Après les élections législatives de 2017, quelque 1.300 collaborateurs avaient été licenciés dans la foulée du débarquement des troupes LREM. Cette année, la vague de renouvellement devrait cependant être moins importante si la majorité présidentielle est confirmée.
"On connaît les règles du jeu. Mais ce n'est jamais évident, c'est toujours une histoire qui se termine", lâche l'un d'eux à l'AFP.
Au service des 577 députés, ils sont au total 2.000 collaborateurs, dont 40% travaillant au Palais Bourbon et 60% en circonscription. Neuf sur dix sont en CDI: si leur député ne se représente pas ou est battu, ils sont licenciés; si leur député est réélu, ils sont automatiquement reconduits.
Souvent "couteaux suisses", ces assistants assurent des tâches diverses, secrétariat, rédaction d'amendements, communication... et ne sont pas forcément du même bord politique que leur député, même si c'est souvent le cas.
Ils sont employés par chaque élu, qui recrute, fixe conditions de travail et salaire, sur une enveloppe mensuelle de 10.581 euros attribuée par l'Assemblée, qui permet d'employer une à cinq-six personnes.
L'affaire de l'emploi fictif de l'épouse de François Fillon les avait mis cruellement en lumière en 2017. "L'image de celui qui attend son chèque est restée, plutôt que celle de collaborateurs très investis pour la plupart", déplore l'une de ces petites mains.
L'interdiction pour les parlementaires d'employer des membres de leur famille proche avait été votée dans la foulée.
Après cet épisode, nouveau coup de projecteur sur les conditions de travail des collaborateurs: les situations de harcèlement ont été plus vivement dénoncées sous la mandature qui s'achève.
Travail de nuit, promiscuité, relation de pouvoir... Face à ces conditions propices, l'Assemblée nationale a musclé en février 2020 son dispositif, avec la création d'une cellule anti-harcèlement, pluridisciplinaire et indépendante.
En 2021, 24 personnes - surtout des collaborateurs - ont saisi cette cellule, pour du harcèlement moral principalement. Et la justice a été saisie pour un cas de harcèlement sexuel.
"Mercenarisation"
Parfois en lien, le turn-over a fortement augmenté. Quelque 5.875 contrats ont été conclus entre mi-2017 et fin 2021, dont 3.950 ont été rompus (43% pour fin de CDD), selon les derniers chiffres connus.
La durée moyenne en CDD s'établit à trois mois, signe d'une "mercenarisation" des collaborateurs, embauchés pour une tâche bien définie à un moment clé, souligne un vieux routier.
Le Canard Enchaîné a établi un palmarès des 20 députés les plus "consommateurs", avec en tête Laurence Maillart-Méhaignerie (LREM), présidente sortante de la commission du Développement durable, qui a usé 29 assistants.
"Il y a eu beaucoup de ratés. Les députés de la majorité étaient souvent peu expérimentés, et ont recruté des collaborateurs peu expérimentés aussi. Beaucoup ont mal choisi", déplore un de ceux qui a dû changer de patron en cours de route.
Les élus s'étaient entourés de nouveaux profils, comme d'ex-militants de leur campagne, voire de leurs suppléants -pratique pas interdite - pour 87 d'entre eux.
"Je dis aux plus jeunes de ne pas en faire leur métier à vie. C'est très prenant, très dur. On passe beaucoup de temps à faire la carrière d'un autre, pas la sienne", rapporte Brayen Sooranna (CFDT collaborateurs), dont la députée ne se représente pas et qui, à 37 ans, ne sait pas encore s'il va poursuivre.
Effet bénéfique de l'affaire Fillon: des avancées ont été entérinées, avec notamment des accords en 2018 sur une "fiche métier" et en 2021 sur la reconnaissance de l'ancienneté, conclus avec l'Association des députés employeurs. "Nous ne sommes ni chauffeurs, ni baby-sitters ou femmes de ménage", clament encore les collaborateurs.
"L'effort de professionnalisation n'a pu porter ses fruits du fait du turn-over important", regrette Astrid Ribardière (Unsa-USCP). Au menu de la prochaine mandature, toujours: la demande d'un véritable statut, "avec des droits applicables", et non plus "précarité et opacité", réclament les syndicats.