Plus des deux tiers des Français (71%) estiment que les réformes économiques et fiscales engagées par le gouvernement auront un impact négatif (47%) ou nul (24%) sur l'achat de biens immobiliers, selon un sondage réalisé par l'Ifop pour le courtier en crédits immobiliers Cafpi, publié jeudi.
Tous les signaux sont pourtant au vert fin 2017: la conjoncture économique s'améliore avec 1,8% de croissance prévue sur l'année, un record historique se profile dans l'immobilier ancien (934.000 ventes en 12 mois, à fin août), les mises en chantier dans le neuf sont dynamiques (plus de 400.000 en vue sur l'année) et les taux de crédit immobilier demeurent bas.
A elle seule, la baisse des taux de 2008 à 2016 a augmenté de 30% le pouvoir d'achat immobilier d'un ménage, à mensualité et durée de crédit identiques, selon le Crédit foncier.
"En Seine-St-Denis, des couples qui ont deux Smic peuvent devenir propriétaires en 20 ans pour le prix d'un loyer. Ce n'était pas le cas il y a 4 ans, ça ne le sera peut-être plus quand les taux remonteront", souligne auprès de l'AFP Stéphane Theuriau, co-gérant d'Altaréa Cogedim.
Mais tout en disant rechercher un "choc d'offre" de logements en "libérant" plus de terrains, en gelant les normes de construction et en luttant contre les recours abusifs, le gouvernement a pris des mesures qui semblent contredire cet objectif.
S'il a reconduit pour 4 ans dans les zones tendues deux aides publiques, le Prêt à taux zéro (PTZ) concédé aux accédants à la propriété et l'allègement fiscal "Pinel" pour les investisseurs, il n'a prolongé les PTZ que pour 2 ans dans les zones détendues, où 6 sur 10 d'entre eux sont distribués. Et il l'a limité à 20% du montant de l'achat, contre 40% auparavant.
"L'effet positif de ce recentrage en zones tendues sera nul car le PTZ ne fonctionne bien que dans les zones détendues. Cela n'aboutira qu'à en distribuer moins, et donc à faire des économies", estime Pierre Madec, économiste à l'OFCE, qui ne voit là "qu'une stratégie budgétaire".
Maires bâtisseurs... ou pas
De même, l'APL accession a été supprimée en première lecture à l'Assemblée dans le projet de loi de finances pour 2018, qui réduit de 10% les moyens du Logement, alors qu'elle "joue un rôle solvabilisateur important pour les ménages modestes", souligne le sénateur Albéric De Montgolfier (LR) dans un rapport publié jeudi.
Quant aux abattements fiscaux consentis pendant trois ans aux particuliers qui vendent un terrain à bâtir en zone tendue, de telles mesures, déjà mises en oeuvre par le passé, n'ont "généralement pas produit le +choc d'offre+ attendu", pointe l'élu.
Enfin, les effets de la simplification des normes et la lutte contre les recours abusifs mettront du temps à se matérialiser.
Pour Olivier Eluère, économiste de Crédit Agricole SA, les réformes annoncées n'auront qu'un "impact graduel et probablement assez limité, en dépit des mesures incitatives".
"Car les municipalités qui délivrent les permis de construire tendent à multiplier les constructions d'immobilier d'entreprise plutôt que les constructions de logements", dit-il.
Ainsi "beaucoup trop de communes attendent depuis 10 ans et attendront encore longtemps des sièges sociaux d'entreprises sur des terrains non desservis par plusieurs modes de transports, qui seraient parfaits pour le logement", renchérit M. Theuriau. "Mais il faut ensuite construire des équipements, des écoles..."
Le gouvernement réfléchit à un dispositif d'intéressement financier pour les collectivités territoriales qui s'engagent à construire, dans le cadre d'une loi attendue au premier trimestre 2018.
"Il y a des maires bâtisseurs", dit à l'AFP Philippe Jarlot, président des Promoteurs du Grand Paris. "Mais avec la perspective des élections municipales de 2020, d'autres freinent déjà des quatre fers pour ne pas se mettre à dos leurs électeurs".