Après avoir tourné la page des retraites, le ministre du Travail Olivier Dussopt retrouve l'hémicycle à partir de 16H00 pour ce texte de transposition "fidèle" d'un accord national interprofessionnel (ANI) conclu en février dans un contexte de forte inflation.
Signé par quatre syndicats sur cinq, sans la CGT, il prévoit d'étendre des dispositifs tels que l'intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur ("prime Macron") à toutes les entreprises de plus de 11 employés. Il s'agit aussi de développer l'actionnariat salarié.
Cela pourrait concerner "1,5 million de salariés" d'ici "deux à trois ans", a fait valoir le ministre lundi à Cnews.
Il presse les députés de se tenir à "l'accord, rien que l'accord".
Et la Première ministre Elisabeth Borne, qui cherche à renouer le dialogue social après le long conflit des retraites, se félicite: "ce projet de loi illustre ce qu'on souhaite faire avec les partenaires sociaux, c'est-à-dire leur laisser prendre la main" puis traduire les accords dans la loi.
Mais les parlementaires entendent prendre pleinement leur part, et ont déposé quelque 380 amendements, à l'examen jusqu'à jeudi.
Les députés LR soutiennent les dispositifs de "partage de la valeur", vus comme un "complément de rémunération et de challenge pour les salariés".
Les autres oppositions sont plus dubitatives, voire franchement opposées.
Au Rassemblement national, on craint que le déploiement de ces dispositifs ne se fasse "au détriment de l'augmentation des salaires, qui reste le meilleur partage de la valeur".
La gauche redoute aussi un "contournement du salaire" et accuse le gouvernement de "ne répondre en rien à la question du pouvoir d'achat".
M. Dussopt rétorque que les hausses de salaires ne sont pas "incompatibles", renvoyant la balle aux entreprises.
"Ecrans de fumée"
Les élus LFI vont chercher à supprimer ce qu'ils perçoivent comme des "écrans de fumée" pour tromper les salariés, et l'ensemble de la Nupes pousse pour des mesures d'égalité salariale ou de "justice sociale".
Le projet prévoit que les entreprises de 11 à 49 employés et qui sont rentables, dont le bénéfice net représente au moins 1% du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives, mettent en place au moins un dispositif de partage de la valeur, pour cinq ans d'expérimentation.
En commission, les députés ont avancé d'un an l'entrée en vigueur de l'obligation, à début 2024.
La participation est un mécanisme de redistribution des bénéfices, actuellement obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, tandis que l'intéressement est une prime facultative liée aux résultats ou performances non financières. Ces dispositifs s'accompagnent d'avantages fiscaux.
Les débats promettent d'être animés autour de la question des "bénéfices exceptionnels". Le texte prévoit que les entreprises d'au moins 50 salariés devront en négocier définition et partage.
La copie initiale en laissait le soin aux seuls employeurs mais, après avis du Conseil d'Etat, le gouvernement a inclus cette négociation d'entreprise.
La majorité présidentielle a prévu dans l'hémicycle de repréciser que "la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice" devra prendre en compte la taille de l'entreprise, son secteur etc.
Insuffisant pour les oppositions, qui veulent davantage de cadrage et prônent, à l'instar des insoumis, des primes systématiques en cas de "superprofits".
Certains dans la majorité ne sont pas en reste, Emmanuel Macron s'étant lui-même engagé durant sa campagne à instaurer un "dividende salarié", et le patron du groupe MoDem Jean-Paul Mattei ayant soulevé depuis l'automne le sujet des "superdividendes".
M. Dussopt a alerté sur "un risque de surenchère" et ne défendra toute modification à l'ANI "qu'avec un consensus des signataires".
Le texte ne s'attaque pas aux grandes entreprises qui consacrent leurs revenus "exceptionnels" à des rachats d'actions alors qu'Emmanuel Macron avait demandé de réfléchir aux moyens d'en faire "profiter" les travailleurs.
M. Dussopt a renvoyé une éventuelle mesure au prochain budget.