"A l'arrêt", "éclipsée", perçue comme une "variable d'ajustement": la formation professionnelle n'a pas été une priorité dans les entreprises pendant la crise du Covid-19, montre le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) dans une étude parue en juillet et portant sur l'année 2020 (*).
"Les responsables interviewés ont déclaré que tenir à flot l'activité et éviter de licencier a été leur première préoccupation, former étant passé au second plan", constate le Cereq. Dans les trois quarts des entreprises interrogées, le plan de formation "a été mis entre parenthèses".
Le Cereq relativise l'impact des mesures de soutien décidées par les pouvoirs publics.
Le dispositif d'activité partielle devait notamment permettre aux entreprises de faire face à une réduction d'activité en réduisant le temps de travail de leurs salariés et en les formant sur les heures non travaillées grâce à l'aide pour la formation du Fonds national pour l'emploi (FNE-Formation).
Or, l'étude estime que "fin 2020, 16% des entreprises du secteur privé de plus de dix salariés ont accédé à la formation, et pour seulement 6% d'entre eux cela a pu être le cas grâce à une convention FNE-Formation".
Apprentissage à distance
L'étude distingue, d'une part, "les entreprises en pleine croissance pendant la crise (où) l'urgence était de fixer à leur poste les personnels afin de garantir les volumes de production pour satisfaire la demande". "Pour notre plan de formation, l'année 2020, c'est une catastrophe (...) On a tous été très occupés pendant le confinement (...) et on n'a pas eu le temps pour former", témoigne auprès du Cereq le DRH d'un gros producteur de farine.
D'autre part, il y a les entreprises "frappées par la récession, les plus nombreuses, (où) le gel de leur plan annuel de formation a été la conséquence des fermetures administratives ou du fort ralentissement des affaires". Pour le responsable d'une société de commerce de détail contrainte à la fermeture pendant le confinement, "la crise pourrait être une opportunité, après, le souci ce sont les moyens".
Pour maintenir une formation continue en dépit des circonstances, des entreprises ont encouragé les apprentissages à distance. "On voulait faire du chômage technique un moment positif pour nos commerciaux qui en ont profité pour se former", explique ainsi le DRH d'une entreprise de transformation charcutière.
Le Cereq souligne à ce propos que "la question du coût des apprentissages en ligne, lié à l'achat d'équipements informatiques pour les personnels, a été (...) un frein à leur mise en oeuvre, surtout dans les TPE/PME" (très petites et moyennes entreprises).
Pourtant, selon la Fédération de la formation professionnelle (FFP), "les investissements en compétences sont plus que jamais nécessaires afin d'anticiper la reprise économique".
"Il y a un investissement fort sur la formation" parmi les priorités du second semestre 2021, confirme l'Association nationale des DRH (ANDRH).
Selon des chiffres du ministère du Travail, 8.594 dossiers de formation ont été déposés en moyenne par jour en mars 2021 contre 4.548 en juillet 2020.
Un "plan plus global" sur la formation pour apaiser les tensions sur le recrutement dans de nombreux secteurs est au menu des rencontres organisées entre le Premier ministre Jean Castex et les partenaires sociaux jusqu'à vendredi à Matignon.
(*)https://www.cereq.fr/en-2020-la-crise-sanitaire-met-larret-la-formation-en-entreprise.
La formation professionnelle doit "accompagner les transitions" (FFP)
La secteur de la formation professionnelle a été "réactif" pendant la crise sanitaire et doit désormais "accompagner les transitions" vers les métiers d'avenir, insiste Pierre Courbebaisse, président de la Fédération de la formation professionnelle (FFP).
Question : Quel a été l'impact de la crise sanitaire sur la formation professionnelle ?
Réponse : "L'ampleur et la soudaineté de la crise, qui a été massive, n'ont pas arrangé les choses pour faire des plans de formation. De gros efforts ont été faits. Il y a eu la prime pour débloquer ou maintenir l'offre en contrats d'apprentissage. Le dispositif du Fonds national pour l'emploi FNE-Formation pour aider les salariés en activité partielle a eu un succès relatif: on n'a pas la même culture qu'en Allemagne où on fait de la formation quand on est en période de chômage, notamment en activité partielle. Il faut que ces mesures soient simples d'accès pour les entreprises, ce qui n'est pas toujours le cas."
Q : La mise en place d'outils de formation à distance est-elle durable ?
R : "L'activité des organismes de formation, que cela concerne l'apprentissage, les demandeurs d'emploi ou les salariés, a retrouvé son niveau d'avant la crise après une chute de 30% en moyenne. Le secteur a été très réactif et s'est déployé en formation distancielle. On s'inscrit dans une accélération de ce "digital learning". Mais vous ne pouvez pas tout faire à distance. L'avenir est aux formations hybrides."
Q : En quoi la formation professionnelle peut être un pilier de la relance ?
R : "La formation doit accompagner les transitions, aussi bien la transformation numérique, l'exigence de nouvelles compétences de plus en plus diversifiées, que la transformation écologique, avec l'arrivée de nouveaux métiers dans les économies d'énergie par exemple. L'enjeu est aussi d'accompagner les secteurs en pénurie de main d'oeuvre."