En annonçant début juillet son intention de recréer un Haut-commissariat au plan, en vigueur de 1946 à 2006, pour "rééclairer l'action publique d'une vision de long terme", le Premier ministre Jean Castex n'avait pas exclu d'en confier les rênes au patron du MoDem. "Pourquoi pas!" avait-il lancé en souriant.
Deux mois plus tard, sa nomination doit être entérinée par décret jeudi en Conseil des ministres. Emmanuel Macron l'a confirmée vendredi dernier, saluant "l'expérience" de l'ancien ministre, "grand responsable politique" et "européen convaincu".
Quelques jours plus tôt, François Bayrou, 69 ans, s'était déjà dit "prêt" dans une interview accordée à la République des Pyrénées, dans laquelle il avait esquissé ses objectifs.
"Ce qui est vital doit être protégé. Encore faut-il déterminer ce qui est vital et imposer aux décideurs et à l'opinion publique de se saisir des problèmes qui méritent une réponse à 10, 20 ou 30 ans et non pour 10, 20 ou 30 jours", a expliqué le maire de Pau qui sera finalement rattaché à Matignon, et non à l'Elysée, sachant que c'est Emmanuel Macron qui signera sa lettre de mission.
Il est "la bonne personne pour analyser les faiblesses du pays et le projeter dans l'avenir", assure le chef de file du groupe MoDem de l'Assemblée Patrick Mignola selon qui "la planification" est l'un des combats du leader centriste qui en parlait déjà avec Michel Rocard, ministre du Plan entre 1981 et 1983.
La nomination de François Bayrou intervient après sa mise en examen le 6 décembre dernier dans l'affaire des emplois présumés fictifs de son parti, qui semblait sonner le glas d'un retour au premier plan pour un homme longtemps présenté comme premier-ministrable.
Au début du quinquennat, le leader centriste avait dû jeter l'éponge après 34 jours au gouvernement comme garde des Sceaux en raison de l'ouverture d'une enquête préliminaire dans cette même affaire.
"Utiliser ses compétences"
"Cette nomination, c'est une façon d'utiliser ses compétences, sa vision en dehors du gouvernement" où il est "empêché", estime Patrick Mignola. "C'est une façon de l'impliquer dans la marche du pays et, parce qu'il a une surface politique, ses observations seront plus entendues".
Cette fois, il n'était pas question pour lui de rester sur le quai, dans la dernière ligne droite du quinquennat.
Car entre-temps, le MoDem, autrefois force d'appoint, est devenu un allié incontournable de La République en marche qui a perdu la majorité absolue à l'Assemblée.
Depuis la présidentielle, où François Bayrou a apporté un soutien décisif à la victoire du candidat Macron, le leader centriste n'est jamais revenu sur son engagement, même s'il s'est parfois montré critique sur certains choix gouvernementaux.
Fils d'agriculteur, natif de Bordères (Pyrénées-Atlantiques), catholique et laïc, fin lettré et auteur d'une biographie remarquée d'Henri IV, François Bayrou est entré en politique après son agrégation de lettres dans les années 70.
Certains de ses compagnons de route lui reprochent son manque d'esprit d'équipe, son ambition et son orgueil. Beaucoup lui reconnaissent son obstination, comme celle d'ailleurs qu'il a mise à vaincre son bégaiement survenu enfant.
Une gifle administrée à un enfant de Strasbourg qui tentait de lui faire les poches avait valu un regain de popularité à l'ex-ministre de l'Éducation (1993-1997) lors de sa première tentative élyséenne en 2002 (6,8%). Mais son meilleur score (18,6%), le leader centriste l'a réalisé en 2007, sans toutefois se qualifier pour le second tour.
Son refus de soutenir Nicolas Sarkozy a entraîné alors le départ de la plupart de ses soutiens. M. Bayrou n'a ensuite eu de cesse de pourfendre cet "enfant barbare", au point d'annoncer son soutien à François Hollande dans l'entre-deux-tours de 2012, après un score décevant au premier (9,1%).
Il a ensuite confié sa déception vis-à-vis du président socialiste ressentie "dès la première seconde de son investiture".