Nous avons obtenu "un contrôle renforcé confié à la gendarmerie, un carburant spécifique avec une coloration pour le BTP, une liste des engins qui ne pourront employer que ce carburant", a déclaré à quelques journalistes Françoise Despret, présidente de la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP).
"Ces avancées sont deux choses importantes qu'on attendait, il reste pour nous la problématique du délai de l'application de la loi", a-t-elle nuancé.
Ce délai de mise en œuvre, avec une disparition progressive de l'avantage fiscal du GNR pour le BTP en trois paliers à partir du 1er juillet prochain et jusqu'en 2022, "c'est vraiment une ligne rouge", indique-t-on à Bercy où on met en avant la nécessité de lutter contre les émissions polluantes.
De plus, "on ne peut pas dissocier une entrée en vigueur pour les grandes et les petites entreprises. C'est juridiquement risqué, par ailleurs c'est très compliqué à mettre en oeuvre", précise-t-on dans l'entourage du ministre de l'Économie Bruno Le Maire.
Selon Mme Despret, la coloration spécifique du carburant pour le BTP "permettra d'éviter le vol", tandis que la liste d'engins qui seront dans l'obligation d'utiliser le dit carburant "nous évitera la concurrence déloyale" provenant surtout d'agriculteurs.
Ces derniers utilisent un GNR déjà aujourd'hui moins taxé que celui du BTP et s'en servent parfois pour effectuer des travaux quand ils ne travaillent pas aux champs ou avec leurs bêtes.
Le vol et la concurrence déloyale "sont des problèmes majeurs", selon Mme Despret.
Mais Mme Despret a ajouté "qu'en dehors du BTP, tous les autres secteurs (bénéficiant d'un allègement de taxes sur le gazole et notamment) le transport maritime, ne sont pas touchés, nous sommes les seuls et nous trouvons ça injuste".
Dans l'Ouest, où les dépôts de Vern-sur-Seiche, près de Rennes, Brest, Lorient, Le Mans étaient toujours bloqués lundi soir. Les manifestants devaient se retrouver au Mans dans la soirée pour décider de la suite à donner à leur mouvement.
Les blocages, destinés à protester contre la fin de l'avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR), ont commencé jeudi après-midi ou jeudi soir, selon les dépôts. Le blocage du dépôt pétrolier de La Pallice à La Rochelle, qui avait été levé vendredi après-midi, a repris dans la nuit de dimanche à lundi.
Levée du blocage des dépôts de Brest, Rennes et La Rochelle sur fond de pénurie de carburant
Au lendemain de la réunion à Bercy avec les professionnels du BTP, les accès de trois des cinq dépôts bloqués dans l'Ouest ont été libérés mardi, sur fond de difficultés d'approvisionnement des stations service.
Quelque 140 gendarmes sont intervenus dès 04H15 mardi matin pour libérer les accès du dépôt pétrolier de Vern-sur-Seiche, près de Rennes, bloqué depuis la nuit de jeudi à vendredi par les entrepreneurs du BTP, qui avaient placé leurs engins de chantier devant l'entrée principale.
"L'opération s'est déroulée dans le calme", a indiqué à l'AFP Augustin Cellard, directeur de cabinet de la préfète d'Ille-et-Vilaine Michèle Kirry. "Les accès au dépôt sont entièrement libres depuis 09H15", a-t-il ajouté.
Deux personnes ont été placées en garde à vue, selon M. Cellard. Les entrepreneurs du BTP protestent contre la suppression de leur avantage fiscal sur le gazole non routier (GNR) prévue en trois paliers à partir du 1er juillet prochain et jusqu'en 2022.
"On a été dégagés comme des chiens. Ils ont menacé de saisir notre matériel", a protesté Jean-Marc Pelatre, entrepreneur du BTP, présent lors du déblocage. "Déçu", M. Pelatre a jugé que l'État préférait "donner aux gens qui ne travaillent pas, aux fainéants". "Et nous qui faisons marcher l'économie française, on ne nous respecte pas", a-t-il dénoncé.
L'opération a été décidée alors que la préfète avait pris lundi soir un arrêté réquisitionnant onze stations-service d'Ille-et-Vilaine pour les véhicules prioritaires, notamment les véhicules de pompiers et les ambulances.
"Écœurés"
Dans la foulée du déblocage à Rennes, les entrepreneurs du BTP de Brest ont décidé de lever leur opération de leur propre initiative. "On était une trentaine, des camions commencent à partir", a indiqué à l'AFP Bruno Corre, l'un des bloqueurs, peu avant midi.
"On est écœurés! On s'est fait trahir, notre syndicat nous a fait un enfant dans le dos!", a ajouté Stéphane Jézéquel, un autre entrepreneur, en expliquant que la Chambre nationale des artisans des travaux publics et du paysage (CNATP) avait accepté la proposition du ministre des Finances.
"Quelle légitimité a-t-on à poursuivre notre mobilisation ? (...)On demandait 5 ans pour avoir le temps" de se préparer à la suppression de l'avantage fiscal sur le GNR, a-t-il ajouté.
Les professionnels du BTP ont été reçus lundi à Bercy par le ministre des Finances Bruno Le Maire. Ils devaient consulter leur base après avoir obtenu des "avancées" sur plusieurs de leurs revendications, mais pas sur un nouveau délai concernant la suppression de l'avantage fiscal.
"On a perdu une bataille mais on n'a pas perdu la guerre!", a assuré M. Corre, en fustigeant lui aussi la "trahison" de la CNATP.
Au Mans, les entrepreneurs du BTP ont annoncé à l'AFP une réunion à 13H00 pour décider de la suite du mouvement.
M. Le Maire a appelé mardi matin "au sens des responsabilités et à la raison" les entrepreneurs du BTP.
Ces déblocages interviennent alors que des pénuries de carburant se font sentir dans de nombreuses stations du quart nord-ouest de la France. Après le Finistère dimanche et l'Ille-et-Vilaine lundi, les préfets du Morbihan et des Côtes-d'Armor ont pris à leur tour mardi des arrêtés réquisitionnant des stations-services "afin d'assurer la continuité des services chargés d'une mission prioritaire".