La profession vient de remettre ses propositions et pistes de réflexion.
On estime à 9.302 le nombre de communes sous RNU en France aujourd'hui. Il s'agit généralement de petites collectivités de moins de 500 habitants, situées dans les zones les plus éloignées des centres urbains avec des dynamiques démographiques faibles voire en léger déclin, et qui ont fait le choix de ne pas se doter de document d'urbanisme. Parmi celles-ci, 3.945 ont refusé de transférer leur compétence en matière de PLU à la suite de la loi ALUR. Les 5.357 communes sous RNU restantes ont automatiquement été intégrées dans des PLUi.
Souvent reconnues comme vertueuses en matière d'artificialisation, car peu demandeuses de foncier pour construire en raison de la faiblesse de la demande, ces communes sont néanmoins concernées de facto par la révolution de l'aménagement des territoires à l'oeuvre depuis la promulgation de la loi Climat et Résilience.
La loi Climat et Résilience intègre en effet deux objectifs temporels pour construire de nouveaux schémas d’aménagement : une réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) à l’horizon 2031 et l’atteinte du « zéro artificialisation nette » à l’horizon 2050.
Particulièrement ambitieux, ces deux objectifs appellent de profondes transformations dans l’acte de construire et d’aménager qui doivent être intégrées dans les documents d'urbanisme. Cependant, cette logique est extrêmement descendante (SRADDET - SCoT - PLUi - autorisations d'urbanisme) et les élus appréhendent cette nouvelle obligation comme une contrainte et, plus particulièrement les élus de petites communes, comme une impossibilité de faire évoluer leur territoire.
Le Gouvernement a donc sollicité l'Ordre des géomètres-experts le 7 décembre dernier pour savoir comment, en l'absence de document d’urbanisme, prendre en considération cet objectif de sobriété foncière énoncé dans la loi Climat et Résilience sans faire obstacle au développement des communes sous RNU.
"Il faut encourager les communes sous RNU à se doter d'un document de planification territoriale"
Pour Xavier Prigent, Vice-Président du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts et pilote des travaux : « Il est indispensable d'établir des règles adaptées à l’hétérogénéité des territoires et d’introduire dans la loi une notion de contextualisation liée à leur diversité. Tout l'enjeu sera de convaincre les élus d’être acteur de ces changements et non de les subir. »
Pour ce faire, la profession porte 4 propositions :
En premier lieu, il faut convaincre ces élus de la nécessité de bâtir un véritable projet de territoire, éventuellement sous l'égide de l'EPCI local.
L'Ordre des géomètres-experts plaide ensuite pour les orienter vers l'élaboration d'une Carte Communale Modernisée, "un dispositif adapté à ce type de communes, tant sur le plan technique que financier, mais qu'il faudra impérativement réformer en profondeur au préalable".
Pour les très petites communes qui le souhaiteraient, il pourrait être judicieux de créer un nouvel outil : la Carte Intercommunale. Cela leur permettrait de mutualiser les coûts d'élaboration tout en maintenant la compétence urbanisme à l'échelon communal.
Enfin, l'Ordre des géomètres-experts propose d'alléger la procédure d'identification en cas de changement de destination des bâtiments. Il s'agirait d'étendre l’autorisation des communes à identifier les bâtiments susceptibles de changer de destination après l’approbation du document d’urbanisme sans les obliger à engager une procédure de révision ou de modification souvent trop complexes et trop longues eu égard aux enjeux territoriaux de la commune.
Pour Xavier Prigent : « Le changement de destination nous semble être particulièrement adapté à la fois aux communes sous RNU, mais également aux objectifs de la loi Climat et Résilience puisqu'il permet d'adapter le bâti existant aux besoins de la société sans créer de nouvelles constructions. »
Quel accompagnement des communes sous RNU dans la mise en œuvre des documents de planification territoriale ?
Les élus des communes sous RNU risquent d'être confrontés à de nombreuses problématiques opérationnelles lors de la mise en oeuvre de leur stratégie de développement territorial : procédure d’acquisition de biens, déclassement ou classement d’un bien dans le domaine public, échanges fonciers, travail de couture urbaine, recomposition urbaine, densification du tissu urbain existant, restauration des connections ou corridors écologiques, nature en ville…. Autant d'enjeux sur lesquels les géomètres-experts possèdent un savoir-faire unique grâce à leurs compétences en urbanisme et leur formation juridique et technique.
Dans un premier temps, la profession propose donc de former les élus à la planification territoriale et aux enjeux de sobriété foncière. C'est d'ailleurs tout l'enjeu des formations de mi-mandat que les géomètres-experts animent déjà dans le prolongement des Universités des nouveaux maires.
Pour renforcer l'accompagnement des élus, l'Ordre des géomètres-experts organisera également des présentations sur la prise en compte de la trajectoire « zéro artificialisation nette » dans la réalisation d’un document de planification territoriale sur son stand du Salon des Maires et des Collectivités en novembre prochain.
Dans un second temps, la profession préconise de privilégier la réalisation d'une étude prospective de la trajectoire zéro artificialisation nette avant de lancer la mise en oeuvre du document d'urbanisme. Cela leur permettra de piloter une stratégie de développement territorial en phase avec les objectifs de la loi Climat et Résilience.
Enfin, l'Ordre des géomètres-experts plaide pour un renforcement de l'ingénierie auprès des très petites communes. Il semblerait par exemple pertinent de mettre en place un centre de ressource et d’ingénierie rassemblant les acteurs publics ou privés compétents en matière de planification et d’aménagement du territoire. "Il pourrait s’agir de l’administration centrale, de l’administration territoriale, des CAUE, des membres de l’Observatoire national du cadre de vie", ajoute Xavier Prigent. Les élus locaux disposeraient ainsi d’un répertoire d’organismes, d’institutions ou d’entreprises à contacter pour répondre à leurs interrogations et assurer l’ingénierie des projets de planification territoriale dont ils ont besoin pour leurs territoires.
Pour Xavier Prigent : « L’urbanisme réglementaire n’a jamais fait à lui seul de l’urbanisme opérationnel dit « de projet ». Il est donc nécessaire de convaincre les élus de transformer cette contrainte du « zéro artificialisation nette » en opportunité pour leur territoire. Pour ce faire, il faut les former et les accompagner pour qu’ils puissent appréhender l’ensemble des sujets de façon transversale et décloisonnée afin de construire leur trajectoire territoriale à l’horizon 2050. »
C'est l'ambition que s'est fixé l'Ordre des géomètres-experts dans une démarche qualitative de l'aménagement des territoires.
Par ailleurs, la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de zéro artificialisation nette au cœur des territoires a été définitivement adoptée par le Parlement ce 13 juillet. La version de compromis issue de la commission mixte paritaire prévoit la création d’une « garantie rurale », un droit à construire d’au moins un hectare, attribué à toutes les communes. Seule condition pour bénéficier de ce droit à l'hectare ? Avoir lancé la procédure d’élaboration d’un document d’urbanisme d'ici août 2026. À travers les propositions de l'Ordre des géomètres-experts, 3.945 communes sont donc susceptibles de pouvoir bénéficier de la garantie rurale que prévoit la loi.
Vous pouvez télécharger les propositions de l'Ordre des Géomètres-experts sur l'accompagnement des communes sous RNU en cliquant ici.