Après un large soutien du Sénat en première lecture, le gouvernement a évité les chausse-trapes au Palais Bourbon sur ce texte qui vise à combler le net retard de la France en matière d'éolien et de photovoltaïque, et qui fait écho à la crise énergétique.
L'exécutif croit pouvoir obtenir un vote favorable de l'Assemblée le mardi 10 janvier, grâce au PS et au groupe indépendant Liot, tandis que la position des écologistes et de LFI reste plus incertaine.
Certains macronistes redoutent toutefois que ce scrutin solennel soit parasité par la présentation le même jour de la réforme des retraites du gouvernement.
"Chacun va faire la part des choses, il faut distinguer les sujets", relativise l'entourage de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. "Au début, tout le monde voyait ce texte perdant. Il a obtenu la quasi-unanimité au Sénat et est en passe d'être adopté à l'Assemblée", souligne-t-on.
"Ça vrille le cerveau"
Pour la première fois du quinquennat, les macronistes, privés de majorité absolue, se sont résolument tournés vers la gauche de l'hémicycle, alors qu'ils regardaient jusqu'ici du côté de la droite.
Car le camp présidentiel a vite fait le deuil d'un soutien des députés LR, sur une ligne plus dure que leurs collègues du Sénat.
Les députés LR et RN ont ferraillé durant deux semaines contre les "nuisances" des éoliennes, une énergie "intermittente".
Les éoliennes, "ça détruit nos paysages", ça "vrille les yeux et le cerveau", a fini par lâcher Pierre Meurin (RN).
Parmi les principaux débats: le sujet sensible de l'aval des maires pour installer éoliennes et panneaux solaires. Dans la lignée d'un compromis trouvé au Sénat, l'Assemblée a validé un dispositif de planification afin de définir des zones "d'accélération" de déploiement des énergies renouvelables, sous réserve de l'approbation des maires.
La mesure a crispé la gauche, qui redoute le retour du "veto des maires" que réclamaient les députés LR pour l'ensemble du territoire.
"Il y a plusieurs garde-fous. Personne ne pourra bloquer le système et on donne un calendrier très clair pour la cartographie des zones" en moins d'un an, assure l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher.
Autre moment de tension, le rétablissement d'un article clé visant à réduire les contentieux contre certains projets d'énergies renouvelables, en leur reconnaissant une "raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM)".
En commission, les oppositions avaient supprimé l'article voyant dans cette limitation des recours une menace pour la biodiversité.
Hésitation
Il a été rétabli en séance dans la confusion. La gauche semblait disposée à négocier un compromis, mais les députés ont été pris de court par un amendement Renaissance écrasant tous les autres.
"On a l'impression d'avoir été pris pour des imbéciles", avait dénoncé Maxime Laisney (LFI).
Il y a eu "beaucoup de confusion" mais "on continue à discuter" en vue de la prochaine commission mixte députés-sénateurs, assure un cadre macroniste.
Accroc pour le gouvernement: l'Assemblée a supprimé un article qui permettait une simple consultation en ligne pour certains projets photovoltaïques, plutôt qu'une "enquête publique". Mais la mesure pourrait revenir dans la navette parlementaire.
Dans la concorde jeudi, après le ralliement de la ministre, les députés ont supprimé le principe de ristournes sur les factures en faveur des riverains d'installations. C'était un "point de blocage" pour les socialistes, qui préféraient que les producteurs de renouvelables contribuent à un fonds territorial pouvant aider les ménages modestes - ce sera le cas.
Côté écologiste, la principale critique concerne l'artificialisation des sols. "Nous sommes pour les énergies renouvelables mais (...) il faut aller sur tous les espaces qui sont déjà bâtis, partout sur les centres commerciaux, les établissements publics, le résidentiel", souligne la cheffe des députés verts Cyrielle Chatelain.
Avant les débats, les écolos hésitaient entre "abstention" et vote pour.
Le gouvernement espère que les concessions accordées - extension de l'obligation d'installer des panneaux solaires sur des parkings, mise en place d'un observatoire et d'un médiateur des énergies renouvelables...- feront pencher la balance.