En jeu : le succès de la rénovation énergétique du logement et du bâti existant, primordial pour une transition énergétique collective réussie. Et le respect envers les professionnels de la filière qui en auront la responsabilité sur le terrain, auprès des particuliers.
Le 3 mars dernier, SIDIANE était la première organisation professionnelle à demander officiellement à Emmanuelle WARGON, ministre déléguée au logement, le report de l’audit énergétique obligatoire. Au lieu du 1er septembre 2022, SIDIANE recommandait que celui-ci entre en vigueur le 1er janvier 2023 afin que l’ensemble des entreprises du diagnostic immobilier soient prêtes à le réaliser. D’autres organisations ont soutenu cette démarche en suggérant un calendrier identique.
Or, le décret fixant les modalités du nouvel audit énergétique est sorti ce jour. La date du 1er septembre prochain le rendant obligatoire pour les logements en monopropriété est maintenue. On aurait envie de dire « Quoi qu’il en coûte » ! Encore eût-il fallu que cette décision inique prête à sourire. Ce qui n’est pas le cas.
A ce jour, la mise en œuvre de l’audit énergétique obligatoire est loin d’être opérationnelle.
Le traitement qui lui est réservé par les pouvoirs publics est le même que celui du nouveau DPE l’an dernier, avec les effets que l’on sait sur les filières du diagnostic immobilier, de l’immobilier, du logement… Le DPE subit d’ailleurs tous les jours depuis des semaines les foudres de la presse. A tel point qu’en tant que Président de SIDIANE, Jean-Christophe PROTAIS a pris la parole pour dénoncer ce « DPE Gate » et défendre ce diagnostic immobilier qui est un outil performant et indispensable à la réussite de la rénovation énergétique, malgré son lancement déjà chaotique, faute d’écoute des professionnels par les pouvoirs publics. Il est prévisible que les mêmes causes produiront les mêmes effets avec l’audit énergétique. La décision du jour de maintien en appellera-t-elle une autre de suspension ou de report en juin prochain ou après l’été ? Il est difficile de suivre. Encore moins d’anticiper, ce qui est pourtant le propre des chefs d’entreprises de diagnostic immobilier.
Avec le maintien du calendrier de l’audit énergétique, le Gouvernement veut donner le sentiment de tenir bon sa réforme. Mais il prend en réalité un double risque.
Premier risque : pour la deuxième fois en 1 an, le Gouvernement lance unilatéralement une réglementation et un outil pas encore finalisés, pas fiabilisés et à propos duquel la filière n’a pas été en mesure de se préparer correctement. En effet, les méthodes et les logiciels de calcul et de chiffrage des travaux ne sont pas stabilisés, les trames des rapports sont encore à l’étude, le contenu des formations professionnelles sont laissés à la discrétion des organismes de formation sur la base de ce qui existe pour les audit énergétiques incitatifs… tandis que les certifications des professionnelles seront obtenues en pratiquant ; autrement dit, les premiers audits énergétiques délivrés aux clients finaux le seront par des professionnels encore en formation, non certifiés.
Second risque : Le gouvernement va créer de son propre fait une situation transitoire de non-droit : un entre-deux juridiques. De juri, l’audit énergétique s’imposera. De facto, il sera inapplicable et inappliqué. Rappelons que la loi climat et résilience le 24 aout 2021 prévoit l’obligation, avant même toute visite du bien immobilier concerné, de délivrer à l’acquéreur potentiel d’une passoire énergétique (étiquette F et G du DPE) un audit énergétique.
Croyons-nous sérieusement que les acteurs de l’immobilier comme les particuliers qui vendront leur bien en direct vont respecter cette loi alors que les audits énergétiques ne seront pas réalisés à temps ? Ou, autre effet pervers attendu, n’y a-t-il pas un risque que les audits soient réalisés sans l’exigence requise, avec des erreurs, des conseils peu avisés et ce déclenchant un financement hasardeux par des aides publiques de travaux inappropriés ?
En outre, le Gouvernement a tablé sur un volume d’audits énergétiques à réaliser fondé sur des chiffres de 2018, obtenus à partir des proportions d’étiquettes F et G déterminées avec les anciens modes de calcul du diagnostic de performance énergétique. Cela devait représenter environ 4,8 millions de logements d’après les chiffres du Gouvernement de février 2021.
La réalité est autre. Depuis novembre 2021, bon nombre de DPE ont été réalisés. SIDIANE a pu constater que le nombre de biens en étiquettes F et G est bien supérieur à celui estimé par le Gouvernement. Par conséquent, il faut mécaniquement s’attendre à une demande d’audits énergétiques plus forte que prévue. Et ce, sans même intégrer ce que nous disent les professionnels de l’immobilier : de plus en plus de propriétaires sont en train de mettre en vente les passoires énergétiques de leur patrimoine.
Autant de facteurs qui vont accroître la demande en audits énergétiques sans que la filière soit en capacité d’y répondre quantitativement mais aussi qualitativement. Au risque d’entraîner une recrudescence des contentieux à leur propos, notamment entre vendeurs et acquéreurs de biens immobiliers, puis entre vendeurs et diagnostiqueurs immobiliers ayant réalisé les audits.
Dans ce contexte, SIDIANE réitère fermement et solennellement le report de l’audit énergétique au 1e janvier 2023.