Intitulé "Ensemble pour une transition urbaine low-tech", un manifeste publié en juin dernier a recueilli de nouvelles signatures lors du Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim).
Ses soutiens entendent "faire mieux avec moins" et créer "une alternative crédible à la course à l'innovation technologique particulièrement énergivore".
Le promoteur Nexity, qui a rejoint les premiers porteurs de la démarche, Groupama Immobilier, BNP Paribas Real Estate ou SNCF Immobilier, revendique "un immobilier qui soit durable, fait pour durer, frugal, et où la technologie a un usage mesurable", explique à l'AFP Jean-Claude Bassien, directeur général délégué.
"Il y a eu un grand moment de fantasme parce que tout était à la technologie, au digital, où on pouvait penser que tout serait +drivé+ par la data, que la ville du futur serait une ville où les usagers seraient une somme de données numériques. Ce fantasme s'est un peu évaporé", dit-il.
Les dispositifs technologiques de la "smart city", poursuit M. Bassien, étaient trop peu connectés entre eux pour être efficaces, jugés trop intrusifs par les citoyens... et coûtaient inutilement cher aux bâtisseurs.
Dans un contexte difficile pour l'immobilier neuf, introduire moins de technologie superflue permet donc de faire baisser les coûts.
"Pas inutile"
"L'immobilier a un peu sombré dans les mêmes travers que l'industrie automobile: on a des véhicules très sophistiqués, très fragiles en maintenance, dont on utilise à peine 30% des fonctionnalités", juge aussi Eric Donnet, directeur général de Groupama Immobilier, spécialiste de l'immobilier de bureaux.
"Vous rentrez aujourd'hui dans un immeuble, les portes sont automatiques; vous entrez dans une pièce, les lumières s'allument; vous êtes plusieurs, la ventilation s'enclenche; l'écran télé, qui est forcément géant, est pré-allumé...", raille-t-il.
Pour diminuer la consommation d'énergie de ses bâtiments, le groupe entend réduire, voire supprimer, les besoins en chauffage et en climatisation.
"Oui, au-dessus de 26 degrés, il fait un peu chaud. Mais si c'est 12 jours par an, ce n'est pas dramatique", a tranché la directrice générale adjointe, Astrid Weill.
Bâtiments démontables, rajout d'étages en utilisant du bois, construction sur des friches ferroviaires... SNCF Immobilier se veut aussi pionnière de la construction sobre.
"On économise la matière, les matériaux et le foncier, on vise dans la rénovation de hauts niveaux de certification, dans le résidentiel et l'industriel", détaille la présidente du groupe, Katayoune Panahi.
Pas question toutefois de rejeter la technologie en bloc, rappellent-ils tous.
"Le low-tech nécessitera de l'énergie, mais à bon escient. Pas inutile... pas de gadgets", dit ainsi Méka Brunel, présidente de l'Université de la ville de demain, groupe de réflexion autour de la ville bas-carbone.
"Régénéré" et "réversible"
Des élus aussi cheminent vers une construction plus économe. Au Mipim, la métropole de Lyon, dirigée par l'écologiste Bruno Bernard, a vanté son projet de réhabilitation du quartier d'affaires de la Part-Dieu, en évitant autant que possible de démolir et reconstruire les bâtiments, des opérations très émettrices de CO2.
"Il y a cinq ou six ans, on ne se posait même pas de question: on démolissait, on reconstruisait. La question de régénérer un bâtiment ne se posait même pas", justifie-t-il.
Si le chantier coûte plus cher, le surcoût sera compensé dans le temps, avance-t-il. "Quoi qu'il arrive, le coût de l'énergie augmentera au fil du temps. Construire des bâtiments isolés, c'est une évidence !", ajoute-t-il.
"Il y a une dizaine d'années, quand on parlait de la +smart city+, on parlait plutôt d'automatisation complète des systèmes de climatisation, etc. Aujourd'hui, on va parler d'aération naturelle, d'exposition, d'angle du bâti...", raconte aussi Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président (UDI) du conseil régional d'Ile-de-France chargé de l'urbanisme. Dans son prochain schéma d'urbanisme, la région va ainsi demander aux promoteurs de penser la réversibilité des bâtiments, c'est-à-dire leur capacité à changer d'usage: de bureaux en logement, ou l'inverse.
"On va essayer d'accompagner, d'inciter et parfois d'obliger à avoir une typologie constructive beaucoup plus sobre ou résiliente", promet-il.