Le conseil d'administration de Polytechnique a validé par 19 voix pour, 4 contre et une abstention la vente d'un terrain voisin de son école à LVMH.
"Le partenariat stratégique doit être finalisé avant la fin de l'année", a précisé Eric Labaye, président de l'École Polytechnique et de l'Institut Polytechnique de Paris lors d'une visioconférence à l'issue du conseil d'administration.
Le projet, baptisé LVMH Gaia, regroupera à terme 300 chercheurs sur une surface de 22.500 m³, selon LVMH qui entend investir plus de 100 millions d'euros dans le futur bâtiment.
Le centre de recherche dédié au "luxe durable et digital" du groupe de Bernard Arnault, lui-même polytechnicien, prévoit d'investir 2 millions d'euros par an pendant 5 ans sur des partenariats de recherche avec Polytechnique, surnommée l'X.
Le terrain, situé au sein du parc d'innovation de l'Institut Polytechnique de Paris (qui regroupe cinq écoles dont l'Ecole Polytechnique) appartient à l'établissement public d'aménagement de Paris-Saclay (EPAPS). La parcelle choisie par LVMH étant voisine de l'école d'ingénieurs, cette dernière avait un veto jusque 2025.
Depuis son annonce officielle cet été, plusieurs élèves et anciens élèves de Polytechnique ont exprimé leur opposition au projet, notamment au travers d'un collectif appelé "Polytechnique n'est pas à vendre!". Ce dernier demande que le bâtiment de LVMH soit construit à l'extérieur du campus et que les terrains de la zone nord-est du campus, dont la parcelle convoitée par LVMH, soit réaffectés à l'usage de l'Institut Polytechnique de Paris.
Une tribune publiée dans Le Monde début septembre signée par 73 anciens élèves évoquait un "projet délétère", qui "travaille sur des problèmes techniques éloignés des thématiques de recherche de l'école: remplacement des plastiques par des alternatives plus écologiques dans des emballages de parfum, développement d'algorithmes de recommandation plus performants pour accroître la quantité de produits vendus, etc".
"On sait que les élèves sont partagés"
Les signataires accusaient le groupe de Bernard Arnault de vouloir "cimenter une respectabilité factice sur la question environnementale et sécuriser un accès privilégié aux élèves du campus, tandis que les retombées du côté de l'école seraient extrêmement maigres, tant sur le plan financier que scientifique".
Matthieu Lequesne, porte-parole de "Polytechnique n'est pas à vendre!", estime auprès de l'AFP que quatre votes contre et une abstention dans un conseil d'administration "qui vote toujours de manière unanime" est un signe fort d'opposition. "La dernière fois qu'il y a eu autant d'opposition, c'était en 2016", selon lui. Et "ce n'est pas la fin de la mobilisation", assure-t-il, "les usagers du campus sont en majorité contre ce projet".
"On sait que les élèves sont partagés sur cette question", a reconnu Eric Labaye. Lors du vote, un des représentants des élèves "a voté pour et un contre".
"Ces coopérations public/privé existent dans le monde entier dans les grandes universités", ajoute le président de Polytechnique qui souligne que "les enseignants-chercheurs soutiennent" le projet.
Rien ne certifie cependant que LVMH acquerra le terrain, selon Matthieu Lequesne. Le directeur de la stratégie du groupe de luxe, Jean-Baptiste Voisin, a laissé planer le doute lundi dans Les Echos.
Si le conseil d'administration de Polytechnique ne s'oppose pas à l'achat du terrain par LVMH, "nous aurons l'opportunité de l'acheter, mais ce n'est pas dit qu'on le fasse. Ce n'est qu'une option d'implantation parmi beaucoup d'autres en région parisienne, et nous les étudions toutes", a ainsi déclaré M. Voisin, également secrétaire général de l'association des anciens de Polytechnique.
Le projet est "complètement transposable", selon lui, "vous le prenez par hélicoptère, vous le déposez où vous voulez".
En janvier, le groupe TotalEnergies avait renoncé à implanter son nouveau pôle de Recherche et Développement sur un terrain situé également à proximité de l'école Polytechnique après la mobilisation de professeurs et d'élèves opposés au projet.