Il y a "une augmentation des pratiques a priori les plus risquées" chez les banques, a estimé mardi le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui s'apparente aux autorités financières françaises, dans un "diagnostic" des risques autour de l'immobilier.
Le marché français du logement est en plein essor depuis plusieurs années en France, du moins dans l'ancien, avec une augmentation générale des prix.
Celle-ci est encouragée par des conditions de crédit extrêmement favorables, sur fond de politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne (BCE).
Les taux sont actuellement à leur plancher historique, à peine plus de 1%, et les durées moyennes de remboursement atteignent aussi des niveaux jamais vus à près de 20 ans en moyenne. Conséquence, les crédits immobiliers ont pour la première fois dépassé 1.000 milliards d'euros d'encours l'an dernier en France et n'ont fait qu'augmenter depuis.
Va-t-on trop loin ? Les autorités financières françaises se défendent de tout catastrophisme, mais le ton devient plus pressant, le HCSF renouvelant mardi un appel à la "vigilance" déjà exprimé dans de précédentes publications à vocation plus générale sur la stabilité financière.
"On n'est pas tous seuls à se poser des questions", a souligné à l'AFP une source au sein du HCSF, rappelant que le Comité des surveillance des risques systémiques (ESRB) de la BCE avait détaillé en septembre des inquiétudes sur les marchés immobiliers de plusieurs pays européens, dont la France.
Les autorités françaises se préoccupent surtout de la hausse de l'endettement des ménages par rapport à leurs revenus, une évolution encouragée par les conditions de moins en moins strictes demandées par les banques, sur fond de vive concurrence dans le secteur.
Risque pour la consommation
Les banques demandent ainsi aux ménages de verser moins d'argent au début, ce qui augmente mécaniquement la somme à rembourser par la suite. Quant aux durées élevées des remboursements, elles allègent les échéances mais elles augmentent aussi le risque d'un problème personnel sur une période aussi longue.
"On n'est pas inquiets sur le niveau actuel de l'endettement, qui est élevé mais pas complétement inédit, mais sur les conditions qui s'assouplissent progressivement: c'est quelque chose qui ne peut pas se poursuivre ad vitam aeternam", prévient la source du HCSF.
Pour autant, les inquiétudes restent modérées, d'autant que les Français empruntent à taux fixe et sont donc protégés des incertitudes liées à une remontée.
Plus qu'un risque massif d'incapacité des ménages à rembourser leur dette, le Conseil met surtout en garde au sujet d'un ralentissement général du niveau de la consommation, à laquelle les particuliers auraient moins de revenus à accorder.
Il se montre aussi "vigilant" pour les banques elles-mêmes et leur modèle économique, surtout si les particuliers devaient se remettre à renégocier en masse leurs crédits immobiliers comme ce fut le cas voici quelques années.
Or, "en 2019, on a vu un gros volume de renégociations", a prévenu Guillaume Autier, directeur général du courtier Meilleurtaux, auprès de l'AFP.
Et la hausse des prix en elle-même? Les autorités françaises ne s'en inquiètent pas outre-mesure, jugeant que le marché immobilier n'est pas surévalué et remarquant qu'un repli n'empêcherait de toute façon pas les acquéreurs de rembourser leurs crédits.
Certains acteurs du marché commencent pour autant à évoquer un risque partiel de bulle immobilière, même si celle-ci serait loin de concerner l'ensemble du territoire français et se concentrerait sur Paris, qui vient de franchir la barre symbolique des 10.000 euros le mètre carré en moyenne.
Désormais, "Paris est la ville européenne la moins abordable", a jugé cette semaine la banque suisse UBS, dans une comparaison annuelle sur les prix immobiliers dans une vingtaine de grandes métropoles mondiales, soulignant que les prix à l'achat y sont déconnectés du niveau des revenus et des loyers.
"En outre, depuis 2006, les prix parisiens sont découplés du reste du pays", a-t-elle ajouté. "En conséquence, le marché de la capitale française est entré dans la zone à risque de bulle."