La situation du secteur relève du constat plus que partagé. Toutes les commissions, comité et groupes de travail l’ont traité et tout se déroule comme annoncé. Dans le logement neuf, la crise est amorcée.
En glissement annuel sur trois mois à fin février 2023, les mises en chantier se replient 1,1%, dont -8,6% dans l’individuel, alors que le collectif, du fait de délais plus longs, s’inscrit encore en petite hausse de 4,4%. Cette crise va s’amplifier, puisque les permis s’effondrent de 26,7%, individuel et collectif étant aspirés dans le vortex des ventes passées. De plus, ces dernières continuent de s’effondrer. Celles des constructeurs de maisons individuelles, après -30,9% en 2022, ressortent encore à - 26,6% en glissement annuel sur deux mois à fin février 2023 ; quant à celles des promoteurs, l’accélération de leur chute est nette, avec -24,3% en glissement annuel au quatrième trimestre 2022 et des perspectives toujours mal orientées fin janvier 2023. On relève également une forte progression des annulations de ventes, sans doute sous l’effet de la contraction du marché du crédit, ce qui majore la chute.
Avec le scénario macro-économique et financier tendanciel, sans changement institutionnel, la chute des ventes de logements neufs se poursuivrait en 2023, avec -20% anticipé, avant une stabilisation à bas niveau en 2024. On constaterait alors un effondrement des mises en chantier à venir de 25% entre 2022 et 2025, pour tomber à 274.000 unités, comme en 1992, point bas de la crise du logement neuf des années 1990. Le recul à terme de l’activité du bâtiment dans le logement neuf serait de même ampleur, soit environ -25% hors effet prix.
Le non résidentiel neuf souffle le froid et le chaud. En glissement annuel sur trois mois à fin février 2023, les surfaces commencées chutent de 14,5%, pénalisées par les commerces et les locaux agricoles, qui perdent 7,5% chacun, mais surtout par les bâtiments industriels et assimilés, qui abandonnent 32,8%, il est vrai par rapport à un très haut niveau un an plus tôt. En revanche, les surfaces autorisées, soit les chantiers de demain et d’après-demain, accélèrent de 7,9%, tous les segments contribuant à ce mouvement hormis les commerces (-3,7%). On relèvera particulièrement l’étonnante santé des bureaux et l’accélération des bâtiments administratifs.
Sous les mêmes hypothèses que précédemment et en supposant un ZAN pas totalement bloquant, à l’horizon 2025, l’activité se maintiendrait à son niveau de 2022. De fait, la crise probable sur le segment des bureaux et locaux commerciaux se trouverait globalement compensée par la poursuite du redressement des bâtiments industriels et de stockage, voire des bâtiments administratifs.
Quant à l’activité en amélioration-entretien, elle affiche un petit tassement en glissement annuel sur le quatrième trimestre 2022, avec +1,8% en volume, dont seulement +1,4% pour la rénovation énergétique, contre respectivement +2,1% et +1,8% sur l’ensemble de l’année. De plus, les perspectives pour le début 2023 restent en-deçà de leur moyenne de long terme.
À l’horizon 2025, avec les mêmes éléments de contexte que précédemment, sans majoration des aides hors prise en compte de l’inflation et un marché du crédit contraint y compris sur ce champ, la FFB retient un scénario de croissance de l’activité à même rythme qu’au cours des dernières années, soit en moyenne +2% en volume par an.
Au global, la production du bâtiment reculerait de 4% en volume entre 2022 et 2025. Quant à l’emploi (salariés et intérimaires ETP), près de 100.000 postes seraient détruits dans le secteur à l’horizon 2024-2025.
Propositions FFB pour sortir de l’ornière
Pour pallier ce risque aujourd’hui très réel, la FFB ne peut que rappeler les mesures qu’elle propose depuis l’année dernière.
Tout d’abord, elle souhaite un assouplissement des règles du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) en matière de crédit immobilier sur lesquelles butent aujourd’hui les établissements distributeurs, et intégration du reste à vivre dans les règles de décision. Elle souhaite aussi un assouplissement du ZAN, au-moins dans la lignée de ce qui a été proposé au Sénat.
Concernant les marchés du logement neuf, la FFB formule tout d’abord deux demandes pour l’accession : le rétablissement du PTZ neuf à 40% en zones B2 et C, ainsi que la révision de ses barèmes et leur indexation par la suite, d’une part ; la mise en place d’un crédit d’impôt RE2020 sur les annuités d’emprunt, d’autre part. Ensuite, pour l’investissement locatif, compte tenu de l’effondrement du marché, il y a urgence à redéployer un dispositif au-moins aussi puissant que le « Pinel » version 2022. Cela permettra de poursuivre plus sereinement les échanges sur le statut du bailleur privé que la fédération appelle de ses vœux à moyen terme.
Enfin, pour permettre une véritable accélération de la transition écologique, la FFB demande que le budget alloué à MaPrimeRénov’ soit majoré d’un milliard d’euros chaque année pendant cinq ans de façon à accompagner le déploiement de la rénovation globale, en une fois ou par tranches. Elle souhaite également une simplification assez radicale avec la création d’un dossier unique demande pour MaPrimeRénov’ et les CEE. La FFB appelle aussi à la pérennisation du crédit d’impôt en faveur de la rénovation énergétique des locaux des TPE et PME, pour donner de la visibilité aux acteurs.
La FFB a soutenu ces mesures dans le cadre du CNR Logement. La FFB se réjouit d’en voir certaines reprises dans les documents des groupes de travail, notamment le statut du bailleur privé. En revanche, la FFB s’avoue très inquiète d’autres propositions, comme l’abandon de tout objectif chiffré national de construction de logement. Sans cet objectif, comment calibrer les aides ? Comment envisager une programmation, en particulier en matière de logement social ? Si les collectivités arrêtent seules des objectifs, comment garantir la cohésion nationale ? Quid du traitement des fractures territoriales ?
Les mesures que la FFB demande ont, certes, un coût et la fédération n’ignore pas le contexte tendu des finances publiques. Mais justement, lorsque le très officiel Compte du logement permet de constater qu’en solde net, le logement contribue pour plus de 50 milliards au budget de la Nation, niveau historique, il faut veiller à ne pas tuer la poule aux œufs d’or !
D’autant que le tassement des coûts et des prix du bâtiment observé depuis l’été relève du passé. De fait, les matériaux dont les prix avaient le plus vite progressé de la fin 2020 à juillet/août 2022 s’affichent en recul rapide depuis. Mais la crise de l’énergie est passée par là et les tuiles, les produits céramiques, le verre, les produits issus du ciment, etc. accélèrent nettement sur le début 2023. Par exemple, selon les données de l’Insee, le béton prêt à l’emploi (BPE) affiche +17,2% sur les deux premiers mois de l’année.
Les index BT, représentatifs des coûts du bâtiment, se redressent donc à nouveau. Et cela perdurera du fait des revalorisations salariales dans le bâtiment, dans un contexte de forte inflation qui se maintiendrait au-delà de 5% en 2023. Se pose alors une grande question : les clients pourront-il suivre, sans accompagnement complémentaire ? Ce qui renvoie aux propositions de la FFB.