Finie l'image de "président des riches" qui colle à la peau d'Emmanuel Macron? Pour l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les annonces faites face aux "gilets jaunes" rebattent en tous les cas les cartes fiscales et budgétaires du quinquennat.
"En 2019, un rééquilibrage rapide et massif en faveur des ménages (les) moins aisés sera opéré, sous l'effet notamment des mesures pour répondre à la crise des gilets jaunes", assure l'organisme de recherche, classé à gauche, dans une étude publiée mardi.
Un "rééquilibrage" présenté comme un "tournant" par les auteurs du rapport. Ce sont "des éléments qui ont changé la donne", a souligné lors d'une conférence de presse Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, évoquant une inflexion nette de la politique gouvernementale.
L'Observatoire, rattaché à Sciences Po, explique avoir intégré pour son analyse aussi bien les mesures prévues par les lois de finances 2018 et 2019 que les dispositifs votés en urgence par le Parlement le 21 décembre.
Parmi ces mesures figure la revalorisation de 90 euros de la prime d'activité, la défiscalisation des heures supplémentaires, l'annulation de la hausse de CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois et l'extension du chèque énergie.
Au total, ces mesures vont soutenir le pouvoir d'achat "à hauteur de 11,7 milliards d'euros en 2019", souligne l'OFCE. Sur ce montant, "plus de 88%", soit 10,3 milliards d'euros, "provient des décisions prises en décembre", ajoute-t-il.
Une somme "importante" aux yeux de l'Observatoire, qui dit anticiper un "impact élevé" sur la croissance, de l'ordre de 0,4 point de PIB cette année - voire 0,5 point si l'on intègre l'effet des mesures votées avant l'élection d'Emmanuel Macron.
Plus de gagnants, mais des perdants
Quels seront les gagnants et les perdants de cette nouvelle donne budgétaire ?
D'après l'OFCE, le revenu disponible des ménages devrait augmenter en moyenne de 440 euros cette année, en raison principalement de la baisse de la taxe d'habitation (+150 euros) et de la défiscalisation des heures supplémentaires (+140 euros).
Dans une étude publiée la semaine dernière, l'Institut des politiques publiques (IPP) a de son côté évalué à 0,8% la hausse du pouvoir d'achat moyenne liée aux mesures "gilets jaunes".
Mais "les dispositions prises par le gouvernement au cours de l'automne ont modifié de façon importante les effets redistributifs du budget 2019", a souligné l'IPP, organisme de recherche lié à l'Ecole d'économie de Paris (PSE).
Jusque-là, les ménages les moins bien lotis étaient les 20% de ménages les plus modestes et les 20% les plus aisés -à l'exception notable des 1% "super-riches", les plus choyés par le gouvernement en raison notamment de la suppression de l'ISF.
Désormais, quasiment tous les ménages sont gagnants, à quelques exceptions près: les retraités les plus aisés, qui ne vont pas bénéficier d'exemptions à la hausse de CSG, et certains ménages dépendants des allocations et qui ne travaillent pas.
Une analyse confirmée par l'OFCE, qui observe une évolution notable entre les budgets 2018 et 2019. L'an dernier, "les ménages modestes étaient en moyenne plutôt perdants. Là, ils sont plutôt gagnants", a souligné mardi Pierre Madec, coauteur de l'étude de l'OFCE.
Mais "il y aura quand même des perdants", avertit l'économiste, selon qui 25% des ménages devraient accuser cette année une baisse de leur revenu disponible.
Parmi les 5% de ménages les plus modestes, un tiers devrait ainsi voir leur pouvoir d'achat se réduire, en raison notamment de la baisse des aides au logement. Chez les 15% de ménages les plus aisés, un tiers également devrait perdre du revenu disponible du fait principalement du quasi gel des pensions de retraites, qui va toucher les seniors.
"Si les ménages perdants sont minoritaires, ils accuseraient pour certains des pertes de revenu significatives, pouvant atteindre 1%", prévient l'OFCE.