Selon une note d'analyse publiée à la veille de la célébration des vingt ans de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), qui pilote cette politique initiée par la loi Borloo, la part des ménages les plus pauvres a reculé de 17% entre 2003 et 2019 dans les quartiers "les plus démolis".
Le Programme national pour la rénovation urbaine (PNRU), qui s'est achevé en 2021, visait à restructurer les quartiers socialement défavorisés classés "Zones urbaines sensibles" (ZUS) à travers des opérations lourdes sur l'habitat, dans un double objectif de mixité sociale et de développement durable.
Pour réaliser leur étude, les auteurs ont comparé 497 quartiers ZUS avec un groupe contrôle de 240 quartiers aux caractéristiques similaires mais non rénovés.
Le PNRU a eu un "impact causal significatif à la fois sur l'offre de logements et sur le peuplement des quartiers ciblés", notamment les plus démolis, analyse France Stratégie tout en soulignant que ces derniers sont en moyenne "nettement moins peuplés".
Cet impact se traduit "par une diminution de la part des logements sociaux, initialement prépondérante, et par une réduction de la part des ménages les plus pauvres".
Cette dernière s'est faite "essentiellement au profit d'un accroissement de la part de ménages de niveau de vie modeste à moyen".
Ainsi dans "le quart des quartiers où les démolitions ont été les plus intenses, qui accueillent 6,5% de la population de l'ensemble des quartiers rénovés, le PNRU a causé une baisse de 6 points de la part des logements sociaux (-9%), ainsi qu'une baisse de 5 points (-17%) de la part des ménages les plus pauvres".
Ségrégation spatiale
Cet effet a été causé principalement "par la démolition des logements qui accueillaient le plus de ménages pauvres" ainsi que dans une moindre mesure "par la construction de logements sociaux accueillant des ménages aux profils un peu plus aisés".
En revanche, dans les trois quarts restants des quartiers ciblés, où les interventions ont été moins intenses, l'impact du PNRU est "quasi nul et n'a pas permis d'empêcher une légère augmentation de la part des ménages les plus pauvres".
"On a 75% quartiers dans lesquels on n'a aucun effet parce qu'on a aussi un budget dépensé par habitant qui est nettement plus faible", souligne Nina Guyon, co-autrice de l'étude, précisant que cette dernière suit les logements et non les personnes et qu'elle "ne dit donc pas où sont passés les ménages pauvres qui ne sont plus dans ces quartiers".
"L'étude est un peu optimiste quand elle met l'accent sur ce qui bouge, en réalité ce ne sont pas des choses qui changent fondamentalement la composition du quartier et ces ménages très pauvres sont essentiellement remplacés par des ménages qui sont quand même assez pauvres", nuance Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.
"Les opérations Anru n'ont pas bouleversé du tout la ségrégation spatiale (...) mais elles ont permis d'investir relativement massivement dans des quartiers largement oubliés", ajoute-t-il.
D'après un bilan de l'Anru publié en octobre, les opérations financées par le premier PNRU ont représenté au total 48,4 milliards d'euros, soit en moyenne 2,8 milliards d'euros par an.
Selon France Stratégie, c'est "environ 1% du budget annuel de l'Etat pour un ensemble de quartiers ciblés qui représente environ 7% de la population française, soit 4 millions d'habitants".
Près de la moitié de ce montant a été financé par les bailleurs sociaux, près d'un quart par l'Anru et le dernier quart par les collectivités locales.
En tout, 175.000 logements, en grande majorité sociaux, ont été démolis, tandis que 142.000 logements sociaux et 81.000 logements privés ont été construits.
Les autres opérations regroupent des projets d'aménagement urbain, de réhabilitation, de création d'équipements publics ou commerciaux.