Il va proposer aux candidats à la présidentielle la création d'"un secrétariat d'État à l'apprentissage".
QUESTION: 718.000 nouveaux apprentis en 2021, une hausse de 37% après 42% en 2020... Y voyez-vous une "révolution culturelle" et une "réussite" du quinquennat comme la ministre du Travail, Élisabeth Borne ?
REPONSE: "Les chiffres sont très bons, il y a une révolution de l'image de l'apprentissage parce qu'on en a beaucoup parlé depuis la réforme de 2018. Celle-ci a facilité l'accès des jeunes à l'apprentissage, surtout dans le supérieur qui représente aujourd'hui plus de 60% des contrats.
Cela évite aux jeunes des frais de formation coûteux et permet de mettre un pied dans l'entreprise. Pour les entreprises, c'est très avantageux, ça leur fait un pré-recrutement, par exemple d'un ingénieur en cours de formation à un salaire très faible comparé au salaire une fois diplômé.
Surtout, depuis la réforme, les écoles sont assurées de toucher un financement pour chaque contrat signé. Cela explique l'augmentation très forte dans le supérieur: les écoles n'ont plus besoin, pour ouvrir un CFA (centre de formation d'apprentis), d'avoir l'aval des régions, qui en craignaient le coût. Il y a cependant des abus de certaines écoles, dans le commerce ou la communication, qui font payer des frais de scolarité alors que c'est illégal car le jeune est salarié de l'entreprise qui l'envoie en formation.
Mais ce qui manque dans le supérieur, ce sont des parcours complets d'apprentissage, du collège au Bac+5. Les écoles sélectionnent les jeunes venant des classes prépa plutôt que des apprentis en BTS. Pour l'ouverture sociale des écoles, il faudrait qu'elles cherchent des jeunes qui ont tout fait en apprentissage.
Q: L'autre explication de ce boom, ce sont les aides décidées pendant la crise, qui rendent le recrutement d'un apprenti quasi-gratuit. Demandez-vous leur prolongation au-delà du 30 juin ?
R: On peut espérer que ces aides, en plus d'avoir sauvé l'apprentissage pendant la crise, ont convaincu des employeurs.
Mais on n'est pas pour leur prolongation car il est important que l'employeur ait conscience du coût d'un apprenti, c'est un salarié qui doit être considéré comme tel. Sinon, les entretiens d'embauche sont très légers, avec le risque que l'employeur se rende compte ensuite que ça ne va pas et décide de rompre le contrat.
Nous souhaitons que le maximum d'efforts soient concentrés sur les niveaux bac et infra-bac, parce que c'est là que la plus-value de l'apprentissage sur l'insertion dans l'emploi est la plus forte.
Q: Il reste des problèmes à régler?
R: Le taux de rupture de contrats demeure élevé aux niveaux bac et infrabac. Dans certains métiers comme la restauration, il est de 40%. Il y a les conditions de travail, le maître d'apprentissage qui est souvent le patron et n'a pas forcément le temps d'accompagner l'apprenti, etc. L'apprenti a six mois pour retrouver un contrat avec l'aide de son CFA mais, en attendant, il perd son salaire.
Ensuite, les aides aux apprentis pour se loger, se restaurer et s'équiper ont diminué. Avant la réforme, les régions donnaient les aides directement à tous les apprentis pour qu'ils puissent acheter leur caisse à outils ou leur ordinateur. Maintenant les aides passent par le CFA. Si un petit CFA n'a pas de restaurant, le jeune ne touche rien pour son repas. Tout le monde est au courant mais rien ne bouge.
Enfin, il faut une réforme de l'orientation. Les régions ont reçu cette compétence pour organiser 54 heures de découverte des métiers au collège et au lycée. Mais la mise en oeuvre semble vraiment compliquée entre les régions et l'Éducation nationale.