Depuis l'entrée en vigueur du nouveau Diagnostic de Performance Énergétique la mise en location d'un logement classé G est désormais interdite. Acquéreurs et vendeurs s'interrogent à propos de ce dispositif et de son impact. Pour faire le point, l'Ordre des géomètres-experts a réuni Marjolaine Meynier-Millefert, Députée de l'Isère, Vice-Présidente de la commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire et Présidente de l'association HQE-GBC, Robin Rivaton, CEO de Stonal, essayiste et économiste, ainsi que Xavier Prigent, Vice-Président du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts.
Qu'est ce que le Diagnostic de Performance Énergétique ?
Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) renseigne sur la performance énergétique et climatique d'un bien immobilier et la restitue sous forme d'étiquettes énergie classées de A à G. Le dispositif fixe la décence énergétique d'un logement - exprimée en énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an - à 450 kWh/m2. Au-delà de ce seuil, le bien est qualifié de passoire énergétique. Désormais obligatoire pour la vente ou la location d'un bien immobilier, le DPE doit être intégré au bail avec les autres diagnostics.
Le Gouvernement a également mis en place un calendrier pour encourager la rénovation des logements les moins bien classés : interdiction à la location des passoires énergétiques (étiquettes G+) à partir du 1er janvier 2023, des étiquettes G à partir du 1er janvier 2025 et des étiquettes F et E en 2028 et 2034.
Depuis le 1er janvier 2023, les logements les plus énergivores sont donc sensés être retirés du marché jusqu'à ce que leur propriétaire réalise des travaux de rénovation pour améliorer leur performance énergétique.
Une politique de rénovation énergétique du parc immobilier résidentiel nécessaire...
On estime que le secteur résidentiel est aujourd'hui l'un des plus gros consommateurs d'énergie en France. La crise énergétique qui a frappé l'Europe cet hiver, provoquant notamment la hausse des factures et des difficultés d'approvisionnement, implique d'améliorer la performance thermique du parc résidentiel.
Pour la Députée Marjolaine Meynier-Millefert : « C'est une loi de raison. RTE l'a rappelé, nous ne sommes actuellement pas en capacité de couvrir l'électrification massive des usages et ce phénomène est amené à s'amplifier sur les prochaines années. Aujourd'hui nous devons agir pour réduire nos consommations et cela passe par des dispositifs comme le DPE. »
La Députée voit également un renforcement du pouvoir du locataire dans ce nouvel instrument, « puisqu'il peut exiger que le propriétaire réalise des travaux afin de rendre son logement décent". Si Robin Rivaton et Xavier Prigent reconnaissent également qu'il était nécessaire de s'attaquer à la rénovation énergétique du parc immobilier résidentiel, ils estiment que le nouveau DPE est encore imparfait.
... Mais qui risque d'impacter fortement le marché immobilier
« Les géomètres-experts possèdent les compétences techniques en pathologie du bâtiment et autres pour réaliser les diagnostics immobiliers. Depuis la mise en place des obligations de diagnostic plomb en 1998 puis amiante en 2006, la profession s'est progressivement investie sur ce marché », tient à rappeler Xavier Prigent, « c'est donc assez logique de voir les géomètres-experts s'intéresser au nouveau DPE ». Auparavant, la valeur d'un bien immobilier dépendait principalement de deux critères : l'un relatif à l'esthétique du bien et l'autre à son emplacement. « Or cette loi fait émerger un nouveau critère, dit environnemental, dont on ne mesure pas encore très bien l'impact sur la valeur d'un bien », analyse Xavier Prigent. Robin Rivaton estime quant à lui que le nouveau DPE entraîne déjà un impact sur le prix des logements situés en zone détendue « les logements les plus performants sont forcément plus intéressants, et leur valeur augmente logiquement ». On parle de valeur verte. À l'inverse, les passoires énergétiques vont perdre en attractivité et, pour Xavier Prigent, il est déjà possible d'observer une « décote brune » sur la valeur de certains biens.
Pour Xavier Prigent : « Il y a également une différence à opérer entre un gestionnaire d'actifs et un petit propriétaire qui a acheté un bien pour réaliser un complément de retraite. Ils n'ont pas les mêmes moyens et le dispositif risque d'entraîner un effet pervers pour cette deuxième catégorie de personnes, les rénovations performantes sont onéreuses. L'État accompagne les propriétaires mais il faut renforcer les dispositifs à destination des propriétaires précaires, en travaillant le tiers-financement ou le zéro reste à charge par exemple. »
Robin Rivaton estime que ce dispositif va automatiquement conduire la France à se priver d'un stock de logements disponibles : « même s'il s'agit d'un dispositif d'accompagnement et de soutien, avec d'importantes subventions à la clé, le calendrier associé au nouveau DPE est très serré et conduira forcément à sortir des logements disponibles du marché alors même que nous connaissons un contexte particulièrement tendu ».
L'Ordre des géomètres-experts plaide pour une approche contextualisée
La profession partage les objectifs du Gouvernement en matière de rénovation énergétique. Elle estime néanmoins que le dispositif manque de souplesse et qu'une application uniforme risquerait de produire des effets contreproductifs. « La question de la rénovation énergétique des logements ne se pose pas de la même manière en zones de montagne ou en zones urbaines très denses », complète Xavier Prigent.
L’inadaptation du nouveau DPE aux logements de petites surfaces, type studio, inférieures à 40 ou 30 m2, a notamment émergé lors du débat. Ces biens, malgré les travaux engagés, restent qualifiés, au regard des méthodes de calcul du nouveau DPE, comme peu performants sur le plan énergétique et risquent de sortir massivement du stock locatif.
Pour éviter cela, Xavier Prigent, le Vice-président du Conseil supérieur de l'Ordre des géomètres-experts, a notamment proposé à Marjolaine Meynier-Millefert d’amender la Loi Climat-Résilience pour autoriser le Gouvernement à déroger au nouveau DPE par voie réglementaire, soit en excluant les logements inférieurs à une certaine surface du dispositif, soit en adaptant le calcul de la performance énergétique aux spécificités de ces petits logements.
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