"Ce n'est pas un pari, c'est une nécessité", a résumé mardi Alain Taravella, président fondateur d'Altarea Cogedim, annonçant son rapprochement avec le jeune promoteur Woodeum et promettant environ 2.500 logements annuels en bois d'ici à 2023.
Créé en 2014 par Guillaume Poitrinal, qui fut notamment le patron du géant de l'immobilier commercial Unibail-Rodamco, et son associé, Philippe Zivkovic, Woodeum est l'un des rares spécialistes français de la construction en bois.
Il est non seulement actif dans les logements - 700 prévus cette année - mais aussi dans les bureaux - il développe notamment un projet de 125.000 mètres carrés à Nanterre avec la filiale immobilière de la banque BNP Paribas - où ses activités ne sont pas concernées par l'opération avec Altarea Cogedim.
Celui-ci va acquérir la moitié de la filiale résidentielle de Woodeum. L'opération valorise l'ensemble de cette filiale à 100 millions d'euros et prévoit une contribution supplémentaire de 50 millions par Altarea Cogedim, qui versera donc une centaine de millions pour intégrer un secteur dont il est quasiment absent.
"Aujourd'hui, on fait quelques opérations en bois, pas beaucoup", a reconnu M. Taravella. "C'est un métier et une mentalité différentes à acquérir."
L'opération est symbolique pour tout le secteur immobilier: Altarea Cogedim est le troisième promoteur français, après Nexity et la filiale dédiée de Bouygues, et montre ainsi l'intérêt d'un géant pour la construction en bois, quand bien même elle reste marginale.
Selon les chiffres des professionnels du secteur, publiés fin juin, le bois représentait en 2018 à peine plus de 6% des nouveaux logements.
"Dans 7, 8 ans, ça peut être 10% ou 15%", a avancé mardi Alain Taravella.
Réglementation attendue
Le bois fait l'objet depuis plusieurs années d'un vif intérêt des pouvoirs publics, au niveau de l'Etat comme des collectivités locales, en raison de son intérêt pour l'environnement, vu la faible consommation d'énergie des bâtiments en bois par rapport à ceux en béton.
Ce soutien se manifeste de manières variées: par exemple, l'établissement public chargé du futur village des Jeux olympiques (JO) de 2024, où sont représentés l'Etat comme la ville de Paris, exige que tous les bâtiments de moins de huit étages soient en bois.
Mais le secteur compte surtout sur une future réglementation énergétique des bâtiments neufs, prévue pour 2020 dans la loi Logement de l'an dernier: elle vise à prendre en compte les émissions de CO2 non plus seulement lors de l'occupation du bâtiment, mais aussi lors de sa construction et son éventuelle destruction.
Or, sur ce terrain, le bois a un net avantage sur le béton, notamment car il permet des délais moindres de construction.
"La réglementation va nous être favorable", s'est félicité mardi M. Poitrinal.
Il estime aussi que, du point de vue des collectivités locales, le bois, "c'est beaucoup moins de poussière, beaucoup moins de bruit pour les riverains".
Pour autant, le secteur reste confronté à des difficultés structurelles, en premier lieu la faible offre de bois français qui contraint par exemple un groupe comme Woodeum à se fournir en Autriche.
Le groupe, qui compte sur son développement futur pour offrir un débouché aux producteurs français et donc les encourager à développer leur offre, fait aussi face à un défi commercial: construire en bois coûte plus cher, ce qui se répercute dans les prix de vente.
Reste qu'Altarea Cogedim "ne vient pas au secours d'une boîte en faillite", a ironisé M. Poitrinal pour défendre la solidité de son modèle, jugeant constater "une attente comme jamais du grand public".
Là encore, d'ailleurs, les deux mariés n'excluent pas un coup de pouce des pouvoirs publics pour lisser les prix de vente, via un foncier moins cher.
"Est-ce que demain les villes ne vont pas nous dire: si on construit en bois, le terrain est un peu moins cher que si on construit en béton?", s'est interrogé M. Taravella.