Il s'agit du troisième projet de loi de finances rectificative élaboré depuis le début de la crise et il correspond au "deuxième temps de la réponse à la crise", a affirmé mardi soir le ministre de l'Économie Bruno Le Maire sur RTL.
"Le deuxième temps, c'est de venir au secours de tous les secteurs qui sont les plus menacés", a-t-il ajouté.
Après les plus de 400 milliards d'euros de mesures d'urgence prises dans les deux budgets précédents, ce nouveau budget rectifié va faire monter le soutien public à "460 milliards" d'euros, a précisé le ministre.
Il inclut ainsi les 18 milliards d'euros du plan d'aide au secteur du tourisme, l'un des plus affectés par le confinement, les 8 milliards d'euros du plan pour l'automobile, les 600 millions pour la French Tech, ou encore les 15 milliards d'euros de soutien au secteur de l'aéronautique et les aides au secteur du livre. S'y ajouteront des mesures en faveur du petit commerce et du bâtiment.
Le gouvernement fait de premiers pas pour alléger les surcoûts liés à la crise dans le bâtiment
Les entreprises du bâtiment seront aidées à assumer les coûts supplémentaires induits sur leurs chantiers par les mesures de lutte contre le coronavirus, a annoncé le gouvernement, promettant surtout de mettre à contribution les clients publics.
"Le gouvernement a décidé de prendre des mesures pour aider les entreprises du BTP à compenser les surcoûts et à accélérer la reprise", a annoncé l'exécutif, en marge de la présentation d'un nouveau budget rectificatif.
Le bâtiment est l'un des secteurs qui a été largement contraint à l'inactivité par le confinement mis en place entre mars et mai. De nombreux chantiers ont dû s'arrêter, faute de pouvoir mettre en place des mesures sanitaires adéquates.
Depuis, le plus gros des chantiers ont repris, plus de 85% dans le bâtiment, selon le gouvernement, mais le secteur doit assumer des coûts supplémentaires pour assurer la sécurité sanitaire.
A plusieurs reprises, ses fédérations ont demandé à partager ces coûts avec les clients, publics et privés. En début de semaine, dans une lettre ouverte, la FFB, principale organisation du secteur, et la FNTP, centrée sur les travaux publics, accusaient encore le gouvernement de "tergiverser".
Celui-ci va d'abord demander aux clients publics de prendre leur part. Le Premier ministre, Edouard Philippe, a prié les organismes dépendant de l'Etat "de négocier rapidement avec les entreprises du BTP une prise en charge d'une partie des surcoûts".
Au-delà, le gouvernement annonce la mise en place d'un "comité de suivi" qui doit permettre d'évaluer précisément le manque à gagner des entreprises.
Ses conclusions doivent servir de base aux négociations avec les clients, publics et privés.
L'exécutif a, par ailleurs, mis en avant d'autres mesures qui ne sont pas spécifiques au bâtiment mais le concernent largement, comme l'annulation de plusieurs mois de charges pour les petites entreprises, moins de 50 salariés, ayant subi une chute de leurs revenus.
Néanmoins, la mise en place d'un plan de relance du secteur attendra la rentrée, avec la présentation plus générale de mesures destinées à orienter la reprise économique à long terme.
"Le secteur du BTP sera directement concerné par ce plan de relance au titre de l'investissement notamment pour la rénovation thermique et au titre des simplifications de procédure", a affirmé le gouvernement.
Vague de faillites et perte de centaines de milliers d'emplois
Alors que se profilent "une vague de faillites" et des "centaines de milliers" de pertes d'emploi, selon Bruno Le Maire, le gouvernement va renforcer d'environ 5 milliards d'euros le dispositif de chômage partiel et débloquer 1 milliard pour élargir les aides aux entreprises qui embauchent un apprenti.
Même si à Bercy, on défend une politique de soutien à "l'offre", ce budget intégrera aussi des aides exceptionnelles directes pour les 800.000 jeunes précaires de moins de 25 ans et les ménages les plus modestes.
Enfin, il doit entériner un soutien de 4,5 milliards d'euros de l'État pour les collectivités, au moment où leurs recettes fondent avec la crise.
Au total toutefois, les dépenses budgétaires directes supplémentaires ne représenteront que 13 milliards d'euros, le reste étant des mesures de trésorerie (reports de charges, prêts garantis, etc.).
Malgré ce nouveau soutien, certains secteurs s'estiment oubliés, comme l'agriculture ou les transports publics.
L'ONG environnementale Greenpeace regrette elle qu'à côté des plans pour l'automobile ou l'aérien, il y ait "toujours zéro pour la relance du ferroviaire".
Récession, déficit et dette records
Outre ces plans d'aides, le gouvernement est contraint d'aggraver encore ses prévisions économiques pour cette année. Il table désormais sur une récession de -11%, contre 8% de baisse du PIB anticipée il y a seulement quelques semaines.
Les difficultés du secteur du tourisme devraient à elles seules amputer le PIB de quasiment un point cette année.
Conséquence: avec des recettes fiscales qui vont fondre de 27 milliards de plus par rapport à l'estimation déjà en baisse du précédent budget rectifié, le déficit devrait encore s'aggraver à 11,4% du PIB et la dette publique gonfler à 120,9%, estime le gouvernement.
Mardi, la Banque de France a elle tablé sur une chute d'environ 10% du PIB cette année. Si elle envisage un rebond de l'activité dès le troisième trimestre, le patron du Medef, appelle lui dans un entretien aux Echos à accélérer le déconfinement et à "réviser les protocoles sanitaires s'appliquant en entreprise".
De son côté, le gouvernement souhaite mettre fin au 10 juillet à l'état d'urgence sanitaire, a annoncé Matignon mardi soir.
Inquiétude du Haut conseil pour les finances publiques
Le Haut conseil des finances publiques (HCFP) s'inquiète que le gouvernement ait pu sous-évaluer les dépenses prévues pour faire face à la crise, et à l'inverse minimiser la perte de recettes attendues, dans son avis sur le troisième projet de budget rectifié pour 2020.
"Toutes les mesures de soutien de l'activité annoncées par le gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n'ont pas été traduites" dans ce projet de loi de finances rectificative (PLFR), écrit notamment le Haut conseil dans son avis publié mercredi au moment où le gouvernement présente son projet de budget rectifié en conseil des ministres.
Par ailleurs, "une partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année", note-t-il.
Or le gouvernement prévoit déjà que la dépense publique atteindrait 63,6% du PIB cette année, "un niveau jamais atteint au cours de ces 70 dernières années", souligne le HCFP.
Côté recettes, le Haut conseil note que des "aléas négatifs" entourent la prévision du gouvernement d'une baisse de 27 milliards des rentrées issues des prélèvements obligatoires.
En particulier, le gouvernement n'a pas révisé celles provenant de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux.
De même, le gouvernement "fait l'hypothèse forte que les reports de quelques mois d'échéances fiscales et sociales ne donneront pas lieu à des abandons de créances significatifs en 2020, alors même que de nombreuses entreprises concernées par ces reports seront fragilisées par la chute de leur activité du fait de la crise sanitaire", prévient le HCFP.
Déjà à plusieurs reprises inquiète de l'état des finances publiques, l'instance alerte enfin une nouvelle fois sur le fait que la dette, qui devrait gonfler à 120,9% du PIB selon le gouvernement, contre 98,1% l'an dernier, "fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France et appelle une vigilance particulière".
Il s'agit d'une "hausse massive" de la dette, a commenté mercredi lors d'une audition à l'Assemblée nationale le président du HCFP, Pierre Moscovici. Depuis la création de la zone euro, "un tel niveau de dette n'avait été atteint (...) que par très peu de pays", a-t-il souligné.
En revanche, le Haut conseil apparait un peu plus optimiste que le gouvernement sur l'ampleur de la récession, attendue à -11% par le gouvernement.
Il juge "prudente" cette prévision, estimant que le taux d'épargne des ménages "pourrait être inférieur au niveau exceptionnellement élevé prévu par le gouvernement pour 2020 (23,2 % contre 14,9 % en 2019), et donc la consommation plus élevée".
De même il juge que "l'emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le gouvernement", qui table sur 1,2 million d'emplois perdus en fin d'année.
Au total, depuis la loi de finances initiale, "les prévisions se sont dégradées de plus de 12 points de croissance, de 9 points de déficit public et de 22 points de dette, c'est évidemment considérable (...), c'est à la hauteur du choc que nous traversons", a observé M. Moscovici, qui souhaite que "les missions, le champs de compétences et les moyens" du Haut Conseil soient renforcés.