Intitulé "Ensemble, refaire la ville", ce rapport dévoilé mardi avait été commandé en décembre 2023 à la directrice générale de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Anne-Claire Mialot, au maire PS de Villeurbanne, Cédric van Styvendael, et au haut-fonctionnaire Jean-Martin Delorme, afin d'imaginer le futur du renouvellement urbain, vingt ans après la création de l'agence en 2004.
Instrument-phare voulu par l'ex-ministre de la Ville Jean-Louis Borloo pour changer le visage des grands ensembles, l'Anru ambitionne de réhabiliter des centaines de quartiers dits "prioritaires de la politique de la ville" (QPV) où se concentrent les difficultés sociales et économiques, à travers de spectaculaires opérations de démolition-reconstruction, mais aussi de rénovation et d'aménagement de l'espace public.
Ce rapport intervient à un moment charnière pour l'Anru, agence qui ne vit que par ses programmes, l'allocation des financements de son deuxième programme phare (NPNRU) s'achevant en 2026.
Les auteurs dressent le constat d'une ségrégation socio-spatiale qui s'est accrue en France, "sous les effets combinés de la métropolisation, de la désindustrialisation et de l'accroissement des inégalités sociales" et relèvent des problématiques communes aux habitants des 1.609 QPV et à ceux des "territoires ruraux, périurbains et en déprise économique".
Qu'ils soient pauvres "dans une commune rurale isolée" ou "dans un quartier urbain enclavé", les habitants sont confrontés aux mêmes difficultés "à trouver un emploi, à accéder aux services publics, à se loger, à se déplacer et à se soigner".
A ces fragilités s'ajoutent les impacts du changement climatique, accélérateur d'inégalités au détriment des plus pauvres.
"Rééquilibrage territorial"
Estimant que la "ségrégation et l'éloignement des services" ont été les "ressorts communs" des émeutes de 2023 et de la crise des "gilets jaunes" de 2018, le rapport préconise de réaffirmer comme "priorité nationale" la lutte contre la ségrégation socio-spatiale afin qu'aucun territoire ne soit laissé en marge.
Un "comité interministériel d'aménagement du territoire, placé auprès du Premier ministre" devra "porter une politique nationale de rééquilibrage territorial et d'anticipation des conséquences territoriales du changement climatique".
Ce comité devra élaborer un "plan national interministériel de mobilisation en faveur des quartiers prioritaires" garant du "déploiement des politiques de droit commun", ainsi qu'un "plan national interministériel de mobilisation en faveur des territoires fragilisés".
Autre enseignement clé : la "nécessité de poursuivre une politique de renouvellement urbain résiliente centrée sur les quartiers prioritaires", puisque "les QPV plongent s'ils ne sont pas accompagnés".
Les auteurs jugent toutefois pertinent d'élargir cette politique publique qui a "fait ses preuves" à d'autres territoires fragiles ou risquant de l'être.
Pour éviter "un trou d'air" dans les programmes Anru, la mission préconise par ailleurs le lancement dès 2025 d'un programme national de renouvellement urbain, "avec pour objectif la lutte contre la ségrégation urbaine et la résilience territoriale" en ciblant les quartiers prioritaires "les plus vulnérables".
Ce programme inaugurera "une nouvelle génération de programmes récurrents".
Le ministère de l'Aménagement du territoire indique cependant que "la réflexion pour construire une nouvelle stratégie d'aménagement du territoire autour des enjeux de renouvellement urbain démarre et va se poursuivre sur 2025".
Un "état des lieux des projets à 2026" du NPNRU sera par ailleurs commandé à une mission indépendante.
Le rapport appelle aussi à une "simplification" des interventions, à une co-construction des projets avec les habitants, ainsi qu'à une évolution des financements mobilisant des acteurs privés et des fonds européens.
Concernant l'élargissement des interventions de l'Anru hors quartiers prioritaires, les auteurs citent les "territoires en déprise" (en déclin démographique et économique), comme "le tissu pavillonnaire du périurbain" ainsi que les territoires confrontés aux conséquences du changement climatique, notamment le recul du trait de côte.
Reste que cette politique de renouvellement urbain ne pourra pas "produire complètement ses effets" sans mobilisation des politiques de droit commun en matière "de sécurité, d'éducation, d'emploi, de santé, et d'accès aux services publics et à la culture", préviennent les auteurs.
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