Plus de la moitié des chefs d’entreprise artisanale du bâtiment ont repris leur rythme d’avant la crise COVID et, pour certains d’entre eux, ce rythme s’est même encore accentué : 23% des répondants déclarent ainsi travailler plus de 60h par semaine. De nouveaux signaux d’alertes comme la hausse continue du prix de l’énergie et des matériaux viennent peser sur le moral des chefs d’entreprise artisanale du bâtiment qui se déclarent fatigués voire très fatigués.
Un rythme de travail plus intense et des difficultés à déconnecter
L’étude menée auprès de 1.811 répondants en janvier 2022, c’est-à-dire avant la guerre en Ukraine, met en évidence une forte reprise de l’activité dans le secteur du bâtiment en 2021. Plus de la moitié des dirigeants d’entreprise ont repris leur rythme de travail d’avant crise et la proportion de chefs d’entreprise travaillant plus de 60h par semaine a augmenté de 5 points.
Cette charge de travail s’explique en partie par la multitude de tâches qu’ils ont à réaliser : réalisation de chantier, gestion du personnel, élaboration des devis, gestion et contact clients, gestion administrative. Cette dernière représente de 10 à 25% du temps de travail des chefs d’entreprise et augmente considérablement dès lors que l’entreprise compte plus de 5 salariés.
A noter que cette charge de travail concerne l’ensemble des dirigeants, quelle que soit leur situation familiale (en couple, seul, avec ou sans enfant) mais qu’elle évolue en fonction de la taille de l’entreprise. Ainsi, en 2021, 14% des chefs d’entreprise travaillant seuls déclarent faire plus de 60 heures par semaine contre 42% pour ceux employant 11 à 15 salariés.
A noter également qu’un artisan sur deux travaille le week-end, un chiffre stable comparé à 2020 mais toujours préoccupant. Point positif : malgré ce rythme de travail soutenu, les chefs d’entreprise sont plus nombreux à prendre entre 3 et 6 semaines de congés. 33% seulement des dirigeants déclarent avoir pris au maximum deux semaines de congés durant l’année 2021, contre 41% en 2020. Sur l’ensemble des répondants, 29% déclarent que la crise sanitaire a eu un impact sur leurs congés : 18% les ont réduits et 11% n’en n’ont pas pris.
Toutefois, même pendant leurs congés, les artisans éprouvent des difficultés à déconnecter : 57% des dirigeants disent consulter leurs mails tous les jours contre 51% en 2020. En cause, une réactivité exigée par les clients et les fournisseurs, le souhait de rester disponible à tout moment et enfin celui d’éviter d’être submergé à son retour.
Les artisans sont nombreux à évoquer des difficultés pour trouver le bon équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée : 79% des artisans continuent d’avoir le sentiment que leur vie professionnelle empiète sur leur vie familiale, contre 85% en 2020 et 87% en 2019. Malgré une nette baisse en deux ans, c’est un chiffre qui reste élevé.
Un bon état de santé général mais un point d’alerte sur la fatigue
Le baromètre met une nouvelle fois en évidence la bonne perception des artisans de leur état de santé. En 2021, 76% des répondants se déclarent ainsi en bonne santé. Pour la 8e année consécutive, les douleurs musculaires sont en baisse. Une donnée d’autant plus encourageante que les troubles musculosquelettiques sont la principale cause d’accident du travail et de maladie professionnelle dans le secteur de la construction. Les artisans déclarent également être attentifs aux conséquences de leur activité sur leur santé (61%) malgré une légère baisse comparée à 2019 (65%). Pour autant, les répondants continuent de souffrir de diverses pathologies comme des douleurs articulaires, des troubles émotionnels, des maux de tête et des troubles du sommeil.
49% des répondants se disent être fatigués. Ainsi, 49% se réveillent en pleine nuit, 38% se réveillent précocement le matin sans pouvoir se rendormir et 22% ont du mal à s’endormir. Enfin, 4% des artisans prennent des médicaments pour dormir, contre 2% en 2019. Des problèmes de sommeil qui se répercutent sur l’activité de la majorité des répondants (+66%). Or cette fatigue risque de s’accroître avec la hausse de la charge de travail et le contexte géopolitique actuel de la guerre en Ukraine dont les conséquences sur la hausse des prix inquiètent de plus en plus les chefs d’entreprise.
Une sensibilisation nécessaire pour inciter les artisans à exprimer leur mal-être
Les métiers du bâtiment sont exigeant physiquement selon 83% des répondants mais également mentalement selon 87% des chefs d’entreprise. La gestion des chantiers l’administratif et les difficultés quotidiennes provoquent du stress chez 51% des artisans. Et pourtant, 2021 est la première année où ce chiffre est en baisse.
Fait encourageant, les artisans se sentent majoritairement soutenus et accompagnés dans la gestion de leur entreprise (67%) Pour les artisans ne se sentant pas suffisant accompagnés (33%), 48% aimeraient plus d’accompagnement de la part des services de l’état, des comptables (44%) et des organisations professionnelles (42%). Parmi l’ensemble des répondants, la majorité souhaiterait être mieux accompagnée dans certains domaines : 42%dans le domaine juridique (santé sécurité / droit salarial / assurance) 17% dans le management des équipements et 16% dans le domaine de la formation. Seulement 29% des chefs d’entreprise déclarent n’avoir besoin d’aucun accompagnement supplémentaire.
Enfin, la part des répondants ayant été en difficulté psychique (anxiété, épuisement professionnel, dépression) au cours de l’année est en hausse : 34% en 2021 contre 32% en 2020. Parmi les chefs d’entreprise en difficulté, seul un répondant sur deux a évoqué ses difficultés à une tierce personne, soit une baisse de 8 points en comparaison avec 2020. Parmi ceux qui ne se sont pas exprimés, 90% déclarent préférer garder leur problème pour eux afin de ne pas inquiéter et 47% ne voient pas l’utilité d’en parler.
Un constat qui confirme la nécessité de poursuivre la sensibilisation des chefs d’entreprise mais également de leur entourage qui a souvent un rôle central dans ces situations. Ce travail de sensibilisation est, en effet, nécessaire et porte ses fruits puisque le nombre de chefs d’entreprise ayant évoqué leurs problèmes à leur organisation professionnelle a augmenté de 3 points en un an, soit 9% en 2021 contre 6% en 2020.
Cette sensibilisation doit également se poursuivre pour les chefs d’entreprise qui déclarent la pérennité de leur entreprise menacée (23% en 2021). Parmi eux, seulement 23% se font aider, soit une baisse de 4 points par rapport à 2020. Toutefois, ils sont 52% à avoir évoqué le sujet (+ 2 points au regard de 2020), un chiffre encourageant puisque la prise de parole est souvent un premier pas pour le chef d’entreprise.
Pour Jean-Christophe Repon, Président de la CAPEB : « La reprise de l’activité dans le bâtiment apporte évidemment de l’optimisme aux chefs d’entreprise mais le contexte actuel très incertain et les contraintes du quotidien ne leur permettent pas de retrouver totalement la sérénité ni de garder le moral. La gestion des tâches administratives continue de peser trop fortement sur les chefs d’entreprise des petites structures. C’est un enjeu de simplification sur lequel nous œuvrons quotidiennement afin d’apporter un meilleur accompagnement administratif et juridique aux entreprises. Parallèlement, nous réitérons constamment nos demandes aux pouvoirs publics : simplifier encore et toujours le quotidien des TPE. »
Pour Cécile Beaudonnat, Présidente de la Commission Nationale des Femmes de l’Artisanat et chargée des questions de santé-sécurité à la CAPEB : « Malgré une fatigue physique et morale toujours présente chez les chefs d’entreprise, nous constatons cette année que les répondants semblent plus aptes à demander de l’aide en cas de besoin, notamment auprès de la CAPEB. Des résultats qui nous confortent quant à la nécessité de continuer à sensibiliser nos adhérents et leur entourage sur les risques psycho-sociaux que peut engendrer leur activité et sur les moyens pour s’en sortir. »
Pour Françoise Despret, Présidente de la CNATP : « Le volume d’heures de travail de nos chefs d’entreprise artisanales demeure toujours élevé. Celui-ci l’est particulièrement pour nos petites structures où toutes les responsabilités pèsent sur la même personne. Dans un monde de plus en plus procédurier, nous constatons depuis de nombreuses années une part de l’activité dédiée à l’administratif non productif toujours plus chronophage et d’autre part l’évolution des mentalités des clients toujours plus exigeants sur les délais de réponse de leurs devis. Les hausses de prix des matières ingérables et certaines pénuries ajoutent encore un stress supplémentaire. »
Télécharger ici le 8e baromètre ARTI Santé.