"Simplifier" les DPE pour les logements de moins de 30 m2, voire 50 m2, occupés par les étudiants ou les ménages les plus défavorisés: tel est le mot d'ordre du gouvernement à l'approche de la date fatidique du 1er janvier 2025, qui prévoit l'interdiction de la mise en location des logements étiquetés "G", la plus mauvaise note du DPE.
En pleine crise du logement, cette disposition de la loi Climat de 2021 risque, selon l'Association des maires de France, "de réduire brutalement l'offre locative", même si la loi ne s'applique qu'aux nouveaux baux.
Instauré en 2006, le DPE classe les logements de A à G en fonction de leur consommation d'énergie et, depuis 2021, de leur impact sur le climat.
Le nouveau DPE, considéré unanimement comme "plus fiable" car ne se basant plus sur les factures d'énergie, mais sur les caractéristiques du bâtiment, est néanmoins toujours contesté.
Mi-février, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu annoncera sa "simplification" pour "conserver l'ambition du calendrier initial" tout en "fiabilisant le dispositif pour les petites surfaces" et en actant "des mesures de flexibilité" en prévision de l'échéance du 1er janvier 2025.
Selon l'Observatoire national de la rénovation énergétique, près de 34% des logements de moins de 30 m2 ont une étiquette F ou G, contre 13% des habitations de plus de 100 m2.
A Paris, où 66% du parc locatif privé est classé E, F ou G, l'adjoint au Logement Jacques Baudrier a écrit au Premier ministre pour proposer le report, sous conditions, d'un calendrier jugé inatteignable.
"Le calendrier est trop court pour que toutes les copropriétés engagées dans le processus de rénovation aient réalisé leurs travaux avant le 1er janvier 2025", écrit l'élu communiste, redoutant que ces logements "ne soient plus en capacité d'être reloués". Soit 60.000 logements à Paris et 170.000 en Ile-de-France.
"DPE light"
"L'État a fait voter une loi sans donner assez de moyens financiers pour l'appliquer", déclare-t-il à l'AFP.
Une position que ne partage pas l'adjoint à la Transition écologique Dan Lert (EELV). Selon lui, il est "essentiel de maintenir le calendrier pour atteindre les objectifs du plan Climat de Paris et lutter contre la précarité énergétique".
"Plus de 10.000 personnes meurent chaque année en France de la mauvaise isolation de leur logement", souligne l'élu, également défavorable à un changement des règles de calcul.
L'initiative gouvernementale ravit en revanche les professionnels de la construction et de l'immobilier.
"Il s'agit d'ajustements qui ne vont pas profondément modifier l'impact du DPE sur le marché immobilier", assure Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier, pour qui la date du 1er janvier 2025 constitue en revanche "une insécurité juridique totale".
"Tout logement G qui va passer cette échéance sera frappé d'indécence", assure-t-il.
Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, estime lui que la loi Climat a été votée "sans concertation" et qu'elle oblige désormais à "desserrer la corde en créant un DPE 'light'".
Parmi les diagnostiqueurs, les avis divergent.
Si la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier estime qu'il y a besoin d'un "correctif pour les petites surfaces", ce n'est pas l'avis de Jean-Christophe Protais, président de Sidiane, le Syndicat interprofessionnel du diagnostic immobilier.
"Le DPE ne pénalise pas les petites surfaces. Il montre qu'intrinsèquement, une petite surface consomme plus d'énergie et émet plus de gaz à effet de serre proportionnellement à sa surface. C'est scientifique", observe-t-il.
"Trafiquer le DPE signifie que par un coup de baguette magique, des logements G passeront en D, ce qui fait que les propriétaires qui auront lancé leur rénovation se sentiront floués et que ceux qui ne l'ont pas fait vont temporiser", ajoute-t-il, préconisant également de "donner plus de souplesse sur les échéances".
Dans une tribune publiée mercredi dans les Échos, deux chercheurs admettent que les instruments de mesure "ne sont jamais parfaits".
"Attendre du DPE une prédiction exacte de la consommation réelle" est selon eux "illusoire" mais l'abandonner reviendrait à "rendre 'invisible' la précarité énergétique".