"Le quoi qu'il en coûte, auquel je m'étais engagé dès mars 2020, nous a permis de protéger nos entreprises, nos emplois", mais aussi de "préserver le pouvoir d'achat de nombre de Français et est à l'origine d'un vigoureux rebond" de la croissance, a estimé le chef de l’État au cours d'une allocution aux Français.
Cette croissance à 6% place la France "en tête des grandes économies européennes", a déclaré Emmanuel Macron,
Le gouvernement, qui tablait jusque-là sur une croissance de 5% cette année, s'aligne ainsi sur les prévisions de la Commission européenne et de l'Insee qui avaient indiqué toutes deux la semaine dernière tabler sur 6%.
En revanche, la Banque de France prévoit une croissance légèrement inférieure, de 5,75% pour l'ensemble de l'année 2021.
Pass sanitaire contre confinement: le pari économique du gouvernement
Un été avec une activité touristique un peu pénalisée, mais une rentrée moins risquée: c'est le pari économique de l'exécutif qui espère endiguer la 4e vague naissante et éviter des mesures plus contraignantes à l'automne, potentiellement terribles pour l'économie française.
En annonçant lundi soir l'extension prochaine du pass sanitaire aux clients et salariés de nombreux lieux recevant du public -restaurants, cafés, centres commerciaux, transports, etc.- Emmanuel Macron a fait le choix d'une mesure forte pour inciter les Français réticents à se faire vacciner contre le Covid-19.
L'espoir de l'exécutif est qu'en augmentant l'immunité collective, il puisse éviter d'imposer des mesures de restrictions similaires à celles subies lors des précédentes vagues épidémiques.
"Si l'effet d'incitation à la vaccination est bien là, à la fois ça va un peu peser sur la consommation touristique (restauration, hébergement, consommation culturelle, transport) et en même temps permettre probablement d'être plus résistant à l'automne", souligne Emmanuel Jessua, économiste à l'institut Rexecode.
D'ailleurs, le chef de l'Etat a affiché sa confiance dans la reprise économique, en relevant à 6% (contre 5% précédemment) la prévision de croissance pour la France cette année.
L'Insee et la Commission européenne avaient fait de même récemment.
Il s'est même projeté loin dans l'avenir en annonçant un plan d'investissement pour "bâtir la France de 2030", l'application de la réforme de l'assurance-chômage au 1er octobre et la reprise des discussions sur la réforme des retraites.
"La reprise est plus forte que prévue. Les chiffres de consommation sont plus élevés que prévus", a insisté mardi matin le ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur Franceinfo.
"La seule chose désormais qui peut nous empêcher d'atteindre ces 6% (...), c'est le retour brutal et massif de la pandémie et de ses conséquences sur l'économie", par exemple "l'enfer des fermetures administratives pour tous", a-t-il insisté.
Le premier confinement du printemps 2020 avait mis l'économie à l'arrêt avec une baisse de 30% de l'activité, et l'impact de celui de novembre 2020 avait été moindre mais encore très important (-8% d'activité), certains secteurs dans l'industrie et la construction s'étant adaptés aux restrictions sanitaires.
"Bâtir la France de 2030"
Le président de la République a également annoncé le lancement à la rentrée d'un nouveau plan d'investissement, après le plan de relance de 100 milliards d'euros décidé en septembre dernier.
Ce nouveau plan interviendra "après le travail et les consultations en cours".
"Nous déciderons d'un plan d'investissement qui visera un objectif: bâtir la France de 2030 et faire émerger dans notre pays et en Europe les champions de demain qui, dans les domaines du numérique, de l'industrie verte, des biotechnologies ou encore dans l'agriculture, dessineront notre avenir", a-t-il déclaré.
Emmanuel Macron avait déjà évoqué fin avril "un deuxième temps de la relance", alors que 40 milliards d'euros du premier plan ont pour l'heure été mobilisés sur l'enveloppe totale de 100 milliards.
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait également, en juin, jugé "utile de réfléchir" à des "investissements complémentaires" du plan de relance, citant notamment la filière "hydrogène", les "batteries électriques", "le cloud", "l'espace" et "l'investissement dans les compétences" et la "formation".
Objectif: aller vers le plein emploi
Emmanuel Macron a affirmé que l'emploi avait "résisté" pendant la pandémie, en mettant en avant la création de 187.000 emplois en mai, même si 300.000 emplois ont été détruits depuis le début de l'année.
"La priorité de l'été et de l'automne est de retrouver non seulement le niveau d'emploi d'avant l'épidémie, mais aussi de nous réinscrire dans une trajectoire de plein emploi", a estimé le chef de l'État.
En mai, "nous avons atteint un nombre de contrats à durée indéterminée créés inédit, égalant notre record de 2006 dans tous les secteurs qui, comme la culture, l'hôtellerie, la restauration, le sport, le tourisme, ont le plus souffert", où les plans de soutien "ont permis d'empêcher les drames humains, les faillites et d'envisager une reprise sereine", a poursuivi M. Macron.
"Nous restons pleinement mobilisés pour aider ceux qui ont subi la crise plus fortement que d'autres, les salariés travaillant dans les entreprises qui n'ont pas résisté, où les jeunes comme les indépendants qui, durant cette période, sont malheureusement tombés dans la pauvreté", a-t-il déclaré.
La réforme de l'assurance-chômage "pleinement mise en œuvre" le 1er octobre, confirme Macron
Emmanuel Macron a assuré lundi que la réforme contestée de l'assurance-chômage, dont certaines dispositions ont été suspendues par le Conseil d’État, serait "pleinement mise en œuvre dès le 1er octobre".
Cette entrée en vigueur correspond à une "volonté simple", a-t-il résumé: "on doit toujours bien mieux gagner sa vie en travaillant qu'en restant chez soi, ce qui n'est actuellement pas toujours le cas".
Le juge des référés du Conseil d’État avait estimé fin juin que les "incertitudes sur la situation économique" ne permettaient pas de mettre en place au 1er juillet les nouvelles règles rendant moins favorable l'indemnisation du chômage des salariés ayant alterné contrats courts et inactivité.
Les règles actuelles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont en conséquence été prolongées jusqu'à la fin septembre.
Le gouvernement avait cependant immédiatement indiqué que son ambition restait "inchangée" et rappelé que le Conseil d’État n'avait pas remis en cause la réforme sur le fond.
"Nous allons continuer d'investir dans la formation tout au long de la vie dès cette rentrée, nous formons durablement plus de demandeurs d'emploi qu'il y a 4 ans mais ce n'est pas encore assez et j'ai demandé au gouvernement, dès cette rentrée, de lancer un plan massif de formation et de requalification des chômeurs de longue durée", a par ailleurs annoncé le président de la République dans son allocution télévisée.
Chômage, retraites: réactions syndicales et patronales aux annonces de Macron
Voici des réactions dans le monde syndical et patronal après les annonces d'Emmanuel Macron lundi concernant la réforme des retraites et celle de l'assurance chômage.
CGT :
"Le président de la République n'écoute que lui. Il parle de concertation sur les retraites mais il annonce déjà qu'il faudra travailler plus", dénonce le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, dans une interview au Parisien.
"Qu'est-ce que vous voulez qu'on aille discuter avec le gouvernement? Sur la réforme de l'assurance chômage, il considère que la décision du Conseil d'État de reporter une partie de la réforme est un accident de parcours. Voilà, il est égal à lui-même, il recommence comme avant".
Force ouvrière :
"Le président a confirmé son intention d'imposer la réforme de l'assurance chômage et de ne pas abandonner le projet de réforme des retraites", écrit FO dans un communiqué, estimant que ce n'est "ni justifié, ni le moment".
"FO conteste le bien-fondé de la réforme de l'assurance chômage" dont elle dénonce "l'injustice à l'égard des travailleurs les plus précaires", comme "le bien-fondé de la mise en cause du système de retraite et l'inéluctabilité du recul de l'âge de la retraite".
CFDT :
"La réforme (des retraites) est clairement renvoyée à après la présidentielle. C'est une décision de sagesse", a estimé mardi sur France 2 Laurent Berger, secrétaire général de la confédération.
"C'était très clair, on l'avait dit, il n'y a aucune voie de passage à l'automne pour une réforme sur les retraites. D'abord il faudrait qu'on discute (...). Cela marque le début de la campagne présidentielle sans doute".
En revanche, l'annonce de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage au 1er octobre n'est pas "loyale", a jugé M. Berger.
"On a vu le président de la République récemment, on a vu aussi la ministre du Travail. Aucun n'a dit que ce serait appliqué à cette date", a-t-il déclaré.
"Il est toujours bon dans une allocution de taper sur les chômeurs en faisant croire qu'ils touchent plus en étant au chômage qu'en emploi. Donc il y a un petit brin de populisme dans ce qui a été dit hier".
"Le Conseil d'Etat doit encore se prononcer au fond sur cette réforme pour voir si elle est conforme. Et nous le redisons, cette réforme est injuste".
CFE-CGC :
"On a un peu l'impression qu'Emmanuel Macron finalement fait un discours à l'équivalent de son discours de campagne de 2016, comme si rien ne s'était passé en cinq ans", a affirmé le président de la CFE-CGC, François Hommeril, sur RTL. "Quand le président nous dit, presque la larme à l'oeil, +je ne veux pas de gens qui aient une retraite inférieure à 1.000 euros+, moi je pense qu'on peut être d'accord avec lui. Mais est ce que la problématique ce n'est pas justement des gens qui, dans leur vie de travail, n'ont pas suffisamment de quoi vivre?"
Solidaires :
"Macron nous annonce, en termes elliptiques, qu'il va continuer de dérouler sa politique de casse sociale à court ou moyen terme", écrit Solidaires dans un communiqué. (...) "L'Union syndicale appelle dès à présent à construire une rentrée sociale à la hauteur des attaques en préparation contre le monde du travail".
Medef :
La position du président de la République sur les retraites était "la position qu'on avait adoptée", a relevé le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, sur LCI lundi.
"Autant il faudra réformer le système de retraites, il faudra allonger la durée du travail, - il faudra le faire intelligemment -, autant on ne peut pas le faire dans un climat terriblement anxiogène comme aujourd'hui. Et le président a mis deux conditions, la fin de l'épidémie et le succès de la relance, je crois qu'on est assez d'accord avec ça et en creux, je pense que ça veut dire que ça va être difficile de le faire sur 2021 et que c'est un débat de 2022".