Depuis dimanche, les opposants campent dans leur "zone d'imagination pour un aménagement concerté" ou "ZIAC" sur un terrain municipal à Villiers-le-Bel, à quelques kilomètres du Triangle de Gonesse.
L'objectif: obtenir une concertation sur les projets d'aménagement des 280 hectares de terres agricoles, et plus spécifiquement sur la construction d'une cité scolaire et d'une gare de la ligne 17 du Grand Paris Express.
Deux camps s'opposent depuis des années sur la finalité de ces terrains coincés entre l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget. Les militants écologistes refusent sa bétonisation tandis que les élus locaux réclament des investissements pour l'est du Val-d'Oise, "délaissé" de l'aménagement du Grand Paris.
Depuis l'abandon du projet de mégacomplexe de commerces et de loisirs EuropaCity par le président Emmanuel Macron en 2019, chaque partie réclame son dû.
"L'école n'a pas besoin d'être construite sur des terres fertiles, c'est suffisamment urbanisé pour trouver un autre emplacement", juge Sophie Almasan, 61 ans, tout en découpant des tomates du jardin qui accompagneront le dahl de lentilles qui parfume le barnum. Cette tente XXL sert de cuisine, salon et lieu de concertation des actions.
Sollicité à plusieurs reprises, le maire socialiste de Gonesse Jean-Pierre Blazy a refusé de répondre à l'AFP sur sa volonté ou non de faire construire un établissement scolaire sur ces terres agricoles disputées.
"Notre camping est paradisiaque et nous sommes prêts à tenir autant de temps qu'il le faudra", assure Djissi Petchot-Bacqué, 61 ans, qui avait initialement prévu de rester deux-trois jours sur la ZIAC.
"Nous sommes dans une situation d'aggravation du dérèglement climatique et ces terres sont des réserves de fraîcheur pour l'Ile-de-France. Nous avons des températures qui ne correspondent pas au mois d'octobre", s'alarme le retraité qui a été poussé par sa jeune fille à s'initier au camping sauvage.
Déclassement territorial
"Pour obtenir une simple concertation publique, il faut en arriver à la désobéissance civile", regrette Bernard Loup, président du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG). "Moi je serais bien resté dans mon lit !", assure l'infatigable militant de 79 ans.
Un huissier de justice est venu constater l'occupation illégale du terrain. Et chaque jour, des policiers rendent visitent au campement, sans animosité.
Tour de vaisselle, tractage dans les marchés, tour de garde... la vie s'organise dans cette colocation du troisième âge, soutenues par des personnes plus jeunes qui viennent passer la journée.
Les vieux campeurs ne devraient pas venir à manquer si la mobilisation se poursuivait. Fruits et légumes sont offerts quotidiennement par les voisins, randonneurs, ou encore par les nombreux élus écologistes et Insoumis qui défilent.
"Quand j'étais au lycée de Sarcelles, on était encore approvisionné par des maraîchers locaux et on mangeait des supers soupes", se remémore Sophie Almasan, professeur des écoles à la retraite. Elle milite pour "le retour du maraîchage en Ile-de-France". Un projet est dans les tuyaux.
Un dispositif de valorisation des produits alimentaires frais, "Agrolim", porté par le Marché international de Rungis (Val-de-Marne) et soutenu par la région Ile-de-France, doit occuper quelques parcelles du Triangle de Gonesse.
Cette extension du marché de Rungis, tout comme l'implantation d'une cité scolaire ou d'une gare, ont pour finalité de dynamiser l'est du Val-d'Oise assurent ses élus qui taclent la déconnexion des militants vis-à-vis de la réalité du territoire. Gonesse, Villiers-le-Bel, Goussainville ont pour point commun de subir un déclassement, alors que ces communes se situent dans un bassin important d'emplois.
S'inspirant de la Seine-Saint-Denis, un plan d'action pour le Val-d'Oise a été lancé en 2021 par le gouvernement pour accompagner dans les dix prochaines années la transformation profonde du département en améliorant "la desserte du territoire", "l'offre économique", "l'enseignement secondaire et supérieur" ou encore "les infrastructures publiques".
Pour le préfet du Val-d'Oise, Philippe Court, le réaménagement du territoire "est une opportunité formidable pour les habitants".