Avec l'évolution de la réglementation en 2023 et l'obligation pour le propriétaire bailleur de fournir un DPE (diagnostic de performance énergétique) lors d'une mise en location, on constate déjà plusieurs effets sur le marché immobilier :
- Une augmentation de la mise en vente de passoires thermiques
- Un surcoût potentiel pour le propriétaire déjà intégré dans le prix des maisons individuelles à l’échelle nationale, avec des prix en baisse à mesure que le DPE se dégrade : ainsi, le prix au m² des maisons individuelles de DPE F ou G est inférieur de 23% en moyenne à celui des maisons de DPE A ou B, soit un différentiel moyen de 950 €/m2
- Une tension importante du marché parisien qui empêche l’impact à la baisse d’un mauvais DPE sur les prix, ce qui crée une situation inégalitaire
- Aménager les normes HCSF pour favoriser les travaux d’efficacité énergétique : un complément salutaire aux aides à la rénovation
Une augmentation significative de la part de passoires thermiques mises en vente depuis le deuxième trimestre 2022, s'élevant à 17% au premier trimestre 2023 :
D’après les données Pretto (6755 dossiers envoyés en banque depuis le deuxième trimestre 2022), la part de DPE F et G dans les transactions est passée de 15% des dossiers au second trimestre 2022 à 17% au premier trimestre 2023, après un pic à près de 20% au troisième trimestre 2022, juste avant les évolutions intervenues au 1er janvier 2023 via la Loi Climat et Résilience.
Cette dernière a donc poussé certains propriétaires à mettre en vente leurs biens considérés comme des passoires thermiques pour éviter les nouvelles contraintes réglementaires réalisation d’audit énergétique, interdiction progressive de mise en location), qui allaient inévitablement entraîner des coûts supplémentaires relatifs à la réalisation de travaux de rénovation énergétique.
Un surcoût potentiel pour le propriétaire déjà intégré dans la valeur des maisons individuelles à l'échelle nationale, avec des prix en baisse à mesure que le DPE se dégrade
Reflet des surcoûts potentiels à venir pour le propriétaire, le prix moyen au m² des maisons à l’échelle nationale diminue à mesure que le DPE se dégrade. En effet, impliquant une facture énergétique plus lourde, un mauvais DPE doit occasionner des travaux de rénovation énergétique ce qui rend le bien moins attractif et donc plus négociable. Ainsi, depuis mars 2022, le prix au m² moyen des maisons de DPE F ou G constaté par Pretto est inférieur de 23% à celui des maisons de DPE A ou B, soit un différentiel de 950 €/m² entre un bien disposant d’un DPE A et celui avec un DPE G.
Des passoires thermiques achetées principalement par les acquéreurs les plus modestes
Étant plus attractives en termes de prix, nous constatons que les passoires thermiques sont achetées par des acquéreurs plus modestes. En effet, les acquéreurs de maisons individuelles de DPE F ou G ont en moyenne des revenus inférieurs de 21% à ceux qui achètent des maisons de DPE A ou B, les premiers gagnant 68k€ contre 86k€ en moyenne pour les derniers. De plus, leur épargne totale est en moyenne inférieure de 23%, avec 127k contre 166k€ en moyenne, et leur apport de 37%, avec 87k€ contre 138k€ euros en moyenne.
Cet effet prix est par ailleurs renforcé par le fait que les plus petites surfaces, vers lesquelles les ménages les plus modestes se tournent plus naturellement, ont mécaniquement de moins bons DPE. En effet, le mode de calcul basé sur le ratio entre surface déperditive et surface chauffée pénalise les petites surfaces.
Ainsi, depuis mars 2022, Pretto constate que près de 25% des maisons individuelles de moins de 100m² ont un DPE F ou G alors qu’elles sont à peine 10% au-delà de 150m².
Si un DPE moins bon présente l'inconvénient d'une facture énergétique élevée, il représente aussi une opportunité financière attractive, avec une valorisation future possible du bien grâce à la réalisation de travaux de rénovation énergétique, pouvant de plus bénéficier d’aides de l’Etat.
Le sondage mené par Pretto avec Yougov et publié le 2 mai dernier relevait d’ailleurs que 32% des 18-34 ans, une population dotée d’un pouvoir d’achat modeste, sont favorables à l’achat d’un bien plus ancien avec travaux quand 13% se disent prêts à acheter un bien énergivore mais moins cher. A noter également que plus d’un jeune sur deux envisagerait d’acheter un bien immobilier nécessitant une rénovation énergétique, soit 55% du panel. Un chiffre qui atteint les 71% chez ceux qui envisagent d'acheter dans les 12 prochains mois.
A Paris, une tension importante du marché empêchant la différenciation des prix en fonction du DPE et créant ainsi une situation inégalitaire
En revanche, le marché parisien ne présente pas la même corrélation entre prix du bien et performance énergétique. En effet le DPE n’a pas d’impact sur le prix au m² des appartements parisiens, ce dernier étant stable autour de 10.000€/m2 quel que soit le DPE, constate Pretto depuis mars 2022. La tension sur le marché de l’immobilier parisien, avec la rareté des biens disponibles qu’elle implique, minimise l’importance du DPE au profit des autres critères de recherche.
Comme à l’échelle nationale, les acquéreurs parisiens de passoires thermiques sont ceux disposant des budgets les plus faibles. Ils présentent ainsi des revenus inférieurs de 28% en moyenne à ceux des acquéreurs de biens A à D, avec 70k€ contre 98k€ en moyenne, (les biens A et B étant rares à Paris) et disposent d’un apport inférieur de 41%, avec 101k€ contre 171k€ en moyenne. Leur montant d’épargne affiche pour sa part un différentiel de 33% en moyenne, avec 151k€ contre 227k€ en moyenne.
A Paris, ces ménages à faible budget qui se tournent naturellement vers des surfaces plus petites ont donc de mauvais DPE, sans bénéfice financier matérialisé sur le prix du bien, mais avec des obligations réglementaires de plus en plus importantes, ce qui crée une situation hautement inégalitaire.
Aménager les normes HCSF pour les travaux d'efficacité énergétique, un complément salutaire aux aides à la rénovation
Devant cette situation inégalitaire et pour encourager les travaux de rénovation énergétique dans les maisons individuelles partout en France, nous appelons à aménager les normes HCSF pour les biens de haute performance énergétique ou les projets d’acquisition incluant des travaux de rénovation énergétique.
En effet, ceux-ci valorisent non seulement le bien mais permettent également d'assurer la liquidité de l’actif dans un contexte de restrictions imposées par la loi Climat et Résilience tout en réduisant au quotidien la facture énergétique, ce qui augmente efficacement le reste à vivre. Une mesure qui prend tout son sens dans un contexte de forte inflation des coûts de l’énergie.
Emprunter davantage pour financer des travaux de rénovation énergétique permettrait des économies sur la facture de dépenses énergétiques de l’ordre de 30% libérant ainsi 3 points de revenus disponibles pour les ménages les plus modestes. qui consacrent aujourd’hui près de 10% de leur budget à leur chauffage. Et ce en maintenant le reste à vivre à un niveau identique, ce qui annule donc le risque potentiel généré par un un niveau d’endettement plus élevé.
Une démarche bien comprise par les Millenials, le sondage mené par Pretto avec Yougov révèle une solide connaissance des dispositifs d'aide mis à disposition des particuliers. Plus de deux tiers des jeunes français en connaissent au moins un pour les rénovations énergétiques. Un niveau de connaissance qui s’élève à 86% pour la population des intentionnistes qui envisagent un achat immobilier dans les 12 prochains mois. A l’évidence un projet immobilier s’accompagne pour ces Français d’une recherche d'optimisation budgétaire au moyen notamment des dispositifs incitatifs.
D’un point de vue technique, cet assouplissement ciblé pourrait être réalisé en ajoutant une part de dérogation supplémentaire aux 35% d’endettement réservée aux projets incluant des travaux de rénovation énergétique.
A l’heure où les financements publics sont contraints, flécher l’investissement privé vers la rénovation énergétique grâce au crédit immobilier nous semble être une mesure efficace et vertueuse adaptée aux défis qui s’imposent à tous.