En l'absence de majorité absolue au Palais Bourbon, l'arme constitutionnelle du 49.3 "sera activée assez vite", prévient une source ministérielle, afin de faire adopter sans vote le premier volet du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Dès la nuit de mardi ? Plutôt "à partir de mercredi", selon un conseiller.
Plus de 5.000 amendements ont été déposés sur cette première partie consacrée aux recettes de l'État. C'est un "record" pour ce volet, "ça rend l'examen impossible", juge le rapporteur général Jean-René Cazeneuve (Renaissance).
Comme l'an dernier, le gouvernement devrait au total recourir à dix reprises au 49.3 pour faire passer le budget de l'Etat (PLF) et celui de la Sécurité sociale (PLFSS) avant Noël, avec la possibilité de retenir ou d'écarter les amendements de son choix.
Les oppositions pourront répliquer par des motions de censure, aux chances de succès très faibles tant que les députés LR ne s'y associent pas. Le RN déposera "bien évidemment" la sienne, a prévenu Marine Le Pen mardi sur France 2, espérant un "sursaut de courage" des Républicains.
De son côté, la droite demande des baisses de dépenses plus drastiques. Dans un contre-budget présenté mardi, LR propose 25 milliards d'euros d'économies, plaidant notamment pour faire baisser de 6 milliards d'euros le montant de l'indemnisation du chômage.
L'examen en commission des Finances a donné un avant-goût des batailles à venir, avec une série de déconvenues pour les macronistes et un rejet du texte, qui pourraient inciter Elisabeth Borne à ne pas laisser les débats s'éterniser dans l'hémicycle.
"On a déjà eu 40 heures de débats en commission", a relativisé sur RFI le ministre des Relations avec le Parlement, Franck Riester, expliquant que le gouvernement "utilisera les moyens à (sa) disposition".
Les tensions se cristallisent notamment sur le sujet du logement. Nombre d'élus, y compris dans le camp présidentiel, s'alarment d'une "bombe sociale", entre le coût des locations et les difficultés qui s'amoncellent pour accéder aux crédits immobiliers, tant les taux d'intérêt sont élevés.
"Niche fiscale"
Pour redynamiser le secteur, le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave soutient certaines propositions des alliés du camp présidentiel, MoDem et Horizons, comme le passage de 71% à 50% de l'abattement sur les revenus des meublés touristiques (type Airbnb), alors que nombre de villes côtières se plaignent du peu de logements disponibles, en raison de l'explosion des locations de courte durée.
Insuffisant pour la gauche qui voudrait s'attaquer plus fortement à cette "niche fiscale Airbnb".
Le MoDem, certains Renaissance et les oppositions mettent aussi la pression pour empêcher le gouvernement de recentrer dans les "zones tendues" le dispositif du "prêt à taux zéro".
Autre gros morceau, la gauche veut revenir à la charge sur la "justice fiscale", en appelant à taxer les "superprofits" des grandes entreprises.
Les élus de gauche prennent volontiers appui sur les propositions du chef des députés MoDem Jean-Paul Mattei, qui plaidait l'an dernier pour une taxation des "superdividendes" et demande cette année d'augmenter la fiscalité lors du rachat par les plus grandes entreprises de leurs propres actions.
Mais le gouvernement, attaché à sa politique pro-entreprises, avait écarté l'amendement sur les superdividendes l'an dernier, malgré son adoption dans l'hémicycle.
Au PS, Christine Pirès Beaune reprendra son bras de fer sur la prise en charge des personnes en Ehpad, après un succès en commission. Elle demande de remplacer une réduction d'impôt par un crédit d'impôt, accessible aux plus modestes.
Mais les amendements "rompant l'équilibre" du budget ne seront pas acceptés, a déjà prévenu le ministre Thomas Cazenave. Le gouvernement jongle entre ses promesses d'économies, d'investissements dans la transition écologique, d'indemnité carburant et d'augmentation du nombre de fonctionnaires. Sa prévision de croissance de 1,4% pour 2024 est en outre jugée "élevée" par le Haut Conseil des Finances publiques.
Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a souhaité qu'un milliard d'euros d'économies supplémentaires soit inscrit au budget 2024 "à l'issue du travail parlementaire", au-delà des quelque 16 milliards déjà prévus par l'exécutif.
LR propose 25 mds EUR d'économies et 10 de baisses d'impôts
"Notre pays est le cancre de l'UE": les Républicains (LR) ont présenté mardi leur contre-budget pour 2024 afin de redresser les finances publiques avec 25 milliards d'euros d'économies notamment sur le chômage et plus de 10 milliards de baisses d'impôts pour les ménages et les entreprises.
"Nous voulons être le parti de la baisse d'impôts et de la hausse des salaires", a affirmé le patron de LR Eric Ciotti lors de la présentation à la presse du contre-budget élaboré par le parti et publié à l'occasion du début à l'Assemblée nationale de l'examen du projet de loi de finances pour 2024.
Selon la droite, ses mesures permettraient à l'Etat de diminuer le déficit public à 4% du PIB l'an prochain, contre 4,4% prévu par le gouvernement, afin d'accélérer le retour de la France sous la barre des 3%.
Qualifiant le pays de "cancre", le président du groupe LR à l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, a assuré que si les finances publiques n'étaient pas redressées la France sera la "dernière" à revenir aux 3% du PIB en 2027.
"L'objectif de ce contre-budget est de porter une baisse des prélèvements obligatoires (...) au service de la compétitivité et du pouvoir d'achat des Français", a expliqué M. Ciotti, qui plaide pour une diminution pour les entreprises d'un milliard d'euros de la CVAE, un impôt de production que le gouvernement a commencé à diminuer.
Pour les ménages, LR propose notamment de baisser le prix du carburant de 10% en réduisant les taxes, ainsi qu'une réduction de l'impôt sur les successions.
Pour faire face à la baisse "préoccupante" de la natalité, Annie Genevard, la secrétaire générale des Républicains, prévoit de "rehausser le quotient familial à 2.750 euros par demi-part" contre 1.759 euros dans le projet de budget, une mesure dont devraient bénéficier 3 millions de foyers fiscaux.
Elle a également proposé de restaurer "l'universalité" des allocations familiales et "dès le premier enfant".
Pour la baisse des dépenses, la députée Véronique Louwagie a assuré que des "réformes structurelles" étaient indispensables, notamment pour faire baisser de 6 milliards d'euros le montant de l'indemnisation du chômage.
LR prône également la création d'un "système unifié de prestations de solidarité en regroupant un certain nombre d'allocations" pour des économies de 2 milliards.
Sur l'immigration, le parti propose de réduire de 700 millions d'euros le coût de l'aide médicale d'Etat (AME) pour les sans-papiers, afin de "réduire le caractère attractif pour l'immigration irrégulière d'un modèle aujourd'hui sans contrôle", a expliqué M. Ciotti.