Opération historique de cession dans les entrepôts français

"C'est vraiment une occasion assez unique qu'on a rencontrée, sans précédent", a résumé mercredi à l'AFP Francis Albertinelli, directeur financier d'Argan.

La petite foncière, l'une des seules en France spécialisée dans les entrepôts, va acquérir pour 898 millions d'euros un portefeuille d'une vingtaine de sites logistiques auprès de Carrefour, qui continuera à les occuper comme locataire.

"La taille est significative, on flirte avec le milliard d'euros et c'est entre deux acteurs français, c'est ça qui donne de la couleur à l'opération", s'est félicité M. Albertinelli.

Effectuée via l'achat de la société Cargo, filiale de Carrefour, l'opération est symptomatique à plusieurs titres: pour le géant de la distribution, confronté comme d'autres acteurs du secteur tel Casino à l'essor du commerce en ligne, c'est un mouvement de rationalisation.

Le groupe, qui a engagé début 2018 un vaste plan de restructuration avec des milliers de suppressions de postes et compte lui-même se recentrer sur le commerce en ligne, a encore récemment cédé ses activités chinoises, une opération à plus de 600 millions d'euros.

S'il a contraint la grande distribution à changer son modèle, l'envol du commerce en ligne a eu un effet parallèle sur le marché immobilier: il a considérablement renforcé l'attrait des entrepôts, longtemps considérés comme un marché marginal.

"Le commerce en ligne, c'est un pan de l'activité logistique et celle ci prend de plus en plus d'importance avec l'essor du e-commerce", a souligné M. Albertinelli.

A ce titre, le parcours d'Argan est représentatif. Partie de presque rien avec l'achat d'un entrepôt en 2000 par son président et fondateur, Jean-Claude Le Lan, la foncière se renforce nettement avec cette opération.

"La taille du portefeuille correspond grosso modo à huit années habituelles de développement chez nous", résume M. Albertinelli.

Le patrimoine d'Argan va passer de 1,7 million de mètres carrés à 2,8 millions et son chiffre d'affaires, qu'il comptait peu à peu faire passer à 100 millions d'euros annuels d'ici à 2021, devrait faire directement un bond à 140 millions.

Changement au capital

Même si le directeur financier se refuse à parler de changement du culture, l'opération constitue un tournant pour le groupe, qui s'était jusqu'alors constitué très progressivement un portefeuille de 60 entrepôts, habituellement développés par ses propres soins.

"On s'était toujours dit que faire des acquisitions de portefeuilles sur le marché, ce n'était pas ce qu'on recherchait", a admis M. Albertinelli. "Là, il se trouve qu'on a une opportunité fabuleuse. Ces entrepôts sont tous neufs, ils ont été développés par Carrefour. On achète un patrimoine très jeune avec un locataire de qualité".

L'opération marque aussi un changement profond pour le capital du groupe, très associé à la personnalité de son fondateur: il était jusqu'alors majoritairement contrôlé - un peu plus de 50% - par M. Le Lan et sa famille, le reste étant coté en Bourse.

Désormais, Carrefour va prendre une petite part - 5% - d'Argan et, surtout, la filiale d'assurances de Crédit Agricole, déjà actionnaire de Cargo, en récupère près de 17%. La famille de M. Le Lan va donc passer sous le seuil de la moitié du capital, même si elle reste de loin dominante avec quelque 40%.

"Ca ne va pas changer la façon de gérer la société", a promis M. Albertinelli, rappelant que le groupe est en Bourse depuis 12 ans. "On a l'habitude de gérer des actionnaires autres que la famille".

La famille de M. Le Lan gardera de fait le contrôle de la moitié du conseil de surveillance, Crédit Agricole gagnant un représentant. Trois autres seront indépendants.

"La famille garde toujours le contrôle du conseil de surveillance et de la société pour tout ce qui est décision stratégique", conclut M. Albertinelli.

Par ailleurs, Argan a annoncé mercredi ses résultats semestriels, marqués par une hausse de 3% des revenus à 45,1 millions d'euros et un bénéfice net plus que doublé à 157,2 millions. Plus représentatif pour une foncière, le bénéfice récurrent gagne 6% à 31,9 millions.