La nouvelle direction chargée de mener le plan de transformation d'Orpea a promis de faire des équipes sa "première priorité" afin de renforcer la qualité des soins aux résidents et de "restaurer la confiance" dans le groupe d'Ehpad privés, dont l'image a été sérieusement écornée par les révélations du livre "Les Fossoyeurs".
Publiée en janvier 2022, cette enquête du journaliste Victor Castanet dénonçait une maltraitance des résidents, des manquements dans la gestion du personnel et un usage abusif des fonds publics. Depuis, le groupe et d'anciens dirigeants font l'objet de poursuites judiciaires.
Orpea, qui emploie 76.000 salariés dont 28.000 en France, dit avoir dans un premier temps rétabli un dialogue social, inexistant auparavant. "On peut échanger avec les directions régionales et nationales, avoir des avis différents, tous les sujets sont abordés", des conditions de travail aux préventions des risques, confirme auprès de l'AFP Laurent Duchemin, délégué syndical UNSA Orpea.
Ce rétablissement du dialogue a permis d'aboutir l'été dernier à un accord social prévoyant des mesures en faveur des salariés, une première en 15 ans. Augmentation de 3 à 7% des salaires, instauration progressive du versement d'un 13ème mois, mise à disposition de chèques restaurants, nouvelle mutuelle : "il fallait revaloriser les métiers", souligne Laurent Guillot, directeur général du groupe qui gère 350 établissements en France, arrivé après le scandale.
Sous-effectif
L'ensemble des syndicats interrogés par l'AFP saluent ces avancées sociales. Ils dénoncent toutefois un quotidien toujours difficile pour les salariés, du fait du manque de personnel.
"Les conditions de travail ne sont pas optimales, il y a eu recours cet été à beaucoup d'intérimaires pour soulager les équipes mais on ne peut pas travailler qu'avec des intérimaires" qu'il faut systématiquement former, commente auprès de l'AFP Véronique Ligout, déléguée syndicale CFDT Orpea. Le groupe a certes "la volonté de recruter mais il y a une pénurie de soignants partout".
Outre les Ehpad, les structures dédiées aux personnes handicapées et les hôpitaux subissent un manque criant de soignants et peinent à recruter.
Orpea dit avoir embauché 600 CDI par mois depuis septembre. Le taux de salariés en CDI a augmenté de 5 points à 85%. Et le groupe compte "fidéliser" ses collaborateurs en investissant dans la formation continue et la promotion interne.
"Il y a des recrutements, mais il y a aussi des gens qui partent en raison des conditions de travail en sous-effectif", observe auprès de l'AFP Moïse Audiau, représentant syndical FO à Orpea.
Aide-soignant, il travaille de nuit dans un établissement de Nantes: "on se retrouve souvent à trois au lieu de quatre, ce qui fait qu'on ne peut pas prendre nos pauses, c'est fatiguant".
"Attractivité"
Pour remédier au problème de manque de personnel, "il faut s'attaquer à la base, c'est-à-dire à l'attractivité du salaire, quelque chose qui donnera envie de rester", dit à l'AFP une déléguée syndicale CGT Orpea, qui veut rester anonyme.
"Maintenant que la Caisse des dépôts est entrée au capital d'Orpea, il faut donner des moyens pour que les salariés puissent avancer et continuer leur métier de soignant dans de bonnes conditions", insiste-t-elle.
En difficultés financières, Orpea est passé en décembre sous le contrôle d'un groupement mené par la Caisse des dépôts, bras financier de l'Etat, dans le cadre d'une procédure qui doit lui permettre de retrouver l'équilibre financier.
Cette opération doit permettre au groupe présent dans une vingtaine de pays de "poursuivre et d'accélérer" sa transformation, a précisé son directeur général.
Orpea, qui prévoit de changer de nom pour marquer la rupture avec le passé, compte travailler encore sur les problématiques liées aux ressources humaines.
Pour Françoise Gobled, vice-présidente de la Fédération nationale des associations et amis de personnes âgées, "Orpea essaie à présent de fonctionner comme les Ehpad traditionnels. Mais ils font face aux mêmes difficultés que les autres".