Le nucléaire décline partout dans le monde… sauf en France
Alors qu’en 2021, la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial est tombée, pour la première fois en 40 ans, à seulement 9,8%[1], le gouvernement français a lui annoncé sa volonté d’investir dans le développement de mini-réacteurs et centrales nucléaires, comme solution à la crise énergétique que nous traversons.
Des centrales qui seront effectives dans 10 à 15 ans, si elles ne prennent pas le chemin de Flamanville, démarré depuis 2007, et récemment qualifié par la Cour des comptes d’ « échec opérationnel » impliquant des « dérives de coûts et des délais considérables ».[2]
De manière corolaire, toujours sur l’année 2021, plus de 10 %[3] de l’électricité mondiale a été fournie par des infrastructures solaires et éoliennes, la contribution au mix énergétique de ces énergies renouvelables dépassant pour la première fois celle du nucléaire.
La raison ? Les technologies d’énergies renouvelables, photovoltaïque et éolien en tête, sont aujourd’hui matures, et ainsi plus économiques, plus sûres et plus rapides à construire, rendant du même coup les projets d’énergies renouvelables plus compétitifs sur les marchés.
Bien sûr, le contexte français est spécifique. Notre histoire avec le nucléaire fait qu’il est impensable de s’en passer du jour au lendemain. Mais on pourrait montrer plus de volontarisme à accélérer la transition. Par exemple, en mettant 1 euro dans le renouvelable, quand on met 1 euro dans le nucléaire. En mixant l’énergie d’hier avec d’autres sources d’énergie durables et de demain, le France s’engagerait vers un mix plus responsable pour progressivement se passer des énergies fossiles de toutes natures qu’elles soient carbonées ou minérales comme l’uranium.
Redonnons l’exemple de la construction de l’EPR de Flamanville, dont le coût dépasse les 10 milliards d’euros, cela représente une centaine de centrales photovoltaïques, soit l’équivalent de 60 000 m² de panneaux installés et opérationnels, eux, en seulement quelques mois, qui ne nécessiteront pas ou presque pas de maintenance ni de frais d’exploitations, qui ne généreront aucun déchets de longues vie, polluants et nécessitant de grandes précautions de stockage pour des générations entières.
Le photovoltaïque se démocratise … mais un soutien (géo)politique est encore nécessaire
Jamais le consensus social autour du rôle du photovoltaïque dans la transition énergétique n'a été aussi fort.
Car non seulement la technologie photovoltaïque est mature et sûre, mais elle offre un avantage économique élevé, elle est produite à partir d’une énergie disponible du matin au soir, et fabriquée à partir de matériels recyclables jusqu’à 95%[4]. Car à la différence des énergies fossiles, le soleil est une source d’énergie inépuisable et accessible par tous et partout dans le monde.
Des avantages bien perçus par les Français, qui, malgré la lourdeur administrative et une fiscalité peu incitative, investissent massivement dans l’achat de panneaux solaires[5].
En conséquence, l’autoconsommation d’électricité n’a jamais connu un tel succès en France auprès des particuliers et, depuis plus récemment, des entreprises, toutes soucieuses de réduire leur facture ou du moins, dans le contexte actuel, d’en limiter l’envolée.
Pour continuer à démocratiser le photovoltaïque et en faire une solution pérenne, c’est toute une filière qui doit aujourd’hui être repensée pour éviter les problématiques d’approvisionnement, la pénurie des composants, mais aussi pour maitriser l’empreinte environnementale de la construction des panneaux par exemple.
Le 11 octobre dernier, la Commission européenne a lancé des travaux pour constituer une alliance européenne de l'industrie solaire photovoltaïque[6]. Son but : « développer les technologies de fabrication de produits et de composants solaires photovoltaïques innovants », et ainsi « contribuer à accélérer le déploiement de l’énergie solaire dans l’ensemble de l’UE et à améliorer la résilience du système énergétique de l’UE ».
Comprenez : soutenir et renforcer une filière de production européenne face à la concurrence asiatique, dans un contexte énergétique de grande tension, qui (re)met les enjeux de transition au premier plan.
Cette initiative, bien sûr, nous y souscrivons. Mais nous appelons aussi à l’adosser à une autre problématique : celle du prix de l’énergie, ou plutôt, de son calcul. Car dans un marché mondialisé basé sur le libre-échange, la valeur de l’énergie n’est pas calculée de la même manière selon les pays.
Or, nous avons un intérêt commun, à travailler sur des modes de calcul du prix du kilowattheure unifié, intégrant des mesures d’impacts environnementaux de la production de l’énergie, et des taxes carbone en lien avec leur mode de consommation.
In fine, la crise actuelle nous offre une opportunité unique de repenser notre rapport à l’énergie. Avec trois priorités. D’abord, moins consommer : la surconsommation s’observe aussi au niveau énergétique. Ensuite, relocaliser : la crise actuelle nous montre les limites de la mondialisation des marchés de l’énergie et les risques géopolitiques de nos dépendances. Enfin, transiger : les énergies renouvelables sont les (seules) options durables pour construire le modèle énergétique de demain, incluant les barrages, les éoliennes, la biomasse et d’évidence le solaire thermique et photovoltaïque.
Tribune de Ian Bard, Directeur Technique et Commercial de SOLARWATT France (Linkedin).
[1]World Nuclear Industry Status Report (WNISR)
[2]L’EPR de Flamanville accuse un nouveau retard (lemonde.fr)
[3]Commission kicks off work on a European Solar Photovoltaic Industry Alliance | European Commission (europa.eu)
[4]Panneaux photovoltaïques : quel impact sur l'environnement. (solarwatt.fr)
[5]Les Français se ruent sur les panneaux solaires (la-croix.com)
[6] La Commission lance les travaux pour une alliance européenne de l’industrie solaire photovoltaïque | Commission européenne – Alliance industrie européenne photovoltaïque (europa.eu)