Il y a "une baisse des emprunteurs les plus modestes" parmi les crédits immobiliers accordés par les banques, a souligné ce jeudi Jean-Marc Vilon, directeur général de Crédit Logement.
Cet organisme, qui réunit les principales banques françaises, vient de publier ses chiffres trimestriels sur l'état du marché. Etablis avec l'institut CSA, ils font référence pour le secteur.
D'un côté, ils témoignent de conditions toujours très favorables, dans la lignée des dernières années: des taux extrêmement bas, 1,22% en moyenne en septembre, et des prêts accordés pour des durées historiquement longues, 19 ans et deux mois le mois dernier.
Mais cela ne veut pas dire qu'il est toujours aussi facile d'emprunter pour acheter un logement.
Au troisième trimestre, les banques ont diminué le nombre total de prêts immobiliers de près de 8% par rapport à un an plus tôt, et ce sont les plus pauvres qui en font largement les frais.
Bien sûr, la crise sanitaire est passée par là avec, au printemps, plusieurs semaines de confinement qui ont bloqué de nombreuses opérations.
Mais les professionnels évoquent une tendance plus large, avec un grand coupable en tête: les autorités financières, qui demandent depuis près d'un an aux banques de restreindre leurs conditions.
Le ministère de l'Economie et la Banque de France enjoignent notamment aux banques d'éviter de prêter sur plus de 25 ans. Ils craignent que l'essor des prêts immobiliers, sensible depuis des années et largement lié à la politique très interventionniste de la Banque centrale européenne (BCE), finisse par se traduire par des opérations trop risquées.
Vague d'impayés à l'horizon
Ces mesures ont vivement déplu à un large pan du monde immobilier, des courtiers en crédit jusqu'aux constructeurs de maison.
Sur un ton parfois alarmiste, ils ont estimé que cela revenait à exclure de nombreux ménages du marché immobilier, en particulier ceux qui veulent acheter un logement pour la première fois.
Est-ce une réalité? En partie. Les prêts immobiliers n'ont pas connu d'effondrement massif mais certaines catégories souffrent plus que d'autres.
"On a un marché où les primo-accédants, surtout les plus modestes, ont eu plus de mal à réaliser leurs opérations", a remarqué M. Vilon, qui s'exprimait dans une vidéo en ligne.
Ces propos rejoignent les constats de grands acteurs comme Nexity, premier promoteur français. Son patron, Alain Dinin, affirmait en septembre que les mesures de restriction excluaient de fait près de la moitié de ses clients achetant leur premier logement.
"Socialement, politiquement, c'est une erreur de ne pas penser à permettre aux gens à revenus modestes de se loger", a martelé lors d'une conférence de presse M. Dinin, virulent depuis des mois contre ces restrictions.
De leur côté, les autorités ont maintenu ces mesures à la rentrée et préviennent qu'il n'est pas d'actualité de revenir dessus.
Au sein du Haut comité de stabilité financière (HCSF), qui réunit les autorités financières, on assume d'être prudent alors que la crise économique du virus s'annonce historique et qu'une explosion du chômage aurait de lourdes conséquences sur le remboursement des crédits.
"On ne peut pas exclure un gros accident sur le marché du travail", prévient une source proche du HCSF. "Ce n'est pas le scénario central, mais quand vous faites de la stabilité financière, il faut tenir compte de ça".
Les gens sont-ils déjà en difficulté pour rembourser leurs crédits immobiliers? Pas encore, selon Crédit Logement, mais c'est parce que les banques ont fait des concessions ponctuelles pendant le confinement. A plus long terme, banques et emprunteurs risquent bien d'être rattrapés par la situation.
"C'est surtout 2021 qui va être marquée par l'arrivée de ces impayés sur le crédit immobilier", a conclu M. Vilon.