Dans le détail, le secteur de la restauration et les grandes entreprises affichent aujourd’hui les délais les plus longs. Tandis qu’à l’échelle des territoires, les entreprises de Bretagne, Pays de la Loire et Bourgogne Franche-Comté forment le top 3 des « meilleurs payeurs ».
Pour Thierry Millon, directeur des études Altares : « Le vaste plan de soutien aux entreprises de 230 milliards d’euros déployé pour faire face à la crise Covid a permis de maintenir les activités et les emplois. Il a aussi soulagé les trésoreries des entreprises qui ont pu continuer à régler leurs factures à temps. Si le pic d’activité de l’été 2020 au lendemain du premier confinement a fait flamber les délais de paiement, la solidarité entre les entreprises et le travail du comité de crise - mis en place dès mars 2020 pour dénouer les cas les plus difficiles - ont contribué à un retour rapide à des comportements de paiement plus vertueux. Un sentiment de soulagement prévalait donc à l’issue de 2021 après avoir surmonté une crise inédite, révélant au passage l’extraordinaire résilience de nos entreprises. Mais l’enthousiasme doit aujourd’hui laisser place à la sobriété et la prudence au regard de ce début d’année 2022 et du contexte de la guerre en Ukraine. Au drame humain qui se noue à nos portes s’ajoutent les conséquences économiques indirectes pesant sur les capacités de production, les chiffres d’affaires, les marges et donc les trésoreries et les délais de paiement. L’envolée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, la confiance érodée des consommateurs pourraient aussi fragiliser la reprise des secteurs le plus durement fragilisés par la crise sanitaire comme la restauration et le commerce. Il est donc encore trop tôt pour savoir si dans ce contexte, les factures pourront être réglées à l’échéance des 60 jours de délais maximum. »
L’impact de la crise sanitaire pas encore neutralisé mais la France rejoint les bons élèves européens
Après un bond des retards à l’été 2020 (14 jours) lorsque l’économie connaissait un très fort rebond post confinement, la situation des délais de paiement s’est améliorée tout au long de 2021 pour atteindre 12,5 jours de retard en moyenne.
Si la France ne renoue pas encore avec ses niveaux d’avant crise sanitaire, elle se détache de nouveau très nettement de la moyenne européenne (13,6 jours).
Les délais s’améliorent dans tous les secteurs, à l’exception de la restauration durement touchée par la crise et les confinements successifs
L’industrie et la construction étaient parvenues à contenir la flambée des délais de paiement en 2020 en dépit du contexte sanitaire. En 2021, les deux secteurs se démarquent avec des retards moyens qui touchent la barre symbolique des 10 jours, et passent même en deçà pour la construction.
Le commerce affiche des retards de règlement sous 14 jours en 2021 après avoir dépassé 15 jours au cours de l’été 2020, voire 20 jours pour les ETI du secteur.
Le secteur des services aux entreprises, qui présentait un retard de paiement moyen de plus de 18 jours à l’été 2020 s’améliore très nettement tout au long de 2021 pour repasser sous la barre des 15 jours (14,6 jours).
La branche information-communication a franchi la barre des 20 jours de retard en été 2020. En 2021, le délai moyen retombe sous 15 jours. Une dynamique portée en particulier par les activités d’édition et de services informatiques.
Les transports logistiques, qui affichaient plus de 18 jours de retard en moyenne en été 2020 ont amélioré leurs délais de plus de deux jours en 2021.
Le secteur hébergement-restauration a sans conteste été le plus impacté par la crise sanitaire. Alors qu’on y observe traditionnellement des retards supérieurs de 3 à 4 jours à la moyenne de l’ensemble des activités, l’écart s’est encore creusé pendant la crise. A l’été 2020, alors que les retards moyens dépassent 14 jours à l’échelle nationale, ils grimpent à 21 jours dans le secteur. La situation s’améliore progressivement mais les délais de paiement dépassent toujours 20 jours au terme de 2021.
Le secteur des services aux particuliers présentait des retards tout juste sous le seuil de 20 jours durant l’été 2020. Grâce aux bonnes performances des activités coiffeurs, soins de beauté et corporels, le secteur revient à des retards moyens inférieurs à 16 jours au terme de 2021.
A échelle régionale, la Bretagne meilleure élève, l’Ile-de-France ferme la marche
Au pic des difficultés à l’été 2020, les comportements de paiement d’une région à l’autre étaient très hétérogènes avec des retards moyens pouvant varier du simple au double. La Bretagne maintenait ainsi des délais de report de règlement aux alentours de 11 jours tandis que l’Ile de France affichait un retard moyen de plus de 20 jours. En 2021, caractérisée par une dynamique générale d’amélioration, les comportements tendent à s’homogénéiser.
La Bretagne reste la « meilleure élève » avec un retard moyen qui passe sous la barre des 10 jours. Elle est suivie des régions Pays de la Loire, Bourgogne Franche-Comté, Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val de Loire, qui présentent toutes des seuils inférieurs à 11 jours.
L’Ile-de-France ferme la marche avec 17,5 jours de retard en moyenne, précédée de près par la Corse (16 jours). La région PACA (13 jours) et les Hauts-de-France (12,4 jours) restent également au-dessus de la moyenne nationale.
Des délais de plus en plus contrastés entre petites et grandes entreprises
A l’été 2020, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, ont vu leurs délais de paiement s’emballer. Amorcée dès l’automne 2020, l’amélioration de ces délais s’est poursuivie en 2021, à des rythmes cependant variables.
Sur l’année, les retards reculent dans les entreprises de moins de 200 salariés, se stabilisent pour celles de 200 à 999 salariés, mais augmentent chez les plus grandes.
Dans ces conditions, les délais de paiement sont de plus en plus contrastés selon la taille des entreprises. On observe ainsi un écart de 5 jours de retard en 2021 entre les structures de moins de 50 salariés et celles de plus de 1000 salariés (vs. 4,4 en 2020).
Comment la facturation électronique pourrait diminuer les retards de paiement, en particulier chez les grandes entreprises ?
Traditionnellement, le respect des délais de paiement est inversement proportionnel à la taille de l’entreprise. Entre une structure de moins de 3 salariés et une organisation de plus de 1000 salariés, on observera généralement un écart de retard de paiement de 4 à 5 jours. Ces comportements sont cependant liés à des réalités différentes. Un retard de 3 à 4 semaines est a fortiori le signe de tensions de trésorerie pour une petite entreprise. A l’inverse, pour les entreprises de grandes tailles, il pourrait être lié à des process de facturation excluant des anomalies d’écritures ou des documents incomplets. L’obligation de passer à la facturation électronique – qui concernera l’ensemble des acteurs économiques à l’horizon 2026 - pourrait donc en réalité permettre de réduire ces délais.
Pour Thierry Millon, directeur des études Altares : « Depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises traitant avec le secteur public, quelle que soit leur taille, doivent transmettre leurs factures sous format électronique ; une exigence bientôt généralisée au secteur privé. A partir de juillet 2024, la facturation électronique s'imposera à l’ensemble des échanges B2B. Toutes les entreprises devront alors être en mesure de recevoir une facture électronique. Les grandes entreprises auront également obligation d'émettre des factures électroniques. Cette obligation sera étendue aux ETI à partir du 1er janvier 2025 et aux TPE-PME au 1er janvier 2026. Outre une réduction des coûts, cette mesure devrait aussi permettre de fluidifier les échanges et potentiellement de réduire les retards de paiement. »
Note de contexte : la mesure des retards de paiement par Altares
Altares et les membres du réseau mondial Dun & Bradstreet ont initié un programme exclusif de collecte et d’analyse des retards de paiement des clients. Depuis près de 50 ans aux États-Unis et 40 ans en France et en Europe, le programme DunTrade® s’alimente des informations provenant directement de la comptabilité-client de 15 000 sociétés participantes.
Il s’appuie sur une observation factuelle de la réalité des paiements par une analyse en permanence des retards de paiement par rapport aux conditions contractuelles. Le périmètre international compte plus de 650 millions d’expériences commerciales réelles par an (relations fournisseur client). En France, chaque année, plus de 35 millions d'expériences commerciales sont analysées couvrant ainsi les comportements de paiement de plus de 2 millions d'entreprises.
Altares est contributeur du Rapport de l’Observatoire des délais de paiement édité par la Banque de France et qui dresse chaque année un état des lieux de l’évolution des conditions de paiement des entreprises et acteurs publics.