Le programme du candidat Macron prévoyait que ces logements énergivores, occupés par sept millions de ménages, seraient "interdit(s) de location à compter de 2025", avec la promesse d'une prise en charge au moins temporaire des travaux pour les "propriétaires les plus précaires".
La rénovation de ces logements ne décolle pas en France alors que le bâtiment représente 45% des consommations d'énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre.
Mais au lieu de mesures coercitives immédiates, gouvernement et majorité ont changé de braquet au profit d'un dispositif "progressif": l'amendement proposé par le gouvernement et adopté vendredi par l'Assemblée prévoit trois temps, avec "incitation, obligation et, en dernier recours, sanctions".
Après la première phase "incitative" qui visera à "simplifier les dispositifs d'accompagnement" à la rénovation, s'ouvrira en 2023 une "phase d'obligation" de travaux jusqu'à fin 2027.
A partir de 2028, le non-respect de l'obligation sera rendu public, notamment dans les annonces immmobilières, et d'autres sanctions graduées seront établies - que la convention citoyenne pour le climat pourrait contribuer à déterminer.
"Si notre pays n'est pas au rendez-vous de la rénovation énergétique (...) nous pourrons prendre des mesures plus coercitives", a assuré le rapporteur Anthony Cellier (LREM).
"La France accélère dans la guerre contre les passoires thermiques en adoptant de nouvelles mesures concrètes", s'est félicité le ministre de la Transition écologique François de Rugy.
"Progressivité"
Initialement, une proposition surprise avait été avancée par LREM: une consignation de 5% maximum du montant, en cas de vente, pour financer les travaux. Mais le secteur immobilier avait vivement protesté, trouvant des relais au gouvernement, avant que des voix dans la majorité ne dénoncent une "vision punitive de l'écologie".
Sans surprise, la Fnaim, première organisation des professionnels de l'immobilier, a salué l'approche graduelle finalement adoptée.
"Nous soutenions la progressivité. On s'était fermement opposé à toute forme de punition, profondément inégalitaire", rappelle Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim.
"L'échéance de 2028 nous va bien. Il fallait absolument éviter l'effet entonnoir, quand tout le monde fait des travaux au même moment", explique-t-il à l'AFP, tout en appelant à une meilleure "lisibilité" des financements disponibles.
Il reste cependant farouchement opposé à d'éventuelles sanctions après 2028: "Il faut beaucoup de prudence, concernant un investissement très affectif pour les Français", argumente-t-il, jugeant que "le marché" sanctionnera déjà les logements mal isolés.
L'Unis, deuxième organisation du secteur, salue elle "une mesure de compromis raisonnable et pragmatique, permettant de mieux anticiper la transition", dans une déclaration à l'AFP, tout en réclamant des "outils" adaptés pour "encourager" les bailleurs.
Alors que les propriétaires des "passoires" sont notamment des bailleurs sociaux, l'Union sociale pour l'habitat (USH), confédération du monde HLM, affiche un soutien prudent.
"Que la loi soit ou non avec effet immédiat, il faut avoir les moyens de le faire" alors même que l'actuel resserrement des financements du monde HLM "limite les capacités d'investissement", observe son président Jean-Louis Dumont.
"Pantalonnade"
A l'inverse, gauche et organisations environnementales ont déploré l'absence de mécanismes coercitifs. L'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho (députée non inscrite) a fustigé "une véritable pantalonnade" ne répondant pas à "une situation d'urgence".
La socialiste Marie-Noëlle Battistel avait tenté en vain de faire interdire la location de certains logements énergivores en 2028. "Encore une fois la majorité préfère la com à l'action", a réagi son groupe.
"Il faut procéder à une réglementation avec des sanctions", a abondé l'Insoumise Mathilde Panot, tandis que le communiste Stéphane Peu épinglait "une vision de Bisounours" sur le logement.
La Fondation Nicolas Hulot a regretté "l'absence d'obligation ferme de rénover": l'ONG sera attentive, lors du prochain budget, à ce que "soient actées de nouvelles aides et mesures d'accompagnement immédiat des ménages dans leurs travaux".
"Pour le gouvernement, l'urgence climatique c'est pour après le quinquennat! Les locataires qui étouffent actuellement et paient des factures d'énergie exorbitantes en hiver apprécieront", s'est également indignée Anne Bringault, du CLER (Réseau pour la transition énergétique) et Réseau Action Climat.