Le juge des référés du Tribunal administratif de Paris avait en effet annulé un des deux permis de construire constituant le projet de restructuration de la Samaritaine pour défaut d’insertion du projet dans son environnement urbain.
L’Ordre des architectes s’était alors associé au concert de protestations qu’avait suscité l’annulation du permis de construire, considérant qu’une telle décision compromettait la faisabilité du projet et ternissait l’image et la culture de notre pays. Les conséquences sont lourdes et pèsent sur l’avenir de l’architecture.
Le conseil national de l'ordre des architectes nous propose une analyse juridique de la décision de la Cour Administrative d’Appel de Paris :
Pour rappel, le permis de construire accordé le 17 décembre 2012 autorisait la SA Grands Magasins de la Samaritaine Maison Ernest Cognacq (groupe LVMH) à restructurer l’ensemble de bâtiments dit « Îlot Rivoli » du site de la Samaritaine, inscrit aux monuments historiques depuis juillet 1990. Le projet architectural envisagé pour le nouveau bâtiment comportait, sur toute sa hauteur (25 mètres) et sur toute la longueur de sa façade (73 mètres) un habillage de verre transparent, sérigraphié de points blancs d’une densité croissante de bas en haut de l’édifice et doté d’ondulations verticales de taille variable.
Une action contentieuse en annulation avait été engagée par des riverains et par deux associations (la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (S.P.P.E.F) et SOS Paris) qui s’inquiétaient de la transformation du bâtiment et du non-respect des règles d’urbanisme.
Pour annuler le permis de construire, le juge de première instance avait considéré que « la façade sur rue en verre plissé ne s’insère pas dans le tissu urbain existant » (….), que le « choix d’une façade ondulante exclusivement réalisée en verre compromet l’insertion de la construction nouvelle dans une artère représentative de l’urbanisme du 19ème siècle bordée d’immeubles en pierre où la notion classique de façade n’a pas été abolie et ne contribue guère à mettre en valeur les édifices environnants ».
En appel, les juges ont confirmé l’annulation du permis de construire en estimant que « les constructions neuves, y compris les créations architecturales contemporaines, doivent s’intégrer dans le tissu urbain existant. (…). Si les différents registres (morphologie et typologie des quartiers, façades existantes et couvertures) présents dans les immeubles parisiens peuvent ne pas être totalement respectés, toute construction nouvelle doit cependant prendre en compte les caractéristiques des façades et des couvertures des bâtiments voisins, en termes d’ornementation, de matériaux et de coloris, ainsi que celles du site dans lequel elle s’insère, tout particulièrement lorsque celui-ci constitue un ensemble architectural cohérent ».
Selon la Cour, « il ne ressort pas des pièces du dossier que ces ondulations verticales puissent être regardées comme reproduisant le rythme des façades des immeubles avoisinants de la rue de Rivoli ». Par ailleurs, « le choix du verre comme matériau exclusif de la façade de l’édifice, alors que celle-ci est de grande dimension et présente, de surcroît, un caractère uniforme encore accentué par le fait qu’elle ne comporte que peu d’ouverture, et uniquement en rez-de-chaussée, ne répond pas à l’obligation d’insertion de la construction dans le tissu urbain environnant ».
Cette décision relève certes de l’appréciation souveraine des juges. On peut cependant s’étonner de cette vision restrictive des juges de la Cour Administrative d’Appel de Paris, contraire, de surcroît, aux conclusions du rapporteur public !
A la suite de cette décision, le Groupe LVMH, propriétaire de la Samaritaine, ainsi que la Ville de Paris favorable au projet, ont annoncé leur intention de saisir le Conseil d’Etat et de faire une demande de sursis à exécution de cette décision, ce qui permettrait de pouvoir continuer le chantier. Les travaux avaient en effet repris il y a trois mois ; la même Cour Administrative d’Appel avait prononcé un sursis à exécution du jugement de première instance. Ce sursis à exécution avait alors permis la reprise des travaux.
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