisation allait être longue et difficile à exploiter avant quelques années.
Bien sûr, c’est la durée des projets, l’étalement des phases de conception, réalisation et de mise en exploitation, qui rend difficile la mesure de l’apport des outils numériques en regard d’un processus « classique ».
Il fallait alors trouver une idée pour aller plus vite vers la connaissance de ce que « l’état de l’art » en ce moment clé du déploiement du BIM offrait comme opportunité à tous les acteurs concernés et de façon prioritaire aux maîtres d’ouvrage Hlm qui sont les initiateurs des projets.
18 mois après, nous terminons ensemble, dans l’enthousiasme, l’Atelier Bim Virtuel. 9 mois de préparation, de validation, 9 mois de réalisation.
Ce projet est au service de l’ensemble de la filière de la construction. Nous sommes plus de cent aujourd’hui. Et ces cent personnes ici réunies n’ont pas été des spectateurs mais bien des acteurs. Maître d’ouvrage, concepteur, entreprises mais aussi contrôleurs techniques, industriels, AMO, formateurs, concepteurs de logiciels et, bien sûr, les organisations professionnelles qui écoutent, s’inspirent, diffusent… tous, nous avons participé et, convaincus de longue date ou convaincus plus récemment, nous participerons à la diffusion des savoir-faire de demain.