Porté par les groupes de la majorité présidentielle Renaissance et Horizons, le texte propose de tripler les sanctions encourues par les squatteurs jusqu'à 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende.
"Actuellement un squatteur risque un an de prison et 15.000 euros d'amende. Mais le propriétaire qui change la serrure risque 3 ans et 45.000 euros", argue le rapporteur Guillaume Kasbarian, également président de la commission des Affaires économiques.
Le député d'Eure-et-Loir n'en est pas à son coup d'essai : il avait fait voter en 2020 des dispositions contre les squats via un projet de loi mais une partie des mesures avaient été censurées par le Conseil constitutionnel qui les considérait comme des cavaliers législatifs.
Sa proposition de loi prévoit en retour la même peine pour ceux qui se font passer pour un propriétaire dans le but de louer un bien.
Il précise que le délit d'introduction dans le domicile concerne aussi les résidences secondaires, et étend la procédure d'expulsion express, sans recours à un juge, aux logements vacants, vides de meubles.
Le texte réduit aussi la durée de la procédure judiciaire, et prévoit que certains délais pouvant être accordés par un juge, ne soient désormais envisageables que si le locataire en fait lui-même la demande. "Une atteinte manifeste à l'office du juge de l'expulsion" pour la gauche, qui craint un manque de recours des locataires.
"Ce qu'on souhaite juste, c'est qu'on puisse avoir une accélération des procédures", pour soutenir "des petits propriétaires qui se retrouvent dans des situations invraisemblables", estime la présidente des députés Renaissance Aurore Bergé, sur franceinfo.
La proposition de loi veut aussi conforter les bailleurs face aux impayés, prévoyant là encore de raccourcir des délais procéduraux.
"criminaliser les impayés"
En l'absence de majorité absolue, le camp présidentiel devrait se tourner vers sa droite pour faire voter le texte. "Ca fait bien longtemps qu'on fait des propositions allant dans ce sens", souligne la députée Annie Genevard (LR). En commission, elle a fait adopter un amendement pour "assimiler le squat à un vol", une disposition "essentielle" qu'elle espère étendre aux cas d'occupation de locaux à usage économique.
Des associations y voient au contraire un risque de forte aggravation des peines.
Le groupe RN a lui aussi approuvé ce texte en commission.
Quant au gouvernement, s'il a apporté son soutien au texte, il pourrait encore peser en séance pour l'équilibrer.
"On ne doit pas réagir de la même manière contre les squats, en particulier ceux entretenus par des marchands de sommeil, que devant les impayés de locataires", a averti le ministre du Logement Olivier Klein.
Les députés Insoumis, communistes et écologistes sont eux vent debout, même si certains députés ultramarins de gauche soutiennent des amendements pour des mesures fortes en Outre-mer.
"Cette loi est une fabrique de SDF", dénonce la députée LFI Danielle Simonnet, dont le groupe entend déposer une motion de rejet préalable au texte. Son collègue François Piquemal fustige une proposition de loi de "fait divers", au regard des quelque "170" procédures d'expulsion menées à terme en 2021 mentionnés par Guillaume Kasbarian.
"Si nous tenions ce genre de raisonnement, nous n'aurions rien fait contre les marchands de sommeil, eux aussi minoritaires", lui a rétorqué ce dernier.
Le ministère du Logement avait estimé en 2021 que "le squat n'est pas un phénomène massif en France".
"C'est une loi particulièrement dangereuse (...) qui veut criminaliser les impayés de loyers", dénonce aussi l'écologiste Aurélien Taché, affirmant que certaines dispositions auraient conduit à "criminaliser les actions" du collectif Jeudi noir.
C'est un "texte disproportionné par rapport à la difficulté que rencontrent certains propriétaires", estime pour sa part le socialiste Gérard Leseul.
L'association Droit au Logement (DAL) a manifesté dimanche contre le texte et organise un nouveau rassemblement lundi à 18h, en présence de députés de gauche.
"Ce texte va permettre des expulsions en 48 heures, sans juge, de squatteurs qui occupent des logements vacants", craint Manuel Domergue (Fondation Abbé Pierre). Attac dénonce une loi qui "criminalise les précaires".
La FNAIM, qui représente les professionnels de l'immobilier, salue en revanche une "amorce de rééquilibrage des droits".
Les débats devraient débuter dans la soirée et durer jusqu'en milieu de semaine.