Atterissage
Après 15 mois d’évolution positive sur un an, pour un pic à plus de 1,2 million de ventes en septembre 2021, les volumes ont entamé leur lente décrue (-3,7% en juin et -5,6% en août sur un an), même s’ils restent exceptionnellement hauts, signe de deux années hors du commun laissant présager une fin d’année autour de 1,1 million de ventes. Particulièrement, les notaires ont pu ressentir une décélération sur les mois de septembre et octobre accompagnée de délais de vente plus longs. Parallèlement, le ralentissement de la hausse des prix s’est enclenché quand bien même la baisse n’est pas pour tout de suite. La diminution des volumes intervient avant la baisse des prix, mais les notaires constatent déjà des négociations sur les prix qui n’existaient pas il y a encore quelques mois.
Le fléchissement atteste d’une année 2023 qui sera objectivement moins remarquable en termes de volumes, mais l’atterrissage devrait s’effectuer en douceur, comme annoncé par les notaires.
À contre-courant d’ailleurs, spécifiquement dans la Capitale, on y note une reprise forte des volumes et un assèchement des stocks, susceptibles d’engendrer une forte tension sur les prix.
Néanmoins, le contexte économique et géopolitique reste dominé par les incertitudes dans des temps d’instabilité. Le marché immobilier n’y est pas imperméable. À ce titre, la nette augmentation des taux sur les crédits à l’habitat à 1,72% en septembre pour 1,1% en janvier implique une baisse de la capacité moyenne d’endettement qui devrait se poursuivre et s’amplifier. Sur les durées longues, les taux sont à présent de plus de 3%. Si le taux d’usure a pu être un problème au cours des derniers mois, son relèvement au 1er octobre redonne une bouffée d’oxygène. Mais il est à noter une crainte de certains acquéreurs recherchant une signature rapide afin d’échapper à une hausse des taux programmée. Depuis plusieurs mois, les marges de manœuvre des banques commerciales diminuent par cette réduction de l’écart entre le taux d’usure en vigueur et le taux des OAT à 10 ans. L’offre de crédit se trouve, dès lors, automatiquement limitée et fait d’un outil de protection nécessaire du consommateur un outil de raréfaction du crédit, voire d’exclusion du crédit, y compris pour de bons profils qui n’atteignent pas le taux d’endettement maximal de 35%. Une hausse insuffisante ou trop espacée dans le temps des taux d’usure, à un rythme différent de la hausse des taux bancaires, crée ainsi un goulet d’étranglement qui complique paradoxalement l’accès au crédit immobilier et exclut donc, de fait, certains ménages.
Interrogés lors de la première quinzaine d’octobre [1] , les notaires de France constatent que dans 18,1% des rendez-vous concernant des projets immobiliers, le taux d’usure est un enjeu de concrétisation susceptible de différer la signature. Ils remarquent aussi que dans 19% des cas, cette question du taux d’usure peut conduire à compromettre la réalisation d’une vente. Ces résultats sont encore plus marqués dans les grands offices des métropoles. Les notaires considèrent pour 93,4% d’entre eux que le taux d’usure est un enjeu davantage présent dans leurs échanges avec leurs clients depuis la hausse des taux, et pour 95,8% d’entre eux que son impact sur la viabilité des projets immobiliers est plus sévère.
Nonobstant cette remontée des taux, il convient de rappeler que les taux d’intérêt réels n’ont jamais été aussi bas depuis les années 1970, ce qui reste incitatif pour une partie des acquéreurs, notamment au regard de l’inflation (à 6,2% en octobre, niveau inédit depuis 1985), de sorte que le prêt constitue un placement. Par ailleurs, la garantie du taux fixe évite d’être dépendant des fluctuations de marché, par la décorrélation du prêt à la valeur du bien, garde-fou nécessaire.
Le marché immobilier n’est pas et ne sera pas étranger aux soubresauts et fluctuations des paramètres macro-économiques. Mais il est inutile d’être alarmiste à cette heure, même si l’inflation et les coûts de l’énergie impacteront grandement le pouvoir d’achat des Français dans les mois à venir. À ce titre, les Français sont de plus en plus regardants sur la valeur verte des biens et la qualité du DPE proposé; ils influent de plus en plus les négociations, particulièrement sur le marché des maisons ou dans le locatif.
Mais les fondamentaux du marché immobilier de l’ancien sont là, qui reste alimenté par les utilisateurs, loin de toute bulle immobilière. Dans des temps incertains, la pierre demeure plus que jamais une valeur refuge dans un environnement indécis et imprévisible.
Au 2e trimestre 2022, les prix des logements anciens décélèrent légèrement
En France métropolitaine, au 2e trimestre 2022, la hausse des prix des logements anciens se poursuit malgré une légère inflexion avec +1,3% par rapport au 1er trimestre 2022 (données provisoires corrigées des variations saisonnières).
Sur un an, la hausse des prix se poursuit avec +6,8%, après +7,3%. La hausse reste plus marquée pour les maisons (+8,5% sur un an au 2e trimestre 2022) que pour les appartements (+4,5%), comme depuis le 4e trimestre 2020.
En province, au 2e trimestre 2022, les prix des logements anciens augmentent de +1,7% sur un trimestre. Sur un an, les prix restent très dynamiques: +8,6% au 2e trimestre 2022, après +9,2%. Depuis le début de l’année 2021, les prix des maisons en province (+9% sur un an au 2e trimestre 2022) augmentent plus fortement que ceux des appartements (+7,6%), ce qui ne s’était pas produit en 2019 et 2020.
En Île-de-France, au 2e trimestre 2022, les prix des logements anciens augmentent pour le deuxième trimestre consécutif avec +0,3% sur un trimestre, après +1,1% et -0,2% aux deux trimestres précédents. Sur un an, les prix augmentent également avec +2,2% au 2e trimestre 2022. Cette hausse est nettement plus marquée pour les maisons (+5,4% sur un an, après +5,9% au 1er trimestre 2022 et +6,6% au 4e trimestre 2021) que pour les appartements (+0,7%, après +0,9% et +0,3%). Ce plus fort dynamisme des prix des maisons en Île-de-France s’observe depuis le 4e trimestre 2020. À Paris, les prix des appartements évoluent très peu sur un trimestre avec +0,1% au 2e trimestre 2022, après une stabilité au 1er trimestre 2022 et -1% au 4e trimestre 2021. Sur un an, les prix des appartements parisiens sont en baisse (-0,8%).
Avant-contrats
En France métropolitaine, d’après les projections issues des avant-contrats à fin décembre 2022, le ralentissement de la hausse des prix des logements anciens perdure: +5,7% sur un an à fin décembre 2022 (contre +6,8% au 2e trimestre 2022).
Ce ralentissement serait très marqué sur les prix des maisons anciennes (+6,4% contre +8,5% au 2e trimestre) alors que ceux des appartements anciens augmenteraient au même rythme (+4,8% contre +4,5% au 2e trimestre).
D’après les prix issus des avant-contrats, le prix au m² des appartements dans la Capitale devrait être de 10620 € en décembre 2022, au même niveau qu’un an auparavant. Comme c’est le cas depuis de nombreux mois, les évolutions de prix restent donc très modérées, très loin des fortes variations parfois annoncées. De décembre 2020 à décembre 2022, les prix évoluent entre 10.500 et 10.800 € le m², avec de légers mouvements de hausses puis de baisses.
La hausse des coûts du bâtiment, liée à l’inflation et à celle des matières premières, aux nouvelles normes environnementales et à la raréfaction du foncier poussée par la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) fixée pour 2050, sans compter la perte progressive d’attractivité du dispositif Pinel, entraîne le marché du neuf dans une impasse économique. Le développement du marché du logement ancien suit logiquement celui du marché du neuf, avec un certain décalage. Il est en effet alimenté majoritairement par les reventes des accédants à la propriété.
[1] - Enquête en ligne menée par le CSN du 12 au 14 octobre 2022 auprès de l’ensemble des notaires de France; 2295 questionnaires complétés retournés représentant 14% des notaires dans 30,8% des offices notariaux.
Les caractéristiques des logements vendus en étiquettes énergie F et G en France métropolitaine (hors Corse)
Les récentes modifications des règles de calcul du DPE (méthode 3CL, prise en compte des émissions de gaz à effet de serre dans le calcul de l’étiquette énergie), entraînant une redistribution des logements au sein de l’échelle des performances énergétiques, rendent difficile l’interprétation des évolutions intervenues en 2021 sur la répartition et les caractéristiques des logements vendus selon l’étiquette énergie [1]. La suite de cette analyse portera donc uniquement sur les constats relevés sur l’année 2021, sans comparaison avec une période antérieure.
En France métropolitaine (hors Corse), la répartition des transactions de logements anciens selon l’étiquette énergie est quasiment stable sur un an. Les logements les plus économes (classes A et B) représentent toujours 7% des transactions effectuées en 2021. Il en est de même pour les logements les plus énergivores (classes F et G) qui rassemblent 11% des transactions, quand bien même l’analyse de cette répartition par trimestre montre une légère hausse de la part des transactions de logements de classe G sur le 4e trimestre 2021 (5%) par rapport au 4e trimestre 2019 (3%). Par ailleurs, il convient de noter que la part des logements de classe G construits avant 1947 et vendus au 4e trimestre 2021 augmentent: 33% contre 18% d’entre eux au 4e trimestre 2019. Si ce phénomène se constate sur l’ensemble des transactions, cela reste dans une moindre proportion (17% au 4e trimestre 2021 contre 14% au 4e trimestre 2019). À ce titre, l’interdiction à la location annoncée en 2021 d’une partie des logements de classe G dès 2023 (ceux dont la consommation d’énergie primaire est supérieure à 450 kWh/m²/ an, qualifiés comme indécents dans la législation), a pu accélérer la décision de vendre chez les détenteurs de ce type de logement.
41% des transactions sont réalisées dans les zones « rurales » [2] . Elles y sont tout particulièrement sur-représentées car cette proportion est de 30% toutes étiquettes confondues. Les logements d’étiquettes A-B se distinguent également, dans une moindre mesure, avec une part plus importante de transactions réalisées en « banlieue » (40% contre 36% sur l’ensemble des transactions), au détriment des « villes-centre ». On peut noter que la part des transactions de logements les plus récents (construits après 2000) est de 19% dans les « villes-centre », 25% en « banlieue » et monte jusqu’à 28% dans les zones « rurales ».
66% des transactions concernent des maisons (contre 59% sur l’ensemble des transactions).
83% des logements ont été construits avant 1980 (contre 56% sur l’ensemble des transactions), bien avant la mise en place des premières réglementations thermiques avec objectifs imposés (début 2000). En particulier, 37% ont été construits lors de la période d’après-guerre de 1948 à 1969 (contre 22% sur l’ensemble des transactions). La forte et urgente demande de logements durant cette période n’a pas été sans conséquence sur le choix et la qualité des matériaux utilisés.
43% des transactions ont une surface comprise entre 60 et 100 m². Cette part est équivalente à celle enregistrée sur l’ensemble des transactions. Néanmoins, les plus petites surfaces (moins de 30 m²) sont sur-représentées parmi les transactions de logements d’étiquettes F-G: 12% contre 5% toutes étiquettes confondues. Les consommations d’eau chaude et de chauffage, ramenées au m² y sont plus importantes, faisant des petites surfaces les logements les plus gourmands en termes de charge énergétique.
51% des logements F et G sont vendus par des « retraités » (contre 37% sur l’ensemble des transactions). Ce résultat s’explique, en partie, par la typologie des biens vendus par les « retraités ». Il s’agit notamment de biens plus anciens (63% des biens vendus par des « retraités » ont été construits avant 1980 contre 56% toutes CSP confondues). Ces vendeurs détiennent également leur bien plus longtemps (ils sont 55% à les revendre plus de 15 ans après l’achat contre seulement 29% toutes CSP confondues). Ces caractéristiques peuvent avoir une incidence sur « l’état général » du bien ainsi que sur l’étiquette énergie attribuée au moment de la vente: 79% des ventes réalisées par des « retraités » concernent des biens nécessitant des « travaux à prévoir » ou « à rénover » contre 67% toutes CSP confondues.
[1] - Les informations disponibles dans la base immobilière des Notaires de France ne permettent pas d’identifier les transactions aux DPE « nouvelle définition ». Si le nouveau calcul est applicable depuis le 1er juillet 2021, on peut penser qu’il reste une part non négligeable de DPE « ancienne définition » sur les ventes du 2e semestre 2021.
[2] - Le découpage utilisé repose sur la notion d’unités urbaines de l’Insee (www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1441).